La Vie et l’Œuvre de Maupassant/Texte entier



LA VIE ET L’ŒUVRE


DE GUY DE MAUPASSANT
ÉDOUARD MAYNIAL

La Vie et l’Œuvre
de
Guy de Maupassant
QUATRIÈME ÉDITION
PARIS
SOCIÉTÉ DV MERCVRE DE FRANCE
xxvii, RVE DE CONDÉ, xxvii

mcmvii


AU BARON ALBERT LUMBROSO


HOMMAGE RECONNAISSANT

INTRODUCTION


Raconter la vie de Maupassant, c’est déjà faire l’histoire de son œuvre. Peu d’écrivains, pourtant, ont eu plus que lui le souci de cacher leur existence aux curiosités indiscrètes, et la crainte de se laisser deviner à travers leurs livres. Cette impersonnalité rigoureuse, pour Maupassant, n’était pas seulement, comme pour son maître Flaubert, le principe fondamental de son esthétique, la loi imprescriptible et la condition même de l’art ; c’était, plus encore, une disposition naturelle et permanente de son caractère. Toute sa vie n’appartint pas à la littérature ; entre l’une et l’autre, il avait établi une distinction scrupuleuse qu’il faisait jalousement observer. Il professait que l’écrivain ne doit rien au public que ses livres et s’indignait contre la publication posthume de documents inédits ou de correspondances privées. Lorsqu’on publia les lettres de Flaubert, il regretta vivement de ne pouvoir s’opposer à ce qu’il considérait comme une profanation ; mais du moins il en exprima son mécontentement à plusieurs amis qui ont gardé le souvenir de ses confidences sur ce point ; quelques-uns même ont respecté une volonté maintes fois exprimée, en détruisant ses propres lettres après sa mort[1]. Cependant, il se laissa entraîner à écrire sur Flaubert une étude qui, précisément, devait paraître en tête des Lettres à George Sand[2]. Il le fit avec une pieuse réserve, ne s’arrêtant, dans la vie de son maître, qu’aux détails biographiques de première importance, aux grandes dates, aux faits essentiels déjà connus, faisant revivre, avec ses souvenirs personnels, l’homme passionné, sincère et généreux, tel qu’il se livrait à ses amis, dans l’admirable retraite de Croisset, s’attachant surtout à détruire des légendes ou à corriger des erreurs établies sur la doctrine et sur la méthode de l’artiste. Cette notice impartiale, respectueuse et complète, est un modèle ; et c’est ainsi, sans doute, que Maupassant aurait voulu être compris et raconté.

Comment aurait-il jugé certaines divulgations sur les années les plus douloureuses de sa vie, lui qui protesta violemment lorsqu’un éditeur imprudent s’avisa d’insérer son portrait dans un de ses livres[3] ? « Je me suis fait une loi absolue, déclara-t-il à ce propos, de ne jamais laisser publier mon portrait toutes les fois que je peux l’empêcher. Les exceptions n’ont eu lieu que par surprise. Nos œuvres appartiennent au public, mais pas nos figures[4]. » À plus forte raison Maupassant défendait-il sa vie privée contre les entreprises ingénieuses des journalistes en quête de copie, et la pensée que ses lettres ou ses papiers pourraient être divulgués un jour le tourmentait visiblement. Il en était arrivé à surveiller le ton de sa correspondance, à s’interdire ces boutades, ces accès d’éloquente franchise, ces confessions brutales qui font pour nous l’intérêt et le charme des lettres de Flaubert. Peut-être le sentiment de sa dignité littéraire lui inspirait-il cette pudeur ombrageuse ; ou, sans doute, la simplicité de son caractère s’effarouchait des curiosités posthumes ; à coup sûr, plusieurs expériences récentes, celle de George Sand[5], celle de Flaubert, dont il souffrit, l’avaient mis en garde contre le danger possible. Ses amis observèrent les précautions qu’il prenait pour donner à ses lettres une forme aussi sèche et aussi neutre que possible. « Il ne se laissait aller que fort rarement, dans ce genre d’écrits de nature intime, à des dissertations littéraires et aux jeux d’esprit qu’aurait pu lui suggérer le désir de plaire à une femme, même quand il était en coquetterie réglée avec elle. Il préférait s’en tirer par une brève formule, comme dans l’histoire des six poupées que lui avait envoyées la comtesse P.. à Cannes. C’était plus prudent[6]. »

Mais toute sa prudence n’a pu empêcher qu’après sa mort ne commençât dans les journaux et dans les revues cette chasse aux souvenirs et aux documents qui fait partie aujourd’hui de l’histoire littéraire. Il semble que, désormais, la vie d’un écrivain intéresse plus que son œuvre et l’on ne se contente pas toujours de demander à l’une ce qui est rigoureusement nécessaire pour mieux expliquer l’autre. Trop souvent, le désir de satisfaire aux exigences les plus discutables du public sert d’excuse à de singulières recherches. Maupassant n’a pas échappé à cette fatale indiscrétion. Plus même que beaucoup d’autres, le roman tragique de sa vie passionne une curiosité peu noble et peu respectueuse. Longtemps la pieuse sollicitude d’une mère défendit sa mémoire contre cette injurieuse atteinte ; seuls quelques amis contèrent discrètement les souvenirs de ses premières années ; ils dirent ce que fut cette existence active, laborieuse, pleine d’exubérance et de santés jusqu’au jour de la crise douloureuse ; ils rappelèrent de charmantes anecdotes sur sa vie de plein air ou sur sa vie errante, qui aidaient à comprendre et faisaient mieux goûter ses livres. Mais, depuis la mort de Mme  Laure de Maupassant[7], la chasse au document est devenue plus fructueuse : d’impitoyables révélations ont éclairé peu à peu la fin obscure et misérable du puissant romancier.

Dans cette bibliographie déjà considérable, qui s’est constituée en dix ans autour du nom de Maupassant, on peut cependant faire un choix ; il est permis d’emprunter aux souvenirs de ceux qui Pont connu, entre 1870 et 1893, à quelques lettres ou papiers inédits, récemment publiés et qui se rapportent à la période de sa plus grande activité littéraire, à son œuvre même, moins impersonnelle, après tout, qu’il ne l’avait souhaité, les éléments d’une biographie aussi complète que possible. D’abord, bien des erreurs ont cours, particulièrement sur ses années de jeunesse, qu’il n’est pas inutile de corriger ; parmi toutes les anecdotes que l’on conte, il en est beaucoup de séduisantes et de curieuses, malheureusement légendaires ou fantaisistes. Puis, en dépit de ses protestations, les livres de Maupassant sont le reflet même de sa vie, qu’ils suivent d’étape en étape. Comme aucune disposition psychologique, aucune doctrine esthétique ne gênait chez lui l’observateur sincère de la réalité, il n’y a presque rien d’artificiel dans la matière sur laquelle travaille l’écrivain. Il se donne aux choses avec une complète indépendance d’esprit et les reflète presque inconsciemment. C’est le monde qu’il fréquente, la vie à laquelle il se livre, qui composent en lui, sans contrainte, la nouvelle et le roman, avec une fidélité si absolue que l’on a pu chercher dans son œuvre et retrouver toutes les préoccupations et presque tous les événements qui ont traversé son existence, modifié sa manière d’être et de sentir[8]. Enfin, il faut dire sa vie, parce que, en dehors et indépendamment de ce qu’il écrivit, elle fut belle dans sa rapidité inquiète et douloureuse. De sa jeunesse vigoureuse, de sa saine impassibilité peu à peu attendrie de pitié, de ses souffrances aussi, se dégage une incontestable vérité, celle même qu’il énonçait dans son étude sur Flaubert[9] : « Les gens tout à fait heureux, forts et bien portants, sont-ils préparés comme il faut pour comprendre, pénétrer, exprimer la vie, notre vie si tourmentée et si courte ? Sont-ils faits, les exubérants, pour découvrir toutes les souffrances qui nous entourent, pour s’apercevoir que la mort frappe sans cesse, chaque jour, partout féroce, aveugle, fatale ? » Toute l’œuvre de Maupassant s’explique par cette hantise impérieuse de la mort, qui l’étreignit lentement, comme un pressentiment implacable, et qui se mêle chez lui aux sensations les plus violentes et les plus brutales de la vie.

PREMIÈRE PARTIE

1850-1870
années d’enfance et de jeunesse

Origines lorraines et origines normandes. — Gustave de Maupassant ; Laure Le Poittevin. — Le mariage. — La séparation. — Guy de Maupassant et son père.

Éducation maternelle ; la villa des Verguies ; — premières lectures et premières promenades. — La nature normande. — G. de Maupassant et son frère Hervé. Le séminaire d’Yvetot. — La discipline ecclésiastique. — Les premiers vers : l’Épître à ma cousine.

Au lycée de Rouen, — Influence de Louis Bouilhet. — Poésie et théâtre. — Quelques farces normandes.

La guerre de 1870. — Souvenirs de l’invasion : Boule de Suif et Mlle  Fifi.

I

Henri-René-Albert-Guy de Maupassant naquît le 5 août 1850, au château de Miromesnil, commune de Tourville-sur-Arques, dans la Seine-Inférieure, à 8 kilomètres de Dieppe[10]. La date et le lieu de sa naissance ont donné lieu à plusieurs erreurs ou confusions dans certains dictionnaires de biographie. Peut-être ces erreurs proviennent-elles de l’acte de décès de Maupassant, tel qu’il figure à la mairie du xvie arrondissement, à Paris, et qui est ainsi rédigé :

L’an mil-huit-cent-quatre-vingt-treize, le sept juillet, à neuf heures du matin. Acte de décès de Henri-René-Albert-Guy de Maupassant, âgé de quarante-trois ans, homme de lettres, né à Sotteville près Yvetot (Seine-Inférieure)… etc.

Le château de Miromesnil n’appartenait pas à la famille de Maupassant, qui l’avait pris en location. C’était « un de ces châteaux battus des brises du large, dont le vent d’équinoxe emporte au loin les tuiles, pêle-mêle avec les feuilles des hêtraies[11]. » Après ses couches, Mme  de Maupassant revint s’installer à Étretat, et c’est dans ce village que Guy passa ses premières années.

Le père de Guy, M. Gustave de Maupassant, appartenait à une ancienne famille lorraine, qui fut anoblie par l’empereur François, époux de Marie-Thérèse. Un Maupassant s’était distingué au siège de Rhodes. Les Maupassant vinrent se fixer en Lorraine à la suite de Marie-Leczinçka ; plus tard, ils s’attachèrent à la maison de Condé, et Jean-Baptiste de Maupassant fut chef du conseil de tutelle des princes de Condé et de Conti. Une demoiselle de Maupassant était la maîtresse de Lauzun : elle l’accompagna à la guerre pendant la conquête de la Corse ; un jour qu’elle s’exposait imprudemment au feu de l’ennemi, elle répondit à Lauzun qui la pressait de s’éloigner : « Vous croyez donc que nous autres femmes nous ne savons risquer notre vie qu’en couches ? » Le mot est rapporté dans les Mémoires de Lauzun[12].

Les Maupassant portaient le titre de marquis, titre à brevet que leurs descendants abandonnèrent, en conservant cependant leurs armes surmontées d’une couronne[13].

Malgré la légende que les Goncourt ont charitablement recueillie dans leur Journal[14], il ne semble pas que Maupassant ait, à aucun moment de sa vie, tiré vanité de cette noblesse et de ce titre que sa famille avait laissé perdre. Tous les symptômes de la folie des grandeurs que l’on a prétendu trouver dans les dernières années de sa vie consciente sont vraisemblablement imaginaires.

La famille de Maupassant s’établit en Normandie vers le milieu du xviie siècle. Le grand-père de Guy dirigeait une exploitation agricole à La Neuville-Champ d’Oisel, entre Rouen et les Andelys ; il se signala par son opposition à l’Empire[15]. Son père, Gustave de Maupassant, était intéressé dans une charge d’agent de change, chez Stolz, à Paris.

Gustave de Maupassant épousa, le 9 novembre 1846, une jeune fille de la haute bourgeoisie normande, Mlle  Laure Le Poittevin. De ce mariage naquirent Guy de Maupassant et son frère plus jeune, Hervé[16].

Lorrain par son père, Normand par sa mère, Guy subit surtout l’hérédité maternelle. La Normandie, où il fut élevé, la première éducation, qu’il reçut tout entière de sa mère, devaient profondément influencer son caractère. Nous aurons à montrer comment la province et la race se retrouvent dans l’œuvre de l’écrivain. Mais c’est ici qu’il faut dire quelle mère admirable fut Laure Le Poittevin.

Elle était née en 1821, à Rouen, du mariage de Paul Le Poittevin et de Mlle  Turin. Son frère, Alfred Le Poittevin, et elle furent les compagnons de jeux et d’études de Gustave Flaubert et de sa sœur Caroline. Le docteur Flaubert était alors chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu à Rouen ; sa femme était une amie d’enfance de Mme  Le Poittevin[17]. Il n’y a donc rien de fondé dans la tradition qui fait de Guy de Maupassant le neveu et le filleul de Flaubert. Aucun lien de parenté n’unissait les deux écrivains : mais Flaubert reporta un jour sur celui qui devait être son disciple toute la tendresse qu’il avait eue pour ses premiers et ses meilleurs compagnons de jeunesse, Laure et Alfred Le Poittevin, mère et oncle de Guy.

Ce que fut la camaraderie entre ces quatre enfants, les lettres mêmes de Flaubert nous le disent. De quelques années plus âgé que Flaubert, doué d’un esprit brillant, plein de verve et d’excentricité, Alfred Le Poittevin exerça sur la formation intellectuelle de sa sœur et de ses amis une très grande influence[18]. De bonne heure, Laure reçut de son frère le goût des lettres : il la familiarisa avec les classiques, lui apprit l’anglais assez parfaitement pour qu’elle lût Shakespeare dans le texte[19]. Lorsque le jeune Gustave Flaubert, à peine âgé de dix ans, composait des tragédies qu’il jouait lui-même avec ses camarades dans la maison paternelle, Alfred et Laure Le Poittevin assistaient à ces représentations : ils étaient tour à tour acteurs, spectateurs et critiques. Gravement, passionnément, on discutait les œuvres et les théories dramatiques. Alfred et Gustave récitaient des vers, s’entretenaient l’un l’autre dans cette exaltation d’artiste, dans cette sorte d’extase poétique, dans cette recherche fiévreuse et implacable du beau, qui épuisa prématurément Le Poittevin et finit par consumer Flaubert. Dix ans après, écrivant à son ami, Flaubert rappelle ces heures enthousiastes de leur enfance[20] :

Il n’y a rien au monde de pareil aux conversations étranges qui se font au coin de cette cheminée où tu viens t’asseoir, n’est-ce pas, mon cher poète ? Sonde au fond de ta vie et tu avoueras comme moi que nous n’avons pas de meilleurs souvenirs, c’est-à-dire de choses plus intimes, plus profondes et plus tendres même, à force d’être

Et l’année suivante, l’invitant à venir le retrouver à Croisset :

Nous serons voisins cet hiver, pauvre vieux, nous pourrons nous voir tous les jours, nous ferons des scénarios. Nous causerons ensemble à ma cheminée, pendant que la pluie tombera ou que la neige couvrira les toits. Non, je ne me trouve pas à plaindre quand je songe que j’ai ton amitié, que nous avons bien des heures libres à passer ensemble. Si tu venais à me manquer, que me resterait-il ? Qu’aurais-je dans ma vie intérieure, c’est-à-dire la vraie[21] ?

Jeune encore, Alfred Le Poittevin mourut, le 3 avril 1848, ayant laissé pressentir le poète de génie qu’il eût été, tel enfin qu’il s’était révélé à Flaubert. Il fut emporté par une maladie de cœur, « tué par le travail »[22]. Ses essais poétiques, ses premières ébauches, comme ce chœur des Bacchantes auquel Flaubert fait allusion dans une de ses lettres[23], et qui sont, au dire de quelques intimes qui les avaient parcourus, d’une « belle intensité d’émotion »[24], demeureront sans doute toujours ignorés[25].

Pour sa sœur Laure, devenue Mme  Gustave de Maupassant, Flaubert conserva toute sa vie une affection profonde, à laquelle se mêlaient le souvenir et le regret de son premier ami. Il semble pourtant l’avoir perdue de vue quelque temps. Les circonstances les séparèrent l’un de l’autre. Mais un jour, faisant un retour mélancolique sur le passé, Flaubert rappelle à son amie les jours insouciants de leur enfance. Il lui écrit, en 1863 :

Ta lettre m’a apporté comme un souffle d’air frais, toute la senteur de ma jeunesse, où notre pauvre Alfred a tenu une si grande place ! Ce souvenir-là ne me quitte pas. Il n’est point de jour, et j’ose dire presque point d’heure où je ne songe à lui… Je n’ai ressenti auprès d’aucun homme l’éblouissement que ton frère me causait. Quels voyages il m’a fait faire dans le bleu, celui-là ! et comme je l’aimais ! Je crois même que je n’ai aimé personne (homme ou femme) comme lui. J’ai eu, lorsqu’il s’est marié, un chagrin de jalousie très profond ; ç’a été une rupture, un arrachement ! Pour moi, il est mort deux fois et je porte sa pensée constamment comme une amulette, comme une chose particulière et intime. Combien de fois, dans les lassitudes de mon travail, au théâtre, à Paris, pendant un entr’acte, ou seul à Croisset, au coin du feu, dans les longues soirées d’hiver, je me reporte vers lui, je le revois et je l’entends. Je me rappelle avec délices et mélancolie tout à la fois nos interminables conversations mêlées de bouffonneries et de métaphysique, nos lectures, nos rêves, et nos aspirations si hautes ! Si je vaux quelque chose, c’est sans doute à cause de cela. J’ai conservé pour ce passé un grand respect ; nous étions très beaux, je n’ai pas voulu déchoir. Je vous revois tous dans votre maison de la Grande Rue, quand vous vous promeniez en plein soleil sur la terrasse, à côté de la volière. J’arrivais, et le rire du garçon éclatait… J’ai suivi de loin ton existence, et participé intérieurement à des souffrances que j’ai devinées. Je t’ai comprise enfin. C’est un vieux mot, un mot de notre temps, de la bonne école romantique. Il exprime tout ce que je veux dire et je le garde[26].

Elle aussi, Laure Le Poittevin, restait fidèle à ce passé ; et son respect attendri pour les enthousiasmes et les rêves d’autrefois, l’influence profonde exercée sur elle par son frère et son ami, se retrouvent dans l’éducation qu’elle donnait à son fils Guy, jusque dans ces lectures de Shakespeare qu’elle lui faisait faire, dans cette passion pour les vers et particulièrement pour le théâtre qu’elle lui inspira, dans les premiers essais littéraires qu’elle tint à diriger elle-même.

Il est facile de deviner à quelles souffrances Flaubert fait allusion dans les dernières lignes de sa lettre à Mme  de Maupassant ; et nous savons aujourd’hui quelle fut cette existence qu’il avait suivie de loin et qu’il venait de comprendre.

À vingt-cinq ans, en 1846, Laure Le Poittevin avait épousé Gustave de Maupassant. Ce fut un mariage d’amour. Laure était d’une grande beauté et Gustave de Maupassant très séduisant : il tenait de sa grand’mère, une créole de l’île Bourbon, ces beaux yeux ensoleillés et voluptueux qu’il transmit à son fils Guy[27].

Le mariage ne fut pas longtemps heureux ; ces deux êtres n’étaient guère faits pour s’entendre, la jeune femme, d’âme grave et loyale, très intelligente, curieuse d’art et de littérature, le mari voilant sous des dehors charmants sa médiocrité intellectuelle et sa faiblesse de caractère qui l’entraînait d’aventures en aventures[28]. La naissance de ses deux fils consola Mme  de Maupassant de ses tristesses d’épouse : Guy naquit le 5 août 1850, Hervé six ans plus tard.

Cependant les dissentiments entre les deux époux s’aggravèrent. Avec une précocité d’observation alarmante, le jeune Guy, dès l’âge de neuf ans, comprenait et jugeait la situation. Mme  de Maupassant contait à ce sujet, dans les dernières années de sa vie, ces deux anecdotes amusantes :

Un jour, Guy écrivait à sa mère :

J’ai été premier en composition ; comme récompense, Mme  de X… m’a conduit au Cirque avec papa. Il paraît qu’elle récompense aussi papa, mais je ne sais pas de quoi.

Un autre jour, Guy et Hervé étaient invités à une matinée d’enfants chez Mme  de Z…, qui recevait à ce moment les hommages de M. de Maupassant. Hervé, malade, ne pouvait y aller ; sa mère restait auprès de lui. M. de Maupassant s’offrit avec empressement pour y conduire Guy. Mais, l’enfant, au moment de partir, comme s’il comprenait l’impatience de son père, s’amusait à lambiner en s’habillant, si bien que son père, exaspéré, le menaça de ne pas le conduire à cette fête. — « Ah ! — répondit Guy, — je suis bien tranquille, tu as encore plus envie que moi d’y aller, — Voyons ; noue les cordons de tes souliers, — dit le père. — Non, — répond Guy, — viens me les nouer. » Stupéfaction du père. — « Allons, — ajoute le gamin, — tu vas venir les nouer ; autant vaut te décider tout de suite. » — Et le père noua les cordons[29].

Mme  de Maupassant se décida à ne pas prolonger plus longtemps une situation douloureuse pour elle-même, funeste pour l’éducation de ses fils. Une séparation à l’amiable, par acte simple du juge de paix, eut lieu entre les deux époux. Mme  de Maupassant reprenait sa fortune, gardait ses enfants et recevait pour eux de son mari une pension annuelle de seize cents francs[30]. Elle se retira dans sa propriété d’Étretat, et c’est là que ses fils vécurent la plus grande partie de leur enfance. Avant leur séparation, M.  et Mme  de Maupassant faisaient chaque année un séjour de quelques mois à Paris, mais leur principale résidence était à Étretat.

Même après la séparation, M. de Maupassant continua à venir passer quelque temps aux vacances chez sa femme, mais comme invité, condition qui était nettement établie et acceptée[31]. Guy resta constamment en rapports avec son père et toute sa vie il entretint avec lui une correspondance très affectueuse, comme cela ressort de plusieurs lettres de M. de Maupassant récemment publiées[32]. Certaines personnes, qui connurent de très près G. de Maupassant, prétendent même que, dans ses conversations, il défendait toujours énergiquement la conduite de son père, malgré l’affection entière, absolue, qu’il avait pour sa mère[33].

II

À Étretat, Mme  de Maupassant habitait avec ses fils la villa des Verguies, qui lui appartenait et qui devait son nom aux vergers innombrables dont est couverte cette partie de la campagne normande. On raconte encore dans le pays une légende naïve et gracieuse, où le « diable des Verguies » joue un rôle essentiel[34].

La villa des Verguies, que Maupassant appela toujours la « chère maison », était à une petite distance de la mer, au bas de la route de Fécamp. C’est de là que partait l’enfant pour aller rejoindre ses amis les pécheurs, c’est de là qu’il suivait sur cette mer, qu’il aima toute sa vie d’un amour sincère, le vol des barques agiles. Et plus tard, illustre et riche, c’est près de la maison de son enfance qu’il fit construire la jolie villa de la Guillette, pour venir y reposer son corps et retremper son esprit dans la saine et calme existence d’autrefois, devant le paysage familier de ses premières années.

Un grand jardin entourait la maison des Verguies. Mme  de Maupassant l’avait dessiné elle-même. Quarante ans plus tard, après le deuil cruel qui avait brisé sa vie, elle évoquait encore le beau jardin, rempli de bouleaux, de tilleuls et de sycomores, d’épines roses et blanches, de houx superbes, la maison peinte en blanc, d’aspect rustique, le balcon revêtu de vigne vierge, de jasmin et de chèvrefeuille, les vastes pièces ornées de vieux meubles de famille, les crédences et les bahuts découverts dans l’abbaye de Fécamp et chargés de merveilleuses faïences rouennaises[35].

Guy de Maupassant passa son enfance, jusqu’à treize ans, dans cette maison. Il n’y eut pas d’autre éducatrice ni de meilleure compagne que sa mère. Entre la mère et le fils, durant toute leur vie, l’affection fut profonde et l’entente absolue. Aussi, pendant ses dernières années, Mme  de Maupassant vécut uniquement du souvenir de son fils, revendiquant avec orgueil la part très large qu’elle avait prise dans la formation de ses goûts et la culture de son esprit.

Elle poussait si loin le culte du cher disparu qu’elle protesta publiquement lorsque, en 1 901, un gardien du square Solférino, à Rouen, se prétendit frère de lait de Maupassant. Par une coïncidence singulière, c’est précisément dans le square Solférino que se trouve le buste du grand écrivain ; un journaliste et plusieurs badauds avaient même constaté la ressemblance frappante du gardien avec l’effigie en bronze. Mme  de Maupassant tint à honneur de dissiper cette légende et de déclarer qu’elle seule avait été la nourrice de son fils. Elle écrivit une lettre indignée au Journal :

J’ai été, dit elle, la nourrice de mon fils Guy, et je ne permettrai à personne d’usurper ce titre. Je ne pense pas, en effet, qu’une personne étrangère puisse s’arroger un pareil droit, pour avoir, pendant quatre ou cinq jours à peine, allaité mon enfant. Je me trouvais à Fécamp, chez ma mère, lorsque je fus atteinte d’une indisposition assez légère. C’est alors que la fille d’un fermier voisin fut appelée pour me venir en aide : c’est là toute la vérité…[36] .

L’anecdote, si mince soit-elle, est curieuse et vaut la peine d’être contée ; car elle peint à merveille l’intransigeance farouche de cette affection maternelle. Mme  de Maupassant, qui revendiquait jalousement l’honneur d’avoir nourri elle-même son fils, ne permit à aucun étranger de l’élever et de l’instruire, elle voulut être la première à éveiller son imagination et à former son goût. La sûreté de son intelligence, cette instruction classique qu’elle tenait de son frère lui permirent de diriger et de suivre l’essor de ce jeune esprit, observateur déjà, épris du rêve et curieux de la vie.

Elle se plaisait à rappeler comment elle sentit naître en lui l’amour des lettres et comment elle l’aida de ses conseils. Elle avait toujours pensé que Guy serait un écrivain : l’enfant ressemblait beaucoup à son oncle Alfred, au délicat poète, au fin lettré que la mort avait pris trop jeune. Plus tard, chez Guy devenu jeune homme, Flaubert observe et note cette ressemblance physique :

Ton fils, écrit-il à Mme  de Maupassant, me rappelle tant mon pauvre Alfred ! J’en suis même parfois effrayé, surtout lorsqu’il baisse la tête, en récitant des vers[37] !

Mme  de Maupassant se garda bien de contrarier cette vocation littéraire qu’elle découvrait chez son fils. Elle qui avait reçu de ses compagnons d’enfance, Gustave Flaubert, Louis Bouilhet, Alfred Le Poittevin, le respect des lettres, elle qui fut la confidente de leurs premiers rêves et de leurs premières poésies, elle se réjouit au contraire sincèrement de retrouver chez son enfant les émotions et les enthousiasmes de sa jeunesse. Elle l’encouragea, elle le soutint dans la lutte difficile qu’il allait engager ; elle lui épargna cette résistance de la famille qui épuise quelquefois l’énergie et la volonté des jeunes écrivains ; elle l’initia d’abord lentement, le guida avec une attention très avertie, et devint plus tard presque sa collaboratrice.

Avant de lui apprendre à penser, elle voulut lui enseigner à voir. Elle fit pour son fils, lorsqu’il n’était encore qu’un enfant, ce que Flaubert devait faire un jour pour lui, quand il commençait à écrire. Elle éveillait son intelligence à la vie des choses, fixait son imagination vagabonde sur les réalités humbles, pittoresques ou grandioses, lui faisait comprendre et aimer la nature, l’intéressait aux aspects changeants de la mer et du ciel, au vol des mouettes sur les vagues, aux jeux du soleil sur la falaise et sur la campagne, aux mille détails caractéristiques du riche pays normand. Et ainsi elle lui laissait pressentir, ce qui fut la grande leçon de Flaubert, que « les accidents du monde, dès qu’ils sont perçus, apparaissent déjà transposés comme pour l’emploi d’une illusion à décrire[38] ».

Pour donner à son fils cet enseignement en action, pour mieux se mettre à sa portée et surveiller toutes ses impressions, Mme  de Maupassant s’astreignait à partager les jeux, les promenades et même les plus folles équipées du jeune Guy. Elle aimait à rappeler quelques-unes de ces aventures, où ils se laissaient entraîner tous les deux, également intrépides, également imprudents. Un jour, ils s’étaient promenés sur la plage d’Étretat, insoucieux de la marée montante ; les vagues arrivèrent et leur fermèrent la retraite. La corde à nœuds qui sert à se hisser au haut de la falaise de cent mètres a été retirée. Alors ils se décident à grimper. Mais de gros morceaux de roche se détachent, menacent d’entraîner Mme  de Maupassant qui, surexcitée par le danger, suit son fils en une ascension éperdue, arrive enfin, la jupe déchirée, les cheveux épars : on dirait une évasion de l’abime…[39].

Mme  de Maupassant s’occupait aussi de l’instruction de son fils, et dirigeait ses lectures. Guy lisait avec passion ; et seuls les livres pouvaient fixer un instant son imagination toujours en quête d’aventures et calmer sa nature turbulente, faite plutôt pour les échappées vagabondes de la vie au grand air que pour la discipline méthodique du travail. Extrêmement précoce, l’enfant apprit à lire rapidement et il avait une mémoire très complaisante : vers dix ou onze ans, quand on le préparait à la première communion, sa mère lui lisait deux fois un chapitre du catéchisme et il le savait par cœur, demandes et réponses[40].

Parmi les écrivains qui procurèrent à Guy de Maupassant ses premières émotions littéraires, il faut citer Shakespeare. Sa mère lui fit lire Macbeth et le Songe d’une nuit d’été[41]. C’était précisément dans Shakespeare qu’Alfred Le Poittevin avait appris l’anglais à sa sœur[42], et c’était aussi Shakespeare que Flaubert parcourait fiévreusement au collège à quatorze ans, mêlant à la lecture d’Othello celle de Catherine Howard, et de l’Histoire d’Écosse de W. Scott[43]. Mme  de Maupassant nous dit quelle impression profonde produisirent sur son fils ces premiers livres[44]. Il comprit pour la première fois comment on peut, par des mots, évoquer les êtres et peindre les choses, animer d’une vie supérieure, débordante, éternelle, cette nature variée dont il subissait et sentait toute la puissance. Le Songe d’une nuit d’été l’enchanta surtout : il y retrouvait toutes les impressions primitives, ces frissons obscurs et délicieux qu’il avait ressentis, ces rêves fantastiques auxquels il se laissait entraîner dans sa contemplation muette de la mer et des rochers, des plaines et des bois.

Entre la lecture et le jeu, il fallait pourtant réserver quelques heures pour l’étude. Guy n’avait pas de gouvernante ; les premières leçons qu’il reçut furent celles de sa mère ; l’abbé Aubourg, vicaire d’Étretat[45], lui donnait quelques leçons de grammaire et d’arithmétique, et lui enseigna le latin. L’enfant s’intéressa, paraît-il, à l’étude du latin, qu’il apprit vite à lire facilement[46]. Il ne connaissait aucune langue étrangère moderne. En revanche il parlait couramment le patois normand, avec lequel il s’était familiarisé dans ses courses et ses jeux parmi les pêcheurs de la côte.

Aux leçons de sa mère, Guy préférait cependant la vie libre qu’elle lui laissait mener, cette vie « de poulain échappé », — le mot est de Mme  de Maupassant elle-même, — et c’est encore cette existence saine, sans contrainte, aventureuse parfois, qui exerça l’influence la plus durable sur la formation de son tempérament d’artiste.

S’il n’y a pas, dans tout l’œuvre de Maupassant, de descriptions mieux rendues ni plus suggestives que celles de la Haute Normandie, cela tient à ce que toute son enfance s’est mêlée intimement, indissolublement à ce paysage normand. Les impressions de l’enfance sont, non seulement les plus tenaces, mais aussi les plus sincères, parce qu’on les éprouve sans s’en apercevoir, sans penser à les noter et à en tirer parti, parce qu’elles pénètrent l’âme lentement, imposent une façon de voir contre laquelle on ne se défend pas, et arrivent à donner aux idées elles-mêmes une forme particulière. Semblable à l’héroïne de son roman Une vie, dont il a peint les années de jeunesse en cette terre normande, Maupassant a « semé partout des souvenirs, comme on jette des graines en terre, de ces souvenirs dont les racines tiennent jusqu’à la mort[47] ». Et il les retrouve en refaisant toute l’histoire d’une existence qu’il a sans doute connue et dont, en tout cas, il a emprunté bien des traits à sa propre vie, et à celle des personnes qui entourèrent son adolescence. Des falaises d’Yport aux enclos plantés de pommiers qui bordent la grande route du Havre, dans un cadre très restreint, mais que la nature a fait extraordinairement varié, l’auteur promène pendant de longues années ses personnages et retrouve avec eux les menus événements et les distractions habituelles qui marquèrent sa jeunesse : c’est lui qui s’en va en mer, avec les marins d’Yport, pour visiter les grottes des environs, ou pour pêcher et a lever au clair de lune les filets posés la veille[48] » ; c’est lui encore qui navigue sur les étangs à travers de vrais chemins taillés dans une forêt de roseaux secs », passant toute une journée à ramer, assis entre ses deux chiens, tout préoccupé de projets de chasse ou de pêche[49] ; et c’est enfin de ses propres chevauchées qu’il se souvient, à travers les vastes plaines fouettées par le vent marin[50].

Il acquit à ces exercices une santé robuste et une vigueur physique remarquable. Ses photographies, ses portraits, les souvenirs de ceux qui l’ont connu entre dix et vingt ans nous le montrent avec sa carrure solide, son cou puissant de jeune taureau, toute l’énergie indomptable d’un « gourmand de la vie », comme il s’appelait lui-même à cet âge.

De plus, il puisa dans cette existence indépendante une connaissance profonde du peuple qu’il fréquentait et qu’il approchait de très près. Il vivait en complète intimité avec les pêcheurs et les paysans, choisissant ses camarades parmi eux, vivant de leur vie, partageant leurs dangers, prenant sa part de leurs plaisirs naïfs. Que d’histoires, qu’il devait conter un jour dans ses nouvelles, sont l’expression d’une humble réalité qu’il avait observée, notée, vécue peut-être par lui-même ! C’est qu’entre lui et ces enfants de pêcheurs dont il faisait ses compagnons, il n’établissait aucune distinction ; mais l’égalité absolue était de règle dans les jeux et dans les excursions auxquels il les associait. Voici une anecdote, contée par Mme  de Maupassant, et qui montre avec quelle familiarité charmante, pleine de tact, il traitait les amis qu’il avait adoptés. Un jour, il avait projeté une partie avec un fils de pêcheur, Charles, et un jeune garçon d’une famille bourgeoise. La mère du jeune homme accueillit Guy de Maupassant avec amabilité, mais traita l’autre camarade avec hauteur ;

— Charles, dit-elle, portera le panier de provisions, naturellement.

Charles rougit de honte ; on le traitait en domestique. Mais Guy a senti l’affront inutile et injuste ; il intervient :

— Certes, Madame, nous porterons le panier chacun à notre tour ; et c’est moi qui commence[51] !

Aussi Guy était-il adoré de tous les pêcheurs de la côte. Ils l’emmenaient avec eux en mer, et l’enfant n’hésitait pas à affronter le gros temps. Le plus souvent on le confiait au pilote de Fécamp. Mais quelquefois aussi il s’en allait au hasard des rencontres, et Mme  de Maupassant se rappelait encore l’anxiété dans laquelle la mirent certaines absences prolongées en des jours de tempête[52]. Le souvenir de ces équipées se retrouve dans plus d’une nouvelle de l’écrivain. Et plus tard, songeant à cette vie aventureuse dont l’obsession le poursuivait toujours, Guy de Maupassant disait : « Je sens que j’ai dans les veines le sang des écumeurs de mer. Je n’ai pas de joie meilleure, par des matins de printemps, que d’entrer avec mon bateau dans des ports inconnus, de marcher tout un jour dans un décor nouveau, parmi des hommes que je coudoie, que je ne reverrai point, que je quitterai, le soir venu, pour reprendre la mer, pour m’en aller dormir au large, pour donner le coup de barre du côté de ma fantaisie, sans regret des maisons où des vies naissent, durent, s’encadrent, s’éteignent, sans désir de jamais jeter l’ancre nulle part, si doux que soit le ciel, si souriante que soit la terre…[53]. » La vie errante du yacht Bel-Ami permit à Maupassant de retrouver un jour ces inoubliables impressions de son enfance. Il ne semble pas qu’à ses promenades et à ses jeux Guy ait beaucoup associé son frère Hervé, de six ans plus jeune que lui ; d’ailleurs, Hervé ne tint pas une grande place dans son existence, et nous n’aurons guère à parler de lui dans la suite de cette étude[54].

III

Quand son fils eut treize ans, Mme  de Maupassant jugea bon de l’arracher à cette oisiveté vagabonde. Des affaires de famille rappelaient fréquemment à Fécamp ; elle ne pouvait pas toujours surveiller d’aussi près qu’elle l’aurait souhaité une éducation qu’elle voulait complète, et sa tendresse maternelle commençait à s’alarmer des dangers ou des tentations possibles. Si délicats que fussent ses soins, si solide que fût sa propre culture, elle sentait que d’autres leçons étaient nécessaires à l’enfant.

Guy entra au séminaire d’Yvetot. Il se trouva très malheureux, n’étant en rien préparé à la réclusion et à la discipline qui succédèrent sans transition aux libres escapades d’Étretat. On a dit ce qu’était à cette époque le séminaire d’Yvetot, « cette citadelle de l’esprit normand[55] », où se rencontraient les fils des cultivateurs riches et ceux de l’aristocratie locale ; ils y venaient apprendre le latin, quelques-uns par vocation sincère du sacerdoce, les plus nombreux pour échapper au service militaire ; et tous y prenaient des manières spéciales et un accent particulier qu’ils gardaient, paraît-il, toute la vie et reconnaissaient après bien des années chez leurs anciens condisciples.

Guy de Maupassant échappa du moins à cette empreinte, et le séminaire, d’où il tenta maintes fois de s’évader et d’où l’on finit par le renvoyer, n’eut sur la formation de son caractère et de son esprit aucune influence décisive. Tout lui pesait, tout lui était hostile dans cette maison. Avant tout, l’internat répugnait à sa nature indépendante. Il regrettait ses courses en mer, ses amis les pêcheurs. Aussi s’ingéniait-il à tomber malade pour obtenir des congés supplémentaires ; à peine était-il revenu à Étretat qu’il retrouvait la santé[56]. Ses camarades, vulgaires pour la plupart, souvent ridicules, lui étaient antipathiques, et il se vengeait sur eux des ennuis du collège, en exerçant sa verve à leurs dépens[57]. Ses maîtres mêmes n’étaient guère épargnés : un jour, il s’amusa à parodier devant d’autres élèves le cours du professeur de théologie qui leur avait peint les tourments de l’enfer[58]. Enfin la discipline des prêtres, les mœurs ecclésiastiques déconcertèrent sa franchise brutale[59]. Il avait l’âme aussi peu religieuse que possible ; il serait facile de suivre plus tard, à travers son œuvre, et tout au moins jusqu’aux trois dernières années de sa vie, les progrès d’un rationalisme intransigeant que sa mère ne chercha jamais à combattre en lui. Elle-même, d’ailleurs, avait, sur ce point, les idées fort larges, et on lui prête certains propos que son fils n’aurait pas désavoués[60]. De lui, l’un de ses amis a rapporté cette confession :

Si loin que je me souvienne, je ne me rappelle pas avoir jamais été docile sur ce chapitre. Tout petit, les rites de la religion, la forme des cérémonies me blessaient. Je n’en voyais que le ridicule[61].

Cette déclaration semble pourtant en contradiction avec les souvenirs que Mme  de Maupassant racontait sur la première communion et la confirmation de Guy[62] ; il communia, disait-elle, avec ferveur, et tira quelque vanité enfantine de l’habileté et de l’à-propos de ses réponses à l’archevêque de Rouen, qui l’interrogeait sur le catéchisme.

Quoi qu’il en soit de cette crise juvénile de mysticisme, il paraît certain qu’une irréductible incompatibilité d’humeur entre l’enfant et ses maîtres ecclésiastiques hâta sa sortie du séminaire. Il n’avait pas encore achevé sa seconde qu’il en fut impitoyablement expulsé, pour sa plus grande joie, sans doute, et dans des circonstances qu’il n’est pas inutile de rapporter.

Pour se consoler de la vie claustrale à laquelle il était condamné, le jeune Guy s’était mis à composer des vers : il noircit plusieurs cahiers de pièces de circonstance que sa mère devait retrouver un jour et conserver pieusement. Certains de ces vers ont été publiés[63]. Quelques-uns ne sont pas dépourvus de grâce ; on cite volontiers la pièce qui commence ainsi :

La vie est le sillon du vaisseau qui s’éloigne…

et où plusieurs images exactes développent régulièrement une idée peu originale. Sans aucun doute, ces poésies d’écolier n’ajoutent rien à la gloire de l’écrivain, mais elles ne lui furent pas tout à fait inutiles, puisque c’est à l’une d’elles qu’il dut son affranchissement. Il avait composé une longue épître en strophes d’octosyllabes ; il la dédia à sa cousine, qui venait de se marier, et sut mêler à des félicitations non dépourvues de mélancolie une chaude protestation contre le cloître solitaire, les soutanes et les surplis[64]. Les vers furent saisis ; il est vrai que le jeune poète n’avait guère songé à les dissimuler. On ne peut dire si la sentimentalité précoce[65] de l’épître choqua plus que les boutades pourtant inoffensives contre le régime de la maison ; toujours est-il que le supérieur du séminaire saisit avec empressement ce prétexte de se défaire d’un élève insoumis et inquiétant. Il le fit reconduire chez lui.

L’enfant fut ravi et il est peu vraisemblable que la mère ait été contrariée. Elle laissa son fils retrouver ses chères habitudes, savourer l’indépendance reconquise, reprendre ses courses, ses rêveries et ses jeux ; mais, à la rentrée suivante, elle l’envoya comme pensionnaire au lycée de Rouen.

IV

Au lycée comme au séminaire, Guy aligna des rimes, mais cette fois avec plus de méthode et, semble-t-il aussi, avec plus de succès. Il eut du moins la bonne fortune d’être dirigé et conseillé dans ses essais poétiques par un vrai poète à qui sa mère l’avait recommandé, Louis Bouilhet. Le poète de Melœnis et des Fossiles avait été, en effet, avec Flaubert, un ami d’enfance d’Alfred et de Laure Le Poittevin. Il suffit de parcourir la correspondance de Flaubert et de lire la belle préface qu’il mit en tête des Dernières Chansons de son ami, pour voir quelle place Louis Bouilhet occupait dans ces souvenirs d’enfance, dans ces jeux et ces conversations littéraires qui établirent entre les trois jeunes gens une intimité inoubliable. Louis Bouilhet resta jusqu’à sa mort le confident le plus cher de Flaubert : évoquerons-nous ces nuits de dimanche, passées dans le cabinet de Croisset, ces gueulades, comme les appelait pittoresquement Flaubert, ces « chères et communes

inquiétudes[66] ? Dirons-nous ces séances singulières où les deux amis s’enfermaient dans la pièce aux rideaux fermés, et fumaient leur narguilé devant un grand feu, les « lumières flambant et les vers ronflant…, tandis que l’hippogriffe intérieur les faisait voyager sur ses ailes[67] » ?

Par amitié pour Flaubert, et en même temps par un sentiment de pieuse affection envers la mémoire d’Alfred Le Poittevin, Louis Bouilhet s’intéressa au jeune Guy de Maupassant. Il eut sur lui une influence qui aurait été décisive, si elle s’était prolongée plus longtemps. « Si Bouilhet eût vécu, disait Mme  de Maupassant, il eût fait de mon fils un poète. C’est Flaubert qui voulut en faire un romancier[68]. » Mais Bouilhet mourut le 18 juillet 1869, alors que son disciple doutait encore de sa vocation.

Maupassant a rendu quelque part hommage à l’enseignement de son premier maître :

Bouilhet, que je connus le premier d’une façon un peu intime, deux ans environ avant de gagner l’amitié de Flaubert, à force de me répéter que cent vers, peut-être moins, suffisent à la réputation d’un artiste, s’ils sont irréprochables et s’ils contiennent l’essence du talent et de l’originalité d’un homme, même de second ordre, me fît comprendre que le travail continuel et la connaissance complète du métier peuvent, un jour de lucidité, de puissance et d’entraînement, par la rencontre heureuse d’un sujet concordant bien avec toutes les tendances de notre esprit, amener cette éclosion de l’œuvre courte, unique et aussi parfaite que nous la pouvons produire[69].

Au lycée de Rouen, Guy travaillait avec ardeur, et il n’eut aucune peine à en sortir bachelier. Pourtant, la poésie l’intéressait visiblement plus que les études classiques ; et il passa la plus grande partie de son temps à méditer les conseils de Bouilhet et à soumettre à son jugement des pièces qu’il improvisait assez facilement, comme ce copieux discours en deux cents alexandrins qu’il avait composés pour une Saint-Charlemagne[70]. Corrects, mais d’un enthousiasme quelque peu factice, les vers de cette époque ne font guère pressentir encore le talent naissant de l’écrivain. Ce sont, pour la plupart, des vers écrits pour des femmes : telle, l’ « épître à Mme  X…, qui le trouvait sauvage », ou la pièce intitulée Jeunesse, qui se distingue plus par l’ardeur du sentiment que par l’originalité de la forme :

Heureux, heureux celui qui peut verser son âme,
Ses inspirations, espoirs, rêves joyeux.
Chagrins et peurs enfin dans le sein d’une femme.
Fleuve où l’on boit des maux l’oubli mystérieux[71].

Ces vers, ainsi que d’autres pièces d’inspiration identique, — notamment Dernière soirée passée avec ma maîtresse, que publia la Revue des Revues[72] — se rapportent sans doute à cette première liaison du jeune homme avec la belle E…, dont Mme  de Maupassant parle dans ses Souvenirs[73]. Guy avait dix-huit ans, quand il les écrivit.

Avec le goût cultivé et surveillé pour la poésie, il sentit s’éveiller en lui, vers la même époque, une passion pour le théâtre qui ne devait jamais l’abandonner. Pendant les vacances du lycée, il organisait à la villa des Verguies de véritables représentations dramatiques dont il faisait presque tous les frais, ou de modestes charades qu’il composait et jouait avec ses amis. Ces divertissements ne rappellent-ils pas précisément ceux que Flaubert enfant faisait partager à ses amis Ernest Chevalier, Alfred et Laure Le Poittevin, ces pièces qui se jouaient sur le billard de la vieille maison, à Rouen, ces « matinées », presque classiques, où Molière Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/53 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/54 la Normandie, c’est à cette époque-là qu’il se l’est assimilé ; c’est à Rouen, à Yvetot, à Étretat, à Fécamp, sur les falaises ou dans les vergers, dans les foires, au seuil des cabarets, dans les vieux presbytères de campagne qu’il a rencontré, connu fait causer, étudié sans le vouloir tous les personnages que nous retrouvons dans son premier roman et dans le quart au moins de ses nouvelles. Ils y sont tous, marins, pêcheurs et paysans, filles de ferme et filles de joie, prêtres, hobereaux et cabaretiers, le père Boniface, Céleste Magloire, maît’Belhomme, et même « ce cochon de Morin », lequel n’habitait pas du tout La Rochelle ; ils y sont tous, présentés avec une telle fidélité, avec une si belle sincérité artistique que certains, dit-on, s’affligèrent de n’être point flattés et se plaignirent hautement qu’on les pût reconnaître[74]. N’était-ce pas, là encore, une élégante mystification ?

V

Mais bientôt un événement considérable, en arrachant Maupassant à ce fructueux vagabondage, vint lui fournir de nouveaux sujets d’observation. Il avait vingt ans lorsque la guerre de 1870 éclata. Rouen fut envahi. Guy s’engagea et fit campagne. Les souvenirs de l’invasion lui inspirèrent plus tard de nombreuses nouvelles[75]. Il s’est plu à conter les anecdotes dont il avait été le témoin, sinon le héros, et à mettre en scène les personnages qu’il avait connus, depuis le piteux Walter Schnaffs jusqu’à l’héroïque père Milon. L’existence réelle de l’un au moins de ces personnages est attestée par Mme  de Maupassant[76] ; l’on connaît aujourd’hui jusqu’au nom véritable de Boule de Suif, une femme de mœurs galantes qui habitait Rouen au moment de la guerre[77] ; les autres personnages de la nouvelle sont également pris sur le vif ; et quant à l’aventure qui fait le sujet du récit, elle paraît véridique, bien que la principale intéressée ait tenu, jusqu’à la fin de sa vie, à protester énergiquement contre le dénouement. On sait aussi que l’héroïne de Boule de Suif ne fait qu’une seule et même personne, non pas avec Mlle  Fifi, comme on l’a écrit par distraction[78], mais avec l’héroïne de Mlle  Fifi, la brune Rachel.

La paix rétablie, Maupassant partit pour Paris, et ici commence une nouvelle période dans l’histoire de sa vie. Les années d’enfance, l’éducation maternelle, le contact journalier avec la nature normande, tous les rêves de jeunesse, les projets littéraires, les ambitions secrètes sembleront s’éloigner pour quelque temps, et céder la place à des habitudes et à des préoccupations différentes. Le changement est surtout apparent, et nous aurons à montrer comment la vie parisienne ne fit guère qu’affiner un tempérament déjà tout formé et prêt à s’affirmer en une œuvre personnelle.

DEUXIÈME PARTIE

1871-1880
la préparation de l’œuvre

La vie de Paris.

Maupassant au Ministère de la Marine. — Canotage : l’équipage de la Feuille à l’Envers. — Mouche. — Premiers scénarios.

Maupassant et Flaubert : introduction à la vie artistique. — Relations littéraires : E. Zola. — Tourguéneff. — La queue de Zola — Catulle Mendès : la République des lettres.

Maupassant au Ministère de l’Instruction publique : Bardoux — H. Roujon.

Les premières œuvres : Vers inédits. — Au bord de l’eau. — Le journalisme : articles divers — la Dernière Escapadela Vénus RustiqueDésirsle Mur. — Procès d’Etampes — Le volume Des Vers.

Les nouvelles : la Mainle Donneur d’eau bénite, etc. — Boule de Suif — Histoire des Soirées de Médan.

Le théâtre : pièces inédites ; comédies et drames. — La Maison turque à la feuille de rose. — La Répétition. — Histoire du vieux temps.

La vie de Paris.

Maupassant a parlé quelque part[79] de « cette petite nostalgie invincible des dépaysés, dont souffrent, quand ils sont emprisonnés dans les cités, par leur devoir ou leur profession, presque tous ceux dont les poumons, les yeux et la peau ont eu pour nourriture première le o-rand ciel et l’air pur des champs et dont les petits pieds ont couru d’abord dans les chemins des bois, les sentes des prés et l’herbe des rives ». Sans doute, il ressentit lui-même cette première impression de tristesse et d’angoisse quand il quitta, pour venir habiter Paris et s’enfermer dans le bureau étroit et sombre d’un Ministère, les falaises et les herbages de la Normandie. Son enfance s’était mal accommodée du séjour des villes ; il souffrit à Yvetot et à Rouen, où son regret de la campagne s’aggravait de toutes les contraintes de l’internat. Si la vie de Paris s’empara de lui, s’il s’abandonna avec une fougue toute juvénile à la fièvre d’une existence nouvelle, du moins il conserva pour les plaisirs de son adolescence, pour les joies saines du plein air, un goût violent qu’il satisfaisait sans réserve. Aussi le vrai Maupassant de cette époque est-il moins encore le poète, l’apprenti écrivain, habitué des salons littéraires et des petits journaux, que le canotier exubérant et vigoureux, roi de l’aviron entre Chatou et Maisons-Laffitte. C’est précisément celui-ci que ses amis ont le mieux connu et nous ont raconté avec le plus de complaisance.

Tous ceux qui fréquentaient Maupassant, entre 1871 et 1880, ont gardé le souvenir d’un gai compagnon, matois, énergique et cordial, qui adorait la campagne, les ripailles des villageois, le canotage et les farces[80]. « Son aspect, nous dit l’un d’eux, n’avait rien de romantique. Une ronde figure congestionnée de marin d’eau douce, de franches allures et des manières simples… Nous nous imaginions volontiers que l’insomnie, la dyspepsie et certains troubles nerveux faisaient partie de la dignité de l’écrivain. Maupassant, le Maupassant d’alors, n’avait aucunement la mine d’un névrosé. Son teint et sa peau semblaient d’un rustique fouetté par les brises, sa voix gardait l’allure traînante du parler campagnard. Il ne rêvait que courses au grand air, sport et dimanches de canotage. Il ne voulait habiter qu’au bord de la Seine. Chaque jour, il se levait dès l’aube, lavait sa yole, tirait quelques bordées en fumant des pipes, et sautait, le plus tard possible, dans un train, pour aller peiner et pester dans sa geôle administrative. Il buvait sec, mangeait comme quatre et dormait d’un somme ; le reste à l’avenant…[81]. » E. Zola, qui le connut à la même époque, le dépeint comme un beau gars, plutôt petit, mais bien pris dans sa taille, vigoureux, la moustache fournie et frisée, la chevelure épaisse, le regard fixe, à la fois observateur et vague, le front carré[82] ; le faciès d’un petit taureau breton, ajoutait Flaubert. Un autre[83] note aussi sa robustesse de santé, son teint haut en couleur, sa solide carrure d’épaules.

La vigueur de Maupassant frappait tous ceux qui le voyaient de près. On sait même que J. Lemaître regarda avec plus de bienveillance que d’intérêt ce robuste bourgeois campagnard qui lui fut un jour présenté par Flaubert et en qui, par un préjugé quelque peu naïf, dont il s’excuse avec bonne grâce, il ne voulut pas tout d’abord discerner le fin lettré qu’il était déjà[84].

D’ailleurs, Maupassant lui-même avait le culte de sa force physique et le souci perpétuel de sa santé. Il s’enorgueillissait des exploits athlétiques qui témoignaient de son endurance : ainsi il faisait facilement une course de quatre-vingts kilomètres à pied, et un jour il descendit la Seine de Paris à Rouen, en ramant et en portant deux amis dans sa yole[85]. En revanche, il se préoccupait du plus léger malaise, et s’alarmait déjà de maladies imaginaires, avec cette anxiété nerveuse qui devait le poursuivre toute sa vie. Il se plaignait de sa santé à Flaubert[86], qui finit par être inquiet et pressa son ami de se laisser examiner par son médecin Fortin, simple officier de santé qu’il considérait comme très fort[87].

I

Pour vivre à Paris, Maupassant avait accepté au Ministère de la Marine[88] une place de quinze cents francs, qu’il devait échanger plus tard contre une situation plus lucrative au Ministère de l’Instruction publique. À coup sûr, il ne dut pas être un employé fort zélé : il partageait fort équitablement son temps entre les parties de canotage qui, pour lui, étaient l’essentiel, et les essais poétiques qu’il écrivait, aux heures de bureau, sur le papier de l’administration, et qu’il soumettait le dimanche à son maître Flaubert.

Et cependant ce séjour dans les Ministères devait marquer dans la carrière de Maupassant et laisser de curieux souvenirs jusque dans son œuvre. Dès cette époque, la vie du bureau, le spectacle des mystères administratifs, la fréquentation de ses chefs et de ses collègues étaient pour lui la source de jouissances sincères et l’occasion de farces inépuisables. Il satisfaisait là ce penchant à la mystification qui ne l’abandonna jamais, ce besoin de charge à outrance qui égaya toute sa jeunesse. Ceux qui le rencontraient aux dîners de Catulle Mendès, artistes et écrivains, préoccupés surtout de graves problèmes d’esthétique, épris de discussions littéraires, s’étonnaient de lui voir apporter dans la conversation des anecdotes documentées et des invectives énergiques contre le personnel du ministère. Sur ce point, il ne tarissait pas[89]. Il poursuivait dans un milieu nouveau ces observations scrupuleuses, cette enquête attentive sur la simplicité humaine, qu’il avait entreprises naguère avec les pêcheurs et les paysans d’Étretat, ses premiers compagnons. Et plus tard, dans ses nouvelles, il se souviendra de la chronique des bureaux et des types d’employés qu’il a connus, comme il se rappelle les aventures de son enfance et toutes ses impressions de la terre normande. Sur cette existence humble et monotone des petits bureaucrates, fertile en incidents comiques et en situations divertissantes, il a composé de charmants récits, qui sont parmi les plus expressifs et les plus vrais qu’il ait contés : l’Héritage, la Parure, À cheval, mettent en scène des personnages que l’auteur avait dû rencontrer, et si le héros de la nouvelle En famille[90] est employé au Ministère de la Marine, ce n’est certainement point par une simple coïncidence.

J’étais un employé sans le sou… J’avais au cœur mille désirs modestes et irréalisables qui me doraient l’existence de toutes les attentes imaginaires… Comme c’était simple, et bon, et difficile de vivre ainsi, entre le bureau à Paris et la rivière à Argenteuil ! Ma grande, ma seule, mon absorbante passion, pendant dix ans, ce fut la Seine. Ah ! la belle, calme, variée et puante rivière, pleine de mirages et d’immondices ! Je l’ai tant aimée, je crois, parce qu’elle m’a donné, me semble-t-il, le sens de la vie[91] !…

Ces lignes, qu’il écrivait, quinze ans après, songeant avec un mélancolique regret aux joies simples de son insouciante jeunesse, expriment très exactement ce qui fut, entre 1872 et 1880, la plus chère préoccupation de Maupassant ; la rivière, la Seine entre Asnières et Maisons-Laffitte, les parties de yole, les levers du soleil dans les brumes matinales Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/65 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/66 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/67 de canotier ; il en a conté une anecdote puérile et touchante, il a mis en scène, sous les surnoms qu’ils s’étaient donnés, de joyeux amis qui n’ont eu aucune peine à se reconnaître et qui ont confirmé son récit par leurs propres souvenirs[92]. Nous ne rappellerons pas le sujet de la nouvelle ; nous n’en évoquons le souvenir ici que pour y chercher l’expression la plus exacte de la vie de Maupassant à cette époque. Lui-même nous présente cette bande de cinq chenapans, — l’expression est de lui, — devenus plus tard des hommes graves ; il nous introduit dans cette « affreuse gargote d’Argenteuil, dans cette colonie inexprimable qui ne possédait qu’une chambre-dortoir », et où il avouait avoir passé les plus folles soirées de son existence[93].

Nous n’avions souci de rien, dit-il, que de nous amuser, et de ramer, car l’aviron pour nous, sauf pour un, était un culte. Je me rappelle de si singulières aventures, de si invraisemblables farces… que personne aujourd’hui ne les pourrait croire. On ne vit plus ainsi aujourd’hui, même sur la Seine, car la fantaisie enragée qui nous tenait en haleine est morte dans les âmes actuelles. À nous cinq nous possédions un seul bateau, acheté à grand’peine et sur lequel nous avons ri comme nous ne rirons plus jamais.

Et voici les « cinq chenapans », avec leurs surnoms pittoresques : la Toque, spirituel et paresseux, « le seul qui ne touchât jamais une rame, sous prétexte qu’il ferait chavirer le bateau », et la Toque c’est M. Robert Pinchon, plus tard bibliothécaire de la ville de Rouen ; — N’a qu’un œil mince, élégant, très soigné, arborant le monocle auquel il devait son surnom, et N’a qu’un œil c’est tel inspecteur à la Compagnie de l’Est qu’il serait facile de désigner plus clairement ; — le « très malin » Petit-Bleu, qui n’est autre que M. Léon Fontaine, — et Tomahawk et Joseph Prunier enfin, lequel était Maupassant lui-même[94]. — Leur yole, qu’ils avaient baptisée la Feuille à l’envers, naviguait tous les dimanches entre Asnières et Maisons-Laffitte.

Une aimable personne, Mlle  Mouche, tenait la barre : elle égayait par son babil les matelots de l’équipage et s’efforçait de les rendre tous heureux. Le soir venu, on s’installait dans une auberge riveraine. La chère était médiocre, les lits détestables, mais, à vingt ans, la gaieté et le plaisir remplacent toutes choses et il n’est pas un dîner qui paraisse maussade avec de tels assaisonnements[95].

L’ « affreuse gargote d’Argenteuil » n’était pas l’unique campement de la bande joyeuse. Parfois Maupassant fuyait les endroits trop civilisés pour une retraite plus discrète. Il allait s’installer dans un cabaret isolé de Bezons ou de Sartrouville ; et là il écrivait des vers qu’il soumettait au jugement de Flaubert, et dont quelques-uns figurent dans le recueil qu’il devait faire paraître en 1880 ; certaines pièces, qu’il jugea sans doute moins heureuses, n’ont pas été publiées avec les autres ; mais sa mère ou ses amis les ont conservées pour lui, et quelques-unes ont été imprimées après sa mort[96] : l’une de ces pièces raconte une partie de canotage et la rencontre que fit le poète d’une compagne aimable et peu farouche ; le dénouement alerte ne manque pas de grâce :

Poète au cœur naïf, il cherchait une perle ;
Trouvant un bijou faux, il le prit, — et fît bien ;
J’approuve, quant à moi, ce dicton très ancien :
« Quand on n’a pas de grive il faut manger un merle. »

C’est également dans la modeste maisonnette du bord de l’eau que Maupassant élabora plus d’un scénario pour des comédies et des drames qui ne devaient jamais être écrits. Il communiquait ses essais, ses brouillons et ses notes à Petit-Bleu, confident attitré de ces tentatives littéraires. M. Léon Fontaine a recueilli quelques-unes de ces œuvres fugitives, notamment une comédie en un acte, la Demande, et un drame en trois actes, la Comtesse de Béthune.

Le canotage n’était pas, en effet, la seule préoccupation de Maupassant, même aux plus beaux jours de la Feuille à l’envers, La poésie et le théâtre, qui passionnaient déjà son enfance, semblent le tenter ou tout au moins l’intéresser encore : entre deux dimanches de grand air et de pleine eau, il continue son apprentissage littéraire, sous la discipline exigeante et affectueuse de Flaubert. On dirait même que les vers qu’il écrit à cette époque ne sont pour lui qu’une sorte d’exercice de virtuosité ou d’assouplissement, et qu’ayant pressenti sa véritable vocation il se prépare, par un jeu difficile, à cette langue aisée, claire et précise qu’il allait mettre au service d’une observation très clairvoyante et longuement exercée. Malgré la rareté de ses confidences, ses amis devinaient sans doute ce qu’il voulait faire. Mais quand ils l’interrogeaient ou cherchaient à hâter son inspiration, il répondait simplement ; « Rien ne presse ; j’apprends mon métier[97]. »

II

Il l’apprenait patiemment, courageusement, avec

Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/72 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/73 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/74 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/75 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/76 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/77 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/78 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/79 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/80 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/81 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/82 passant fréquentait aussi le salon de Mme  Eugène Yung, la femme du directeur de la Revue bleue, et celui de Mme  Adam, qui dirigeait la Nouvelle Revue.

III

En 1878, Maupassant avait quitté le Ministère de la Marine pour celui de l’Instruction publique. Il se félicita d’abord du changement, parce que sa nouvelle situation semblait lui assurer plus de loisir. « Vous voilà un peu plus tranquille, lui écrit Flaubert ; vous allez retravailler[98]. » C’est qu’en effet il éprouvait chaque jour davantage le désir d’une indépendance absolue, qui lui permettrait de se consacrer tout entier à la littérature. Aussi ne tarde-t-il pas à se plaindre de son métier, absorbant et tyrannique, qui dérobait à la poésie ses meilleures heures. Et Flaubert se lamente avec lui :

Que je vous plains de n’avoir pas le temps de travailler ! Comme si un bon vers n’était pas cent mille fois plus utile à l’instruction du public que toutes les sérieuses balivernes qui vous occupent[99] !

C’est encore Flaubert qui avait recommandé son disciple à Bardoux, ministre de l’Instruction publique dans le ministère Dufaure ; Bardoux attacha d’abord Maupassant à son cabinet en qualité de secrétaire ; puis il le fit nommer, au commencement de 1879, employé au premier bureau du Cabinet et du Secrétariat[100]. À la fin de la même année, Maupassant reçut le ruban d’officier d’Académie[101], qu’il ne porta, paraît-il, qu’une fois, dans une soirée ministérielle[102] ; ce petit incident devait bien l’amuser, plus tard, lorsqu’il faisait cette profession de foi intransigeante que ses amis ont recueillie : a Je n’écrirai pas dans la Revue des Deux Mondes. Je ne serai pas de l’Académie. Je ne serai pas décoré. » Nous aurons d’ailleurs à montrer qu’il n’a pas tenu bon jusqu’au bout sur les trois points.

Au ministère de l’Instruction publique Maupassant retrouvait un de ses amis de la République des Lettres, Henri Roujon, qui était alors à la Direction de l’enseignement primaire[103]. Maupassant, paraît-il, faisait avec beaucoup de conscience sa besogne, qui lui était pourtant fastidieuse et qui l’arrachait à de plus chères occupations. Mais il n’en rêvait pas moins au jour où il pourrait s’évader tout à fait, ayant conquis sa liberté par une œuvre décisive. Ce jour arriva quand il eut publié Boule de Suif ; alors seulement, affranchi de toute inquiétude matérielle par un traité avantageux avec un journal, se sentant sûr de sa vocation et maître de son talent, il quitta le ministère. Encore eut-il soin^ pour se réserver la faculté de reprendre son poste, de demander un congé d’un an, qu’il obtint avec la complicité de son nouveau ministre, Jules Ferry, et de M. Alfred Rambaud, alors chef du Cabinet.

IV

La publication de Boule de Suif, dans les Soirées de Médan, bientôt suivie d’un volume de vers édité par la librairie Charpentier, marque la fin de cette seconde période. Nous avons essayé de montrer quelle était à cette époque la vie de Maupassant, très mouvementée, pleine de gaieté et de force, d’exubérance et de jeune enthousiasme ; nous avons vu quelles impressions nouvelles enrichissent son observation, quelle discipline rigoureuse forma et assouplit son talent, dans quels milieux littéraires il se complut. Il reste à faire l’histoire de ses premières œuvres, pour expliquer comment Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/86 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/87 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/88 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/89 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/90 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/91 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/92 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/93 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/94 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/95 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/96 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/97 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/98 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/99 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/100 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/101 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/102 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/103 en la lisant[104]. Quant à l’œuvre elle-même, il la jugeait personnelle, et y admirait surtout une grande indépendance et une belle franchise d’inspiration[105]. Aussi n’hésita-t-il point à écrire personnellement, pour la recommander, non seulement à T. de Banville, mais encore, et bien qu’il lui en coûtât, à « tous les idiots qui faisaient des comptes-rendus, soi-disant littéraires, dans les feuilles ». C’est ce qu’il appelait : « dresser ses batteries[106]. »

V

Telle est à peu près toute l’histoire poétique de Maupassant[107]. Il reste, pour compléter celle de ses débuts littéraires, à rappeler les circonstances dans lesquelles fut publiée sa première nouvelle, Boule de Suif.

À vrai dire, elle n’était pas tout à fait la première : l’Almanach lorrain de Pont-à-Mousson

imprima, en 1875, une nouvelle terrifiante, la Main d’écorché, sorte d’esquisse de la future nouvelle Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/105 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/106 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/107 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/108 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/109 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/110 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/111

Le succès des Soirées de Médan fut, en effet, presque tout entier pour Maupassant. Cet événement fut décisif dans sa vie, puisqu’il le décida à abandonner son poste au ministère pour se consacrer aux lettres.

VI

Cependant toute l’activité littéraire de Maupassant, jusqu’en 1880, ne se résume pas dans ces deux livres, dont l’un au moins lui révéla sa vocation en lui apportant presque la gloire. La poésie et la nouvelle ne sont pas les deux seuls genres dans lesquels il se soit essayé avant de choisir celui qui était le plus conforme à son tempérament artistique. Comme presque tous les romanciers à leurs débuts, il se sentait surtout attiré vers le théâtre. Dès le collège, il esquissait entre deux sonnets des scénarios et combinait des drames. Même plus tard, alors qu’il était en pleine possession de son talent, il n’a pas renoncé aux premières ambitions de sa jeunesse. C’est toujours le théâtre qui le tente, et c’est aux succès de la scène qu’il rêve[108]. On sait que la même illusion tourmenta et faillit gâter Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/113 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/114 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/115 plus tard que le sujet, sur lequel il n’insiste pas, aurait découragé Antoine lui-même, si son théâtre eût existé en ce temps-là[109]. Le litre permet d’imaginer que cette Maison turque n’était pas sans analogie avec la future Maison Tellier.

La pièce fut jouée, non pas à Étretat, comme on l’a dit quelquefois à tort, mais à Paris, une première fois en 1870 dans l’atelier de Maurice Leloir, une seconde fois en 1877 dans l’atelier du peintre Becker. Voici en quels termes Maupassant annonce la seconde représentation à son ami Pinchon :

Mon cher La Toque, nous avons pour notre pièce un très bel atelier chez un peintre dont je ne sais plus le nom. Huit femmes masquées assisteront à cette représentation. Tu m’enverras aussitôt après Pâques le manuscrit par la poste, pour que je copie et fasse copier les rôles. L’époque de ton arrivée me semble cependant bien tardive. Flaubert devant quitter Paris de très bonne heure il faut que la pièce soit jouée avant le 3 mai. À toi, Joseph Prunier[110].

La plupart des amateurs qui tenaient les rôles de la Maison turque existent encore. Il y avait trois odalisques dont les vieux habitués d’Étretat n’ont certainement pas perdu le souvenir. Maupassant lui-même jouait le rôle du propriétaire de la Maison turque. L’ami La Toque incarnait un bossu à passion sournoise et frénétique. Enfin le personnage principal était représenté par un écrivain notable de notre temps, aujourd’hui membre de l’Académie des Goncourt[111].

Le public était naturellement fort restreint : on y voyait au premier rang Flaubert, plein d’une joie enthousiaste, Tourguéneff et Zola. Clodius Popelin et Meilhac furent au moins de la première représentation. À la seconde, l’une des femmes masquées qui s’étaient fait inviter opéra une sortie bruyante et indignée.

Le manuscrit de la Maison turque a été retrouvé au milieu de plusieurs fragments inédits par Louis Le Poittevin, cousin de Maupassant. La pièce n’est pas signée ; elle est illustrée de nombreux dessins par le peintre L…[112]. Il est regrettable que l’on n’ait pas cru, jusqu’à présent, pouvoir éditer, même à tirage restreint, cette curiosité littéraire.

En dehors de ces divertissements intimes, Maupassant faisait au théâtre de plus sérieuses tentatives. Nous avons déjà conté l’histoire de son drame refusé par Ballande. En 1876, il achève un acte en vers, intitulé la Répétition, qu’il propose en Vaudeville. Ce fut un nouvel échec dont le jeune écrivain se montra très affecté. Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/118 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/119 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/120 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/121 attention déférente. Il joua un rôle actif dans le comité qui s’était constitué pour élever un monument à Flaubert. Enfin, en plusieurs articles, il conta simplement cette existence laborieuse, vouée tout entière à l’idéal tyrannique de l’art[113]. La sincérité de son affection se montra publiquement lorsqu’en 1881, dans ses Souvenirs littéraires que publiait la Revue des Deux Mondes, Maxime du Camp révéla prématurément le mal terrible qui avait atteint et emporté Flaubert ; Maupassant fit entendre une protestation indignée qui restera

parmi les pages les plus éloquentes qu’il ait signées[114].

TROISIÈME PARTIE

1880-1891
l’œuvre

Histoire de l’œuvre : son abondance et son unité.

Le novelliere : inspiration normande. — Les premiers recueils de nouvelles : la Maison Tellier. — Mlle  Fifi. — Le premier roman : Une Vie.

Accueil du public et de la critique : la vente et le succès. — Histoire anecdotique des éditions V. Havard. — Les traductions.

Les procès de Maupassant : la Maison Tellier. — L’affaire du Figaro. — L’affaire du portrait. — Le Testament.

Villégiatures et voyages : la Guillette d’Étretat. — Chasses normandes. — Séjour à Cannes : le Bel-Ami. — Voyage en Corse ; en Algérie ; en Bretagne ; en Italie, en Sicile ; en Tunisie ; en Angleterre ; en Auvergne : Mont-Oriol.

Maupassant et la vie mondaine : les amitiés littéraires. P. Bourget, Taine, Edm. de Goncourt.

Maupassant et l’Académie.

L’un des personnages que Maupassant a mis en scène, le peintre Olivier Berlin, se plaint avec mélancolie de l’épuisement des sujets :

Autrefois, dit-il, le monde des motifs nouveaux me paraissait illimité, et j’avais, pour les exprimer, une telle variété de moyens que l’embarras du choix me rendait hésitant. Or, voilà que, tout à coup, le monde des sujets entrevus s’est dépeuplé, mon investigation est devenue impuissante et stérile. Les gens qui passent n’ont plus de sens pour moi, je ne trouve plus en chaque être humain ce caractère et cette saveur que j’aimais tant discerner et rendre apparents[115].

Nul doute que cette plainte ne renferme un écho de l’étonnement douloureux qu’éprouvait l’auteur lui-même en sentant sa veine se tarir et son observation s’épuiser. Fort comme la mort est de l’année 1889 : l’amère tristesse dont ce roman est imprégné trahit les propres préoccupations de l’artiste, l’ennui de vieillir, la crainte de la solitude, de la mort, les désillusions de l’amour et les défaillances de la gloire. À partir de 1889, à la veille de la crise irrémédiable, la production littéraire de Maupassant n’est ni aussi régulière ni aussi abondante que pendant ses premières années d’activité ; son dernier roman, Notre cœur, se distingue nettement des autres par la sobriété d’invention et la simplicité d’action. Ce n’est plus le temps où l’auteur fécond publiait presque tous les ans un roman nouveau et où son inlassable imagination pouvait fournir en même temps à plusieurs journaux la matière de deux ou trois recueils de nouvelles.

Cette production considérable n’a rien d’anormal et n’est pas unique dans l’histoire des lettres. Mais si l’on songe que presque toutes les œuvres qui naquirent aussi hâtivement, en quelques années, ne sont pas éloignées d’être des chefs-d’œuvre, qu’elles sont écrites en une langue élégante et pure, une des plus limpides de notre littérature, il ne suffit pas, pour expliquer un effort aussi soutenu, de dire qu’il était servi par une volonté énergique et une facilité exceptionnelle. Il faut aussi se rendre compte des conditions dans lesquelles Maupassant écrivait, du travail de composition que représente chacun de ses romans, des qualités d’observateur ou d’investigateur sur lesquelles se fondait son invention.

Aussi bien, l’histoire de sa vie, entre 1880 et 1890, n’est-elle que l’histoire même de son œuvre. Ces dix années pendant lesquelles Maupassant publia six romans, seize volumes de nouvelles, trois livres d’impressions de voyages, et de nombreux articles de journaux non réimprimés dans ses œuvres complètes, ne comportent guère d’autres événements importants que la préparation ou la publication d’un volume nouveau. Pendant huit ans, il ne produisit pas moins de trois livres par an, quelquefois même davantage, quatre en 1884, cinq en 1885[116].

Peu de souvenirs se rattachent à cette période de la vie de Maupassant. Nous n’aurons pas à conter, comme pour ses années d’enfance et de jeunesse, ces anecdotes caractéristiques où se révèlent la formation d’un tempérament et l’éveil d’une vocation. Belle, laborieuse et régulière, son existence devient silencieuse, précisément à partir du iour où le succès de l’œuvre attire sur l’homme la curiosité inévitable du public. Déjà célèbre, l’écrivain se renferme dans une solitude pleine de simplicité, et volontiers à ceux qui s’informaient auprès de lui de renseignements biographiques il aurait répondu : « Ma vie n’a pas d’histoire. » Quelques amitiés et quelques liaisons discrètes, de nombreux voyages auxquels l’entraînaient le souci de sa santé, l’amour de l’indépendance et le désir de renouveler son observation, mais surtout la préoccupation constante, impérieuse jusqu’à la hantise, de son œuvre, tels sont les traits essentiels qu’on en peut retenir.

Pour expliquer cette fièvre de production dans laquelle Maupassant vécut pendant dix ans, ce besoin de publier et cette hâte à écrire, il faut bien faire intervenir d’autres raisons que la passion tyrannique de l’art. Sans doute, le disciple de Flaubert conservait fidèlement les préceptes et les traditions du maître : l’artiste, professait-il, doit faire son œuvre pour sa propre satisfaction d’abord, ensuite pour le suffrage d’une élite ; peu importe le résultat, peu importe le succès. Mais tandis que chez Flaubert le culte de l’art exclut toute préoccupation de gain, chez Maupassant l’écrivain consciencieux est doublé d’un Normand avisé. On conte que Flaubert, le jour où Dalloz, pour la publication des trois contes dans le Moniteur, lui remit un billet de mille francs, s’en fut le montrer à un ami, en lui disant avec un étonnement naïf : « Cela rapporte donc, la littérature[117] ? » Maupassant trouvait qu’il était d’un excellent exemple, au point de vue social, qu’un véritable littérateur parvînt à la fortune. Il louait grandement Hugo d’avoir fait d’heureuses entreprises de librairie[118]. Lui-même s’entendait fort bien à régler ses intérêts, à organiser les séries fructueuses d’éditions. Il lui arrivait de dire, en s’efforçant de donner à son franc visage une expression néronienne : « J’aimerais à ruiner un jour quelques éditeurs. » Et de rire aux larmes[119] ! Aussi le verrons-nous, en plein succès, toujours préoccupé de traités et de comptes d’éditeurs, intraitable sur ses droits, processif au besoin, jaloux de faire respecter, même par une intervention judiciaire, les moindres parcelles de son œuvre.

I

C’est à une nouvelle que Maupassant avait dû son premier grand succès littéraire[120]. Aussi, avec ce sens de la réalité pratique qui est un des traits de son caractère, abandonne-t-il résolument la poésie et le théâtre pour se consacrer à la nouvelle et au roman. Il suivait en cela l’un des derniers conseils que lui adressait son maître : « Je maintiens que Boule de Suif est un chef-d’œuvre. Tâche d’en faire une douzaine comme ça et tu seras un homme[121] ! » Moins d’un an après, les douze nouvelles étaient écrites, ou peu s’en fallait, et ce fut le recueil de la Maison Tellier.

Pour suffire à une production aussi rapide et aussi abondante, une grande puissance de travail Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/129 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/130 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/131 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/132 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/133 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/134 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/135 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/136 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/137 autour de lui et par des personnages qu’il avait rencontrés dans sa jeunesse.

Plusieurs épisodes d’Une Vie se retrouvent dans les recueils de nouvelles. Ces souvenirs, ces impressions, ces paysages et ces types de la Normandie, qui donnent au roman sa couleur spéciale, occupent à cette époque l’imagination de l’auteur et lui fournissent la matière de ses contes : la Maison Tellier, Mlle  Fifi, qui sont antérieurs à Une Vie, les Contes de la bécasse, qui sont de la même année, Clair de lune et les Sœurs Rondoli, qui paraissent l’année suivante, sont remplis d’histoires normandes, aventures de chasse ou de pêche, farces et paysanneries[122].

Une Vie fut publiée en feuilleton par le Gil Blas[123] ; le succès en fut immédiat et considérable : la maison Havard, qui édita le roman en 1883, mettait en vente le vingt-cinquième mille au commencement de 1884, et cela en pleine crise de la librairie[124]. L’auteur reçut d’Angleterre une première demande

de traduction, bientôt suivie de propositions analogues dans les autres pays de l’Europe[125].

C’est à celle date que commencent vraiment pour Maupassant la fortune et la célébrité ; c’est aussi le moment de sa plus grande fécondité : les recueils de nouvelles et de romans vont se suivre sans aucune interruption pendant six ans ; le nom de l’auteur et son œuvre s’imposaient ainsi presque d’un seul coup au public.

II

L’effet produit par Boule de Suif, la Maison Tellier, Mlle  Fifi, avait été trop considérable et trop rapide pour que la critique ne crût pas devoir s’en alarmer ou s’en réjouir bruyamment. La nouveauté et la brutalité de ces nouvelles fournirent le texte d’éloges enthousiastes et d’éreintements fougueux[126].

Et pourtant, comme l’observe précisément un critique[127], les récits de Maupassant avec leur simplicité émouvante et franche, qui les rend semblables à des faits divers bien choisis et bien contés, offrait très peu de prise au bavardage de la critique : Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/140 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/141 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/142 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/143 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/144 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/145 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/146 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/147 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/148 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/149 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/150 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/151 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/152 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/153 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/154 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/155 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/156 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/157 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/158 convenait pas à l’éditeur, qui avait sur la question des idées très arrêtées et qui écrit à l’auteur :

Votre titre, le Champ d’oliviers, est absolument mauvais pour la vente ; c’est mon impression absolue et je l’ai essayé sur plus de dix personnes, qui, toutes, sont de mon avis. Le premier, l’Abbé Villebois, n’était pas absolument bon non plus, mais il avait sur celui-ci l’immense avantage d’être euphonique et sonore, et de bien entrer dans l’œil : je le prendrais à cent contre un. Vous savez quel rôle jouent les titres pour la vente, et que les œuvres des plus grands maîtres n’échappent pas à cette influence. Ne me mettez donc pas tout de suite dans une situation d’infériorité commerciale vis-à-vis de vos autres ouvrages similaires. Réfléchissez-y, je vous en prie, pendant qu’il en est temps encore et avisez-moi de votre détermination par un mot. Il va sans dire que je m’inclinerai devant vos oliviers, si vous les maintenez, mais comme on dit : la mort dans l’âme[128].

Maupassant céda à ces considérations et proposa un nouveau titre, l’Inutile beauté, que l’éditeur déclara excellent[129].

III

Toute cette correspondance que nous venons Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/160 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/161 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/162 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/163 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/164 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/165 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/166 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/167 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/168 renferment des fautes d’orthographe et de français, des phrases inachevées, des propositions contradictoires, des mots visiblement mis pour d’autres. D’ailleurs, dans l’un de ces billets, Maupassant apprend à son avoué la gravité de son état et parle de sa santé en ces termes :

Je suis tellement malade que j’ai bien peur d’être à la mort dans quelques jours par suite d’un traitement qu’on m’a fait suivre[130].

Nous verrons plus loin que ces procès ne sont pas les seuls qu’il ait engagés à cette époque de sa vie et sous l’influence d’un état nerveux de plus en plus compromis.

IV

Il nous faut maintenant retourner en arrière et reprendre la vie de Maupassant où nous l’avions laissée, pour faire l’histoire ce son œuvre. En réalité, l’œuvre littéraire, dont nous avons montré le développement rapide et le succès sans cesse grandissant, suffit à remplir la vie de Maupassant à cette époque : il n’y a point dans son existence, entre 1880 et 1891, d’événements plus importants que ceux que nous venons de rappeler ; ce sont du Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/170 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/171 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/172 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/173 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/174 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/175 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/176 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/177 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/178 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/179 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/180 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/181 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/182 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/183 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/184 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/185 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/186 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/187 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/188 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/189 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/190 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/191 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/192 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/193 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/194 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/195 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/196 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/197 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/198 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/199 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/200 Maupassant, se défiant de la déformation que le souvenir inflige aux objets, retourna vérifier le paysage avant d’achever l’œuvre[131]. Cette histoire de passion très exaltée, très ardente et très poétique, assez différente de ses premiers romans, « le changeait et l’embarrassait », suivant ses propres expressions ; et pendant qu’il y travaillait, en mars 1886, il écrit à une amie :

Les chapitres de sentiment sont beaucoup plus raturés que les autres. Enfin ça vient tout de même. On se plie à tout, ma chère, avec de la patience ; mais je ris souvent des idées sentimentales, très sentimentales et tendres que je trouve, en cherchant bien ! J′ai peur que ça ne me convertisse au genre amoureux, pas seulement dans les livres, mais aussi dans la vie. Quand l’esprit prend un pli, il le garde ; et vraiment il m’arrive quelquefois, en me promenant sur ce cap d’Antibes, — un cap solitaire comme une lande de Bretagne, — en préparant un chapitre poétique au clair de lune, de m’imaginer que ces histoires-là ne sont pas si bêtes qu’on le croirait[132].

Mont-Oriol fut achevé en décembre 1886 et, après avoir été publié en feuilleton dans le Gil Blas,

parut chez Havard en 1887.

V

Nous avons essayé de rappeler ce qu’il est nécessaire de savoir, pour comprendre l’œuvre de Maupassant, de sa vie errante. Il nous reste à montrer, pour tracer un tableau d’ensemble de son existence à cette époque, ce qu’il donnait de lui-même au monde et à l’amitié, pendant les loisirs que lui laissaient le souci de son art et la passion des voyages.

Maupassant n’aimait point le monde. Cela, il faut le dire et le répéter, parce que, trop souvent, trompé par les singularités de son caractère et les excentricités inconscientes des dernières années de sa vie, on s’est plu à le représenter comme une sorte de vaniteux « entaché de snobisme et grisé par la fréquentation des Altesses[133]. » Il est certain que lorsqu’il fut devenu un homme à la mode, on le rechercha, on l’adula, et les salons les plus difficiles se le disputèrent, avec cette âpreté comique que lui-même a si bien rendue dans un de ses romans[134]. Mais toujours il conserva une indépendance hautaine, un peu méprisante, une politesse froide qui n’a pu tromper personne ; ceux qui ont parlé de morgue, de pose, de snobisme, Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/203 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/204 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/205 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/206 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/207 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/208 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/209 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/210 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/211 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/212 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/213 alla jusqu’à découvrir dans l’étude de Maupassant sur le roman, où son nom n’était même pas prononcé, une allusion malveillante pour lui. Une phrase sur l’écriture artiste[135] avait éveillé son attention, et il écrit dans son Journal :

Dans la préface de son roman, Maupassant, attaquant l’écriture artiste, m’a visé sans me nommer. Déjà, à propos de la souscription de Flaubert, je l’avais trouvé d’une franchise qui laisse à désirer. Aujourd’hui, l’attaque m’arrive en même temps qu’une lettre, où il m’envoie par la poste son admiration et son attachement. Il me met ainsi dans la nécessité de le croire un Normand très normand[136].

Mais que dire de la franchise d’E. de Goncourt qui écrit, sous l’influence évidente d’unressentiment tenace, ce jugement brutal, alors que Maupassant venait d’être interné :

Maupassant est un très remarquable novelliere, un très charmant conteur de nouvelles, mais un styliste, un grand écrivain, non, non[137] !

C’était, quatre ans après, la réponse triomphante

de « l’amateur », la revanche de l’écriture artiste.

VI

Ces détails n’étaient pas inutiles pour mieux faire comprendre l’attitude de celui qui fut, suivant le mot de Goncourt, « le véritable homme de lettres ». Mais si toute la vie de Maupassant témoigne de son attachement absolu à l’œuvre littéraire, il est juste d’ajouter qu’il ignora jusqu’à la fin toutes les faiblesses et tous les compromis où se laisse trop souvent entraîner l’auteur à succès. Toujours il conserva l’intégrité et l’indépendance de sa personne d’écrivain et sa vie ne cessa pas un seul instant d’être en accord avec son caractère. Il est certaines déclarations de sa jeunesse dont la sincérité a été suspectée, à cause de la forme caustique ou brutale qu’il donnait volontiers à ses propos : et pourtant aucun acte de sa vie ne les a démenties. Nous faisons allusion notamment à son attitude vis-à-vis de l’Académie française. Il avait dit : « Trois choses déshonorent un écrivain : la Revue des Deux Mondes, la décoration de la Légion d’honneur et l’Académie française. » Maupassant n’était pas décoré et ne se présenta jamais à l’Académie. Son dernier roman, il est vrai, parut dans la Revue des Deux Mondes[138] ; mais il semble que cette collaboration Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/216 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/217 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/218 volonté inflexible, et s’exaltait encore dans la joie de la création[139].


QUATRIÈME PARTIE

1891-1893
la maladie et la mort

La maladie de Maupassant : les origines et les premiers symptômes. — 1878-1881 : fatigue, découragement et tristesse ; conseils de Flaubert.

Troubles visuels. — Mauvaise hygiène : excès et surmenage. — Les excitants artificiels : l’extase et le rêve ; les parfums.

La « part de maladie » dans l’œuvre de Maupassant : malaise dans ses livres à partir de 1884. — Recherche de la solitude. — Dégoût de la vie et préoccupation de la mort. — La peur. — L’autoscopie et les trois degrés de l’hallucination : Lui ?le Horla ?Qui sait ? — L’angoisse de la folie.

L’évolution de la maladie : surexcitation et susceptibilité extrême. — Insomnie. — Manie de la persécution. — 1891 : séjour à Divonne et à Champel. — Délire intermittent. — Les indices pathologiques.

Tentative de suicide : 1er janvier 1892.

Séjour de Maupassant à la Maison Blanche : souvenirs de ses médecins et de ses amis. — Caractères du délire.

La mort. — Le tombeau de Maupassant. — Les monuments de Paris et de Rouen.

Après la mort : les œuvres posthumes.

Grâce à de nombreux documents récemment publiés[140], les dernières années de la vie de Maupassant sont peut-être aujourd’hui celles que l’on connaît le mieux. M. Louis Thomas, en utilisant ces documents, a pu écrire une étude d’ensemble, méthodique, claire et complète[141], que nous n’avons pas l’intention de refaire.

Nous voulons simplement rapporter des faits et compléter l’histoire de la vie de Maupassant par le seul exposé des événements nécessaires. Trop d’affirmations sans preuves, trop d’hypothèses superflues, trop d’insinuations intéressées se sont proposées au public sur cette question où il nous paraît pourtant que la plus prudente réserve et la plus courtoise discrétion devraient être observées. Depuis les racontars malveillants, souvent absurdes, dont Edmond de Goncourt s’est fait l’écho dans son Journal, à moins qu’il n’en soit personnellement responsable[142], une légende s’est peu à peu constituée autour de cette mort lamentable. La complicité de certains publicistes, plus soucieux de l’effet à produire que de l’exactitude des informations, celle du public, toujours friand de révélations Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/223 susceptibilités les plus respectables. La mort de Mme  de Maupassant[143] a été le signal de publications nouvelles auxquelles elle ajoutait l’intérêt de l’actualité. Aujourd’hui il est permis d’exhumer quelques pièces de ce triste dossier ; nous voudrions le faire avec toute la réserve que nous paraît comporter encore un pareil sujet.

I

Au cours des chapitres précédents, il nous est arrivé plus d’une fois de faire allusion à l’état nerveux de Maupassant. Sans prétendre décrire l’évolution complète du mal qui devait l’emporter, il nous faut maintenant revenir en arrière pour en signaler les premiers symptômes.

Dès 1878, Maupassant se plaignait à Flaubert de sa santé, et les lettres que son maître lui écrivait à ce propos vont nous permettre de préciser le caractère de cette première phase. Il semble qu’il s’agisse surtout à ce moment d’une grande fatigue, d’un surmenage général qui s’explique par le genre de vie que mena Maupassant pendant les premières années de son séjour à Paris. Avec cette brusquerie affectueuse qui est le ton caractéristique de ses Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/225 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/226 Et il lui conseille plus de modération dans l’usage des plaisirs, plus de confiance dans la saine vertu de son travail d’écrivain[144]. Quelques mois plus tard, comme il n’est pas complètement rassuré sur l’état de santé de Maupassant, il lui recommande d’aller trouver de sa part le docteur Pouchet[145].

II

C’est vers la même époque que Maupassant commença à souffrir des yeux. Flaubert, prévenu, s’alarma :

Il m’est revenu tant de bêtises et d’improbabilités sur le compte de ta maladie que je serais bien aise, pour moi, pour ma seule satisfaction, de te faire examiner par mon médecin Fortin, simple officier de santé que je considère comme très fort[146].

Ce fut une des dernières préoccupations du maître, qui écrivait encore, quelques jours avant sa mort :

Ton œil te fait-il souffrir ? J’aurai dans huit jours la visite de Pouchet, qui me donnera des détails sur ta Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/228 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/229 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/230 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/231 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/232 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/233 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/234 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/235

Sans faire complètement abnégation de sa personnalité, sans se laisser aller aux rêveries extatiques de l’éther, du chloroforme ou de l’opium, Maupassant demandait quelquefois aux simples parfums, aux « symphonies d’odeurs », la volupté des sensations imprévues. Il était particulièrement accessible à toutes les impressions de l’odorat, comme plus suggestives que les autres : chaque senteur évoque un souvenir et provoque un désir :

Que de fois une robe de femme lui avait jeté au passage, avec le souffle évaporé d’une essence, tout un rappel d’événements effacés ! Au fond des vieux flacons de toilette, il avait retrouvé souvent aussi des parcelles de son existence, et toutes les odeurs errantes, celles des rues, des champs, des maisons, des meubles, les douces et les mauvaises, les odeurs chaudes des soirs d’été, les odeurs froides des soirs d’hiver, ranimaient toujours chez lui de lointaines réminiscences, comme si les senteurs gardaient en elles les choses mortes embaumées…[147].

Et toutes ces « odeurs errantes », l’écrivain les aimait, les recherchait pour l’ébranlement mystérieux qu’elles communiquent à l’imagination, pour toutes les sensations accessoires dont elles s’enrichissent. En elles se fondent toutes les sensations de jouissance : « l’air tiède, embaumé, plein de senteurs d’herbes et de senteurs d’algues, caresse Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/237 nécessaire en pareille matière. Nous n’avons voulu nous occuper ici que des antécédents personnels de Maupassant, avant la crise décisive ; pour les raisons que nous avons fait valoir, nous croyons devoir nous interdire toute recherche dans la famille et l’entourage immédiat de l’écrivain. Mais, d’après les confidences qu’on n’a pas hésité à publier, nous pouvons conclure, comme d’autres l’ont fait avec preuves à l’appui, que Maupassant avait une « hérédité chargée[148] », et que, par son train de vie, il était un « candidat à la paralysie générale[149] ».

III

Nous ne pouvons songer à décrire année par année l’évolution de la maladie de Maupassant. Mais, sans doute, il n’est pas inutile de rechercher à quelle époque ont commencé les troubles graves qui précédèrent la débâcle. Tout son œuvre d’écrivain fut-il conçu sous l’influence d’un tempérament névropathique ? Ou ne peut-on pas au contraire établir, à l’aide de cet œuvre, à travers les confidences angoissées échappées à l’impartialité hautaine de l’artiste, une distinction assez nette entre la période de l’inspiration sereine, volontaire, Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/239 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/240 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/241 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/242 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/243 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/244 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/245 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/246 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/247 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/248 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/249 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/250 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/251 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/252 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/253 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/254 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/255 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/256 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/257 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/258 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/259 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/260 n’ayant pu se tuer, par maladresse, le malade entre volontairement, par prudence et par peur, dans une maison de santé. Il ne peut pas continuer à vivre comme tout le monde avec la crainte que des choses pareilles à ce qu’il a souffert recommencent[150].

Toutes ces solutions, nous les retrouvons une à une dans la vie de Maupassant. Il ne s’est jamais marié ; mais les confidences d’un de ses amis nous apprennent qu’il recherchait les femmes, certaines femmes, moins par sensualité, par besoin ou par caprice, que « pour n’être pas seul la nuit[151] ».

Il voyagea. Mais nous avons vu qu’il retrouva jusqu’au désert l’inquiétude et l’angoisse auxquelles il voulait échapper.

Il tenta de se tuer, dans un dernier moment de lucidité, pour ne pas survivre à sa raison perdue ; mais ses forces trompèrent cet acte suprême de sa volonté.

Enfin il fut, douloureuse épave, pendant près de deux ans, l’hôte d’une maison de santé.

IV

Nous avons insisté sur ce que l’on a appelé la « part de maladie[152] » dans l’œuvre de Maupassant, afin d’établir que les symptômes précurseurs du mal apparaissent longtemps avant la crise décisive. La folie de Maupassant ne fut constatée par son entourage et rendue presque publique qu’à la fin de 1891, dans les mois qui précédèrent sa tentative de suicide. Mais on peut relever les premiers indices de troubles nerveux dès l’année 1884, dans les pages de Clair de lune, d’Au Soleil, des Sœurs Rondoli que nous avons analysées ; le mal s’accentue en 1887-1888, et nous avons pu en suivre l’évolution dans le Horla et dans Sur l’eau ; en 1890, certaines nouvelles de l’Inutile beauté[153], certains chapitres de la Vie errante laissent deviner le détraquement irrémédiable.

Dans la vie même de Maupassant, il reste à reprendre plus d’un fait qui intéresse l’histoire de sa maladie. S’il ne prévoyait pas absolument la catastrophe finale, il sentit pourtant, plusieurs années avant son internement, à quelle lente déchéance il était condamné sans appel. L’angoisse de la mort et la peur de souffrir le rongent implacablement ; il s’attriste et perd peu à peu la belle sérénité de sa jeunesse. Ses amis, ceux qui l’approchaient de plus près, ceux qui le voyaient à la Guillette d’Étretat, s’étaient aperçus du changement. D’ailleurs Maupassant se soignait, modifiait son genre de vie, consultait des médecins, allait aux eaux et confiait à quelques intimes l’inquiétude qui le tourmentait, le traitement qu’on lui faisait suivre, les progrès de son mal.

Pendant l’été de 1886, lors de ce voyage en Angleterre dont nous avons rapporté quelques épisodes, Maupassant était dans un état de nervosité extrême ; ses brusques accès de gaieté exubérante, succédant sans transition à un abattement prolongé, frappèrent quelques-uns de ses compagnons de route ; il avait de furieuses colères suivies d’éclats de rire spasmodiques[154]. Ceux qui le virent en Sicile furent également très impressionnés par ses attitudes étranges, ses écarts soudains de tenue et de langage : les mystifications, auxquelles il s’était toujours complu, prirent à cette époque un caractère macabre, et ses conversations laissaient deviner l’incohérence intermittente de ses pensées. On fit tout le possible pour l’empêcher de visiter le cimetière des Capucins à Palerme ; mais une sorte d’enchantement pervers l’attirait invinciblement vers ce lieu d’horreur ; il voulut épuiser toute l’épouvante de ces lugubres catacombes ; il en sortit, l’esprit halluciné, les yeux hagards, le visage bouleversé. Et longuement, minutieusement, il a raconté dans la Vie errante toutes les impressions de ce funèbre spectacle[155]. On lui offrit aussi à Païenne de lui montrer l’asile des fous ; mais il refusa[156].

Après ses longues fugues aux pays du soleil, il rentrait à Paris, un peu plus calme, mais reprenait son existence de surmenage et de labeur intense. En même temps, il se livrait aux régimes les plus variés des médecins spécialistes, épiant en lui-même, avec toute la tension de son analyse impitoyable, les effets progressifs de la maladie. Il put cependant se faire assez longtemps illusion sur la gravité du mal : au mois de mars 1889, revenant d’une excursion en Afrique, il déclarait devant un groupe d’amis qu’il se trouvait en parfait état de santé ; Edmond de Goncourt, qui le rencontra à ce moment chez la princesse Mathilde, le trouve « animé, vivant, loquace, et sous l’amaigrissement de la figure et le reflet basané du visage, moins commun d’aspect qu’à l’ordinaire[157] ». Mais, l’année suivante, la santé de Maupassant s’est altérée d’une façon sensible ; il ne dissimule plus son inquiétude à son entourage ; Edmond de Goncourt note ce brusque changement : Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/265 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/266 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/267 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/268 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/269 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/270 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/271 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/272 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/273 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/274 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/275 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/276 partit pour Cannes. Là, il put encore avoir quelque temps l’illusion d’être guéri. Il écrit à sa mère le 30 septembre :

Je me porte admirablement. N’ai plus peur Cannes. Fais délicieuses promenades en mer. Je reste jusqu’au 10 (octobre), puis irai boire à Paris un coup de vie mondaine de trois semaines pour me préparer au travail[158].

Les mots : n’ai plus peur Cannes sont assez difficiles à expliquer : s’agit-il d’une appréhension que Maupassant avait conçue sur l’influence du climat pour sa santé ? ou ne s’agit-il pas plutôt des terreurs nocturnes, des hallucinations qui le poursuivaient et dont il avait déjà fait confidence à sa mère ? Quant au travail en question, ce n’est pas tant la suite de l’Angelus que la préparation d’un article sur Tourguéneff dont Maupassant avait fait le plan depuis longtemps.

Ces espérances et ces projets n’eurent pas de suite. Le mal s’accentua d’une manière décisive dans les deux derniers mois de 1891 et la crise finale est proche. Les autographes des lettres de Maupassant qui ont été publiés[159] nous permettent de suivre jusque dans son écriture le désordre de sa pensée ; les phrases, qui manquent souvent de clarté, sont raturées ; certains mots ont été répétés ou corrigés plus d’une fois ; Maupassant écrit revierai pour reviendrai, Darchoin pour Dorchain, lide pour lire, touches pour douches ; en écrivant, il sautait des membres de phrases, l’agitation de sa pensée devançait les mouvements de sa main, et il les ajoutait ensuite en marge, tant bien que mal ; à la fin d’une lettre, le 26 décembre, il met : « Je vous serre cordialement (sic) » et au bas de sa dernière lettre connue : « C’est un adieu que vous envoie » (sic).

V

Dès le mois de novembre 1891, Maupassant comprit que tout était fini. Aux amis qu’il voyait à cette époque il laissait entendre que rien désormais ne pouvait le tromper, et qu’il aurait au moins le courage de s’affranchir lui-même. L’un d’eux dîna avec lui dans l’intimité, à bord de son yacht, au vieux port de Nice ; Maupassant ne mangea rien et causa microbes ; il reconduisit son ami par une soirée d’étoiles, sur la route de Beaulieu, et, prenant congé de lui, dit mélancoliquement : « Je n’en ai pas pour longtemps… Je voudrais bien ne pas souffrir[160]. » À un autre, après de Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/279 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/280 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/281 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/282 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/283 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/284 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/285 toutes les jouissances âpres ou délicates qu’il avait épuisées une à une, tous les désirs, toutes les passions meurtrières s’éteignaient en lui lentement au milieu du silence et de la nuit. La paix funèbre du néant l’enveloppa. D’avance, par une sorte de pressentiment mélancolique, il en avait goûté la triste douceur, quand il écrivait cette phrase : « Oh ! seuls les fous sont heureux, parce qu’ils ont perdu le sentiment de la réalité. »

VI

Ce que fut cette agonie de dix-huit mois, quelques-uns nous l’ont dit. On a recueilli les souvenirs du domestique qui le servait à la maison Blanche, de ses amis qui l’y visitèrent ; on a reproduit ce qui pouvait être publié des observations de ses médecins[161].

Mais presque toutes ces révélations sont récentes, postérieures en tout cas à la mort de Maupassant. À partir de la tentative de suicide qui fut rendue publique, le silence se fit peu à peu autour d’un homme qui n’était plus qu’un numéro d’asile. Quelques amis se transmettaient les nouvelles que l’un d’eux allait chercher à la maison Blanche. E. de Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/287 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/288 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/289 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/290 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/291 Cette phrase n’était sans doute qu’une formule machinale ; nous préférerions avoir quelques détails sur les conversations du malade. En revanche, un autre visiteur, M. Pol Arnault, rapporte que, lorsqu’il vit Maupassant pour la première fois, le 13 janvier 1898, celui-ci avait la camisole de force, et ne reconnut pas son ami[162].

VII

Guy de Maupassant mourut très calme le 6 juillet 1893[163] : « Il s’est éteint comme une lampe qui manque d’huile », raconte l’un de ses gardiens. Ses dernières paroles, quelques instants avant la mort, auraient été : « Des ténèbres, oh ! des ténèbres[164] ! » Mais l’authenticité d’un pareil adieu à la vie nous paraît discutable.

L’enterrement eut lieu le surlendemain 9 juillet[165]. Tous les fidèles de Maupassant, hommes de lettres ou artistes, y assistaient. Émile Zola prit la parole sur la tombe de son ami. Il dit ce que fut cette Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/293 Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/294 rythmes ingénieux des vers ; une pensée délicate associait dans une même apothéose les deux grands Normands, le disciple et le maître, Flaubert et Maupassant[166].

VIII

À partir du jour où son fils fut interné, Mme  de Maupassant s’occupa de ses intérêts. Quelque temps on avait essayé de lui cacher la vérité, pour ménager sa propre santé, alors très compromise. Mais il fallait bien songer à prendre certaines dispositions qui rendaient nécessaire l’intervention de la mère. Elle avait choisi comme administrateur des biens un avoué, M. Jacob, ami de la famille, à qui Maupassant lui-même avait commis ses dernières volontés. Mais un administrateur, M. Lavareille, fut désigné par le tribunal[167]. Le mobilier et la bibliothèque furent mis en vente[168] la villa de Cannes fut sous-louée, et le Bel-Ami vendu par l’intermédiaire d’une agence[169]. Maupassant laissait en outre une grosse fortune, dont il assurait par son testament la jouissance à sa nièce, la fille de son frère, alors mineure.

En ce qui concerne l’œuvre littéraire, Mme  de Maupassant respecta l’une des dernières volontés de son fils, en en retirant la propriété à l’éditeur Havard. Elle pensait que, lorsqu’on jouerait à la Comédie-Française la pièce que Maupassant avait eu le temps de terminer, la Paix du ménage[170], on pourrait profiter de l’occasion pour présenter au public des éditions nouvelles de l’auteur. C’est l’éditeur Ollendorff qui fut chargé de préparer ces rééditions.

Maupassant laissait plus d’une œuvre inachevée ou inédite. Peu de temps avant la débâcle finale, nous avons vu qu’il songeait à une étude d’ensemble sur Tourgueneff, qu’il destinait à la Revue des Deux Mondes, et pour laquelle il avait demandé la collaboration de sa mère. Il travaillait aussi à son roman, l’Angélus dont il avait lu à Aug. Dorchain les cinquante premières pages ; il l’avait interrompu quelque temps pour se mettre à Musotte, la pièce qu’il écrivit en collaboration avec J. Normand et qui fut jouée pour la première fois au Gymnase le 4 mars 1891[171].

C’était, en effet, le théâtre qui le préoccupait le plus dans les dernières années de sa vie. Il avait confié à quelques amis ses projets de pièces[172]. Notamment il destinait au Théâtre-Français, pour ses débuts, une comédie en trois actes, qui n’était pas la Paix du ménage. Mais il ne voulait pas entendre parler du Comité de lecture et s’emportait quand on lui opposait la règle.

Je tiens à vous donner ma pièce, disait-il à J. Claretie, je vous donnerai ma pièce ; vous la jugerez tout seul, vous la recevrez tout seul, et vous la jouerez !… Je l’écrirai cet été, le plan en est achevé, je vous l’apporterai cet automne et vous la jouerez cet hiver[173].

Déjà Maupassant avait eu plus d’un démêlé avec la direction du Gymnase au sujet de Musotte ; il écrivait à Victor Koning, en lui déclarant qu’il ne lui donnerait plus rien pour son théâtre : « Vous avez un succès avec la moindre de mes nouvelles. Or j’ai écrit cent vingt nouvelles au moins qui valent celle-ci [la nouvelle l’Enfant d’où est tirée Musotte] ; c’est donc cent vingt succès qui vous échappent, c’est-à-dire une fortune, des années de fortune qui s’en vont. Tant pis pour vous ! » Sous cet entêtement, sous cette susceptibilité exaspérée, se devinent les premiers troubles pathologiques.

Plusieurs des œuvres inédites de Maupassant, même parmi celles qui étaient inachevées, furent publiées après sa mort. Mme  de Maupassant autorisa ces publications ; peut-être même les a-t-elle encouragées, malgré la volonté maintes fois exprimée de son fils. Ses amis se rappelaient pourtant lui avoir entendu « manifester une réprobation absolue contre les publications posthumes en gênéral et en particulier contre la publication des correspondances privées[174] » ; il ajoutait qu’il ne voudrait à aucun prix qu’on éditât après sa mort une œuvre quelconque de lui.

La librairie Ollendorff trouva dans ses manuscrits la matière de trois volumes de nouvelles inédites : les Dimanches d’un Bourgeois de Paris, le Père Milon et le Colporteur. Beaucoup de ces nouvelles présentent un intérêt documentaire particulier : elles sont, comme on l’a montré, autant d’esquisses, de premières ébauches ou de notes que Maupassant rédigeait pour les reprendre ensuite et les utiliser dans ses romans ou dans ses nouvelles définitives[175]. On a publié aussi, dans des études fragmentaires, presque tous les vers de jeunesse auxquels l’auteur n’avait pas voulu faire place dans son recueil ; ces vers n’ajoutent rien à la gloire du poète ; plusieurs cependant sont d’une forme alerte qui n’est pas sans agrément et nous en avons nous-même consulté quelques-uns avec profit pour l’histoire des premières années de Maupassant[176]. Mais en dehors des pièces d’enfance ou de jeunesse, il y a quelques vers fantaisistes que l’on a tort d’oublier, témoin ces amusants distiques, retrouvés par le Gaulois en 1885 sur le mur d’un restaurant de Chatou :

sous une gueule de chien

Sauve-toi de lui, s’il aboie ;
Ami, prends garde au chien qui mord.

Ami, prends garde à l’eau qui noie ;
Sois prudent, reste sur le bord.
 
Prends garde au vin d’où sort l’ivresse,
On souffre trop le lendemain.

Prends surtout garde à la caresse
Des filles qu’on trouve en chemin.

Pourtant, ici, tout ce que j’aime
Et que je fais avec ardeur.

Le croirais-tu, c’est cela même,
Dont je veux garder ta candeur.

Cette confession impromptue, qui est signée et datée, Chatou, 2 juillet i885, et que l’on a pu voir longtemps au restaurant du Pont de Chalou, rendez-vous des artistes et des peintres qui en ont illustré les murs de fresques originales, accompagnait une superbe tête de griffon, signée du comte Lepic[177].

Maupassant laissait aussi deux romans inachevés, l'Angélus et Après ! L’auteur aimait beaucoup le premier de ces romans ; il en parlait avec un enthousiasme sincère, il disait à sa mère :

Je marche dans mon livre comme dans ma chambre, c’est mon chef-d’œuvre[178].

Les fragments qu’a publiés la Revue de Paris[179] donnent une idée assez complète de l'ensemble ; certains chapitres, déjà écrits, ne furent pas retrouvés, et Mme  Leconte du Nouy, à qui Maupassant les avait communiqués, en fit pour la revue une brève analyse[180].

Enfin, il faudrait joindre à ces œuvres posthumes toute la série des articles que Maupassant écrivit pour les journaux auxquels il collaborait. Plusieurs de ces articles mériteraient d’être réimprimés ; ils sont aujourd’hui tellement oubliés qu’on les peut dire inédits. C’est à eux que nous avons emprunté plus d’une fois la matière de notre étude ; il en est qui ont pris place sous une autre forme dans l’œuvre complet de l’auteur, notamment dans ses livres de voyages. Mais beaucoup sont de curieuses chroniques inspirées par l’actualité ou par les nécessités d’une polémique personnelle et permettraient de restituer une figure peu connue de Maupassant journaliste.

Il nous paraît, en effet, que l’on ne peut négliger des documents de ce genre dans l’histoire d’une vie qui fut tout entière dominée par le souci des lettres. S’il est légitime, comme nous avons tenté de le faire, d’étudier la personne de Maupassant à travers son œuvre, et de ne rien dire de l’une que ce que l’autre révèle ou explique, c’est qu’il y a peu d’écrivains qui aient possédé à un si haut degré le respect et la passion de la parole écrite : le livre n’est pas le caprice d’un amateur, l’accident d’une vie désœuvrée ; il est la conscience même et la chair vive de l’écrivain. La gloire et l’argent ont pu nous apparaître un instant, à travers quelques boutades de l’auteur, à travers ses premiers accès d’impatience nerveuse, comme la fin occasionnelle de son activité littéraire ; mais ce n’est là qu’une illusion. Toutes ses déclarations sincères, toutes ses confidences protestent contre cette conception étroite de l’art. Sa vie entière appartint à l’œuvre qu’il portait en lui, qui le maîtrisait et l’entraînait impérieusement, et dont la hantise perpétuelle, implacable, l’a épuisé prématurément. On peut dire sans exagération que son œuvre même a déterminé sa vie, si rapide et si pleine, le livrant successivement à toutes les jouissances, à tous les instincts, à toutes les curiosités que son tempérament artistique réclamait. Aucune influence étrangère ne l’a déformée, aucun obstacle ne l’a jamais détournée de son cours régulier et limpide. Depuis le premier jour et depuis le premier livre jusqu’aux dernières heures et jusqu’aux dernières pages, il resta fidèle à ce principe que lui avait transmis son maître : « Tout sacrifier à l’art ; la vie doit être considérée par l’artiste comme un moyen rien de plus[181]. » Quand il sentit s’obscurcir en lui la vision claire et l’intelligence lucide, quand il fut impuissant à résister au flot trop abondant des images et des visions incohérentes, il voulut mourir, libre encore et conscient, pour ne point donner à ceux qui l’avaient aimé ou qui l’avaient envié le spectacle honteux

d’une déchéance.
TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE
1850-1870
années d’enfance et de jeunesse
DEUXIÈME PARTIE
1871-1880
la préparation de l’œuvre
TROISIÈME PARTIE
1880-1891
l’œuvre
QUATRIÈME PARTIE
1891-1893
la maladie et la mort

ACHEVÉ D’IMPRIMER
le quinze septembre mil neuf cent six
PAR
BLAIS ET ROY
À POITIERS
pour le
MERCVRE
DE
FRANCE
  1. Cf. les lettres d’Albert Cahen d’Anvers et de M. H. Cazalis à A. Lumbroso, Souvenirs sur Maupassant, pp. 585 et 586.
  2. Lettres de G. Flaubert à G. Sand, précédées d’une Étude par G. de Maupassant, Paris, Charpentier, 1884. Cette étude est reproduite en tête du tome VII (Bouvard et Pécuchet) des Œuvres complètes de G. Flaubert, édit. Ne varietur. Soc. franc, d’édit. d’art. Paris.
  3. Sur cette histoire, cf. p. 159 de la présente étude.
  4. Écrit en 1890, lettre publiée par A. Lumbroso, pp. 444-445 (hors texte).
  5. Cf. l’article qu’écrivit Maupassant sur la Correspondance de George Sand dans le Gaulois du 13 mai 1882.
  6. Charles Lapierre, Souvenirs intimes sur G. de Maupassant. {Journal des Débats, 10 août 1893.) Dans plusieurs de ses nouvelles, notamment dans celle qui est intitulée Nos lettres (recueil Clair de lune), Maupassant a exprimé à diverses reprises cette inquiétude particulière à l’égard de la correspondance posthume. [Cf. aussi l’épisode bien connu d’Une Vie, édit. Ollendorff, non ill., pp.215 à 218, et la nouvelle la Veillée, dans le recueil le Père Milon]. »
  7. Mme  de Maupassant est morte à Nice, le 8 décembre 1903, dans sa 83e année.
  8. Voir notamment l’article de G. Châtel, Maupassant peint par lui-même. (Revue Bleue du 11 juillet 1896.)
  9. À propos des crises d’épilepsie auxquelles Flaubert était sujet.
  10. Souvenirs personnels de M. Robert Pinchon, ami de G. de Maupassant, publiés par A. Lumbroso, Souvenirs sur Maupassant. Rome, Bocca, 1905. Le livre de M. A. Lumbroso auquel nous ferons de très nombreux emprunts au cours de cette étude est un précieux recueil de souvenirs personnels et de documents inédits. Nous le signalons ici une fois pour toutes.
  11. Hugues Le Roux. Portraits de cire. Souvenirs sur G. de Maupassant.
  12. J’emprunte cette anecdote et les détails historiques qui précèdent aux souvenirs racontés par Mme  Laure de Maupassant au docteur Balestre et communiqués à M. A. Lumbroso, qui les publie dans son livre, pp. 289-290.
  13. Voir la description et la reproduction de ces armes, dans A. Lumbroso, p. 291.
  14. Tome VIII, 9 décembre 1891, et tome IX, 7 janv. 1892.
  15. Souvenirs intimes de M. Ch. Lapierre. (A. Lumbroso, p.606.)
  16. Hervé de Maupassant est né le 19 mai 1856 au Château-Blanc. commune de Grainville-Ymauville, près Goderville (Seine-Inférieure).
  17. Souvenirs de Mme  Renée d’Ulmès dans l’Éclaireur de Nice, du 12 décembre 1903.
  18. Cf. Souvenirs intimes de Caroline Commanville, en tête de la Correspondance de Flaubert, p. VI.
  19. Souvenirs de Mme  Renée d’Ulmès.
  20. Correspondance, tome I, pp. 74 et 103.
  21. Lettre de l’été 1846.
  22. G. de Maupassant. Étude sur Flaubert, p. V. La Tentation de Saint-Antoine est dédiée à la mémoire d’Alfred Le Poittevin.
  23. Lettre de l’été 1846. Correspondance, tome 1, p. 104.
  24. Souvenirs de Mme  de Maupassant. A. Lumbroso, p. 295.
  25. Il est inexact, comme l’affirme Mme  Caroline Commanville dans ses Souvenirs intimes sur Flaubert, p. VII que celui-ci ait parlé de son ami Alfred Le Poittevin dans la Préface aux Dernières Chansons de L. Bouilhet.
  26. Correspondance de Flaubert, tome III, p. 273.
  27. Souvenirs de Mme  de Maupassant, racontés à Mlle  Ray et au docteur Balestre. A. Lumbroso, p. 295.
  28. Souvenirs de Mme  Renée d’Ulmès. A. Lumbroso, p. 108.
  29. A. Lumbroso, pp. 301, 302.
  30. D’après une lettre de M. Gustave de Maupassant, publiée par A. Lumbroso, p. 476.
  31. Souvenirs intimes de Ch. Lapierre.
  32. A. Lumbroso, pp. 469 à 489.
  33. Ibid., p. 489. Nous n’aurons plus guère à nous occuper, dans la suite de celle étude, du père de Maupassant. M. Gustave de Maupassant est mort le 24 janvier 1899. Il passa les dernières années de sa vie à Sainte-Maxime-sur-Mer, dans le Var.
  34. Cette légende est rapportée par A. Lumbroso, dans son livre, p. 298.
  35. Souvenirs de Mme  de Maupassant. A. Lumbroso, p. 297.
  36. A. Lumbroso, pp. 120, 296, 297.
  37. Correspondance, tome IV, pp. 145-146.
  38. Flaubert. Préface aux Dernières Chansons de L. Bouilhet. p. 184.
  39. Souvenirs de Mme  de Maupassant. A. Lumbroso, p. 807. Voir d’autres anecdotes charmantes sur la première enfance de Guy, ibid. p. 299.
  40. Souvenirs de Mme  de Maupassant, A. Lumbroso, p. 302.
  41. Ibid., p. 303.
  42. Cf. plus haut, p. 19.
  43. Correspondance de Flaubert, tome I, p. 12.
  44. A. Lumbroso, p. 303.
  45. Plus tard curé de Saint-Jouin, près d’Étretat.
  46. D’après les souvenirs du Dr  Balestre.
  47. Une Vie, p. 26.
  48. Une Vie, p. 27.
  49. Ibid, p. 189.
  50. Ibid., pp. 194 et suiv.
  51. A. Lumbroso, p. 305.
  52. A. Lumbroso, p. 304.
  53. Souvenirs de Mme  de Maupassant, A. Lumbroso, p. 292.
  54. Hervé de Maupassant était sous-officier de cavalerie dans une garnison de Bretagne, en 1877. Guy emprunta à son frère quelques traits du personnage de Bel-Ami. Plus tard, Hervé, qui avait beaucoup de goût pour la botanique et qui avait formé un herbier de grande valeur, dirigea à Antibes une exploitation horticole dont son frère avait fait généreusement tous les frais. À la suite d’une insolation, il fut atteint d’une paralysie générale qui nécessita son internement dans une maison de santé ; Guy de Maupassant payait la pension de son frère. Hervé mourut le 13 novembre 1889 ; il était marié et laissait une fille. Guy de Maupassant fut très frappé par la maladie et la mort de son frère. C’est à la suite de ces événements douloureux qu’il écrivit certaines pages symptomatiques de son volume Sur l’Eau.
  55. Hugues Le Roux, Portraits de cire.
  56. Ad. Brisson, l’Enfance et la jeunesse de Maupassant, dans le Temps du 7 décembre 1897.
  57. Souvenirs de Mme  de Maupassant. A. Lumbroso, p. 304.
  58. A. Brisson, art. cit.
  59. Hugues Le Roux, art. cit.
  60. A. Albalat, Mme  de Maupassant, dans le Journal des Débats du 12 décembre 1903.
  61. Hugues Le Roux, art. cit.
  62. A. Lumbroso, pp. 300-301.
  63. Cf. surtout l’article déjà cité d’A. Brisson, dans le Temps.
  64. Cette pièce est citée in extenso dans l’étude d’A. Brisson.
  65. M. A. Brisson dit libertinage ; l’expression nous paraît quelque peu exagérée.
  66. Correspondance de Flaubert, tome II, p. 53 (lettre à L. Bouilhet du 9 avril 1851).
  67. Ibid., p. 31 (lettre à L. Bouilhet du 19 décembre 1850.)
  68. Mot rapporté par Albalat, loc. cit.
  69. Étude sur le roman, en tête de Pierre et Jean (édit. Ollendorff, non ill., p XXVIII.)
  70. A. Brisson, loc. cit. On a retrouvé aussi au cahier d’honneur de la classe de philosophie du lycée de Rouen des vers de Guy de Maupassant, datés de 1868 et intitulés le Dieu Créateur.
  71. A. Brisson, Portraits intimes, 4e série.
  72. Mai 1900.
  73. A. Lumbroso, p. 303.
  74. Voir ce que dit à ce sujet Henry Fouquier, dans son discours prononcé à l’inauguration du monument de Maupassant à Rouen.
  75. Les fragments publiés du roman l’Angelus contiennent aussi des impressions de l’invasion de Rouen par les Prussiens. (Revue de Paris, 5 mars 1895). Le début de Boule de Suif renferme la description de la retraite du petit corps d’armée dans lequel Maupassant faisait campagne comme garde mobile.
  76. A. Brisson, loc. cit.
  77. Elle s’appelait Adrienne Legay, elle est morte sans ressources, il y a une dizaine d’années ; Mme  de Maupassant regrettait de n’avoir pu lui venir en aide, ayant été informée trop tard de sa situation.
  78. M. A. Brisson, dans l’article déjà cité. Mlle  Fifi est le surnom du jeune officier allemand, le marquis Wilhem d’Eyrick.
  79. Fragments de l’Angelus, publiés dans la Revue de Paris du 15 mars 1895, p. 461.
  80. Voir surtout les Souvenirs de M. Henry Roujon dans la Grande Revue du 15 février 1904. [Compte-rendu d’André Chaumeix dans le Journal des Débats, février 1904.] — Les Notes d’un ami par Paul Alexis. — Les Souvenirs publiés par Charles Lapierre dans le Journal des Débats du 10 août 1893. — Les Souvenirs de Robert Pinchon en tête du Théâtre de Maupassant, publié à Rouen en 1891.
  81. H. Roujon, loc. cit.
  82. E. Zola, Une campagne, pp. 323-331.
  83. Henri Fouquier.
  84. Les Contemporains, 5e série, pp. 1 et suiv.
  85. A. Lumbroso, p. 40.
  86. En août 1876. Cf. Correspondance de Flaubert, tome IV, p. 240.
  87. Correspondance de Flaubert, tome IV, p. 879.
  88. Exactement : Ministère de la Marine et des Colonies, à cette époque-là.
  89. Cf. H. Roujon, loc. cit.
  90. En famille parut pour la première fois dans la Nouvelle Revue du 15 février 1881.
  91. Début de la nouvelle intitulée Mouche, dans l’Inutile Beauté (1890).
  92. Voir surtout les souvenirs de M. Léon Fontaine, rapportés par A. Brisson (Temps du 7 décembre 1897), ceux d’Henry Céard, la Toque et Prunier (dans l’Événement du 22 août 1896), ceux de M. Robert Pinchon (dans une lettre publiée par A. Lumbroso, op. cit., p. 132), ceux de M. Charles Lapierre, ibid., p. 608.
  93. Mouche, édit. ill. Ollendorff, pp. 117-118.
  94. C’est sous le pseudonyme de Joseph Prunier que Maupassant publia en 1870 sa première nouvelle.
  95. Souvenirs de M. Léon Fontaine, recueillis par A. Brisson (loc. cit.).
  96. Notamment dans l’étude déjà citée d’A. Brisson.
  97. Rapporté par H. Roujon, loc. cit.
  98. Correspondance, IV, p. 285.
  99. Ibid., IV, p. 3i2 (novembre ou décembre 1878).
  100. Cf. la nomination dans le Bulletin de l’instruction publique, du 1er février 1879.
  101. Ibid., année 1879, p. 1105.
  102. Souvenirs de M.  Charles Lapierre.
  103. H. Roujon, loc. cit.
  104. Correspondance, IV, p. 380.
  105. Ibid.
  106. Ibid. p. 381.
  107. Nous ne signalerons que pour mémoire les pièces de vers érotiques publiées en Belgique : Ma Source, la Femme à barbe, etc. Elles parurent dans le Nouveau Parnasse satirique du XIXe siècle, à Bruxelles, en 1881.
  108. Cf., à ce sujet, les Souvenirs sur Maupassant de Jacques Normand, dans le Figaro du 13 décembre 1903.
  109. A. Lumbroso, p. 134.
  110. Billet date du 28 mars 1877. Cf. A. Lumbroso, p. 250.
  111. Cf. Henry Céard, loc. cit.
  112. D’après une note de l’Illustré parisien, 23 février 1903. Le peintre L… est sans doute Maurice Leloir, chez qui la pièce se joua pour la première fois.
  113. Un après-midi chez G. Flaubert (Gaulois, 23 août 1880). — G. Flaubert d’après ses lettres (Gaulois, 6 septembre 1880). — G. Flaubert dans sa vie intime (Nouvelle Revue, janvier 1881). — Enfin Maupassant a raconté lui-même comment il fit chez Flaubert son apprentissage d’écrivain, dans son étude sur le Roman {Pierre et Jean, édit. Ollendorff, non ill. pp. XXIX à XXXII.)
  114. Article intitulé : Camaraderie ? … dans le Gaulois du 25 octobre et du 27 octobre 1881.
  115. Fort comme la mort (édit. Ollendorff illustrée), p. 114.
  116. Nous donnons ici non une bibliographie complète, mais la classification chronologique de ses œuvres, nécessaire pour éclairer ce qui va suivre : 1880, Des Vers, Boule de Suif. 1881, la Maison Tellier. 1882, Mlle  Fifi. 1883, Une Vie, Contes de la Bécasse. 1884, Clair de lune, Au Soleil, Miss Harrief, Sœurs Rondoli. 1885, Toine, Yvette, Bel-Ami, Contes et Nouvelles, Contes du jour et de la nuit. 1886, Monsieur Parent, la petite Roque. 1887, Mont-Oriol, le Horla. 1888, Pierre et Jean, le Rosier de Mme  Husson, Sur l’eau. 1889, la Main gauche, Fort comme la mort. 1890, Notre Cœur, l’Inutile beauté, la Vie errante.
  117. Souvenirs intimes de Ch. Lapierre, A. Lumbroso, p. 617.
  118. Souvenirs d’H. Roujon, loc. cit.
  119. H. Roujon, loc. cit.
  120. Les Soirées de Médan avaient eu huit éditions en quelques mois.
  121. Correspondance de Flaubert, IV, p. 380.
  122. La Maison Tellier, Histoire d’une fille de ferme (1881), Un Réveillon, le Remplaçant (1882), Ce cochon de Marin, Farce normande, les Sabots, Un Normand, Aux Champs {1883), le Petit fût, le Cas de Mme  Luneau, Un coup d’État, le Loup, Conte de Noël, Une Veuve (publiés dans des recueils de 1884, mais écrits en 1883).
  123. Du 25 février au 6 avril 1883.
  124. Cf. une lettre de l’éditeur Havard à Maupassant (A. Lumbroso, p. 395.)
  125. Cf., même lettre. — Une nouvelle édition d’Une Vie, revue, paraît chez Ollendorff en 1893, avec un portrait de Maupassant et un fac-similé d’autographe. Plus récemment, la maison Ollendorff a publié une autre édition, illustrée par A. Leroux ; il est à remarquer que, dans cette dernière édition, la dédicace à Mme  Brainne, qui figure dans toutes les autres, a été supprimée.
  126. Cf. J. Lemaître, Contemporains, VI, p. 355.
  127. Id., V, p. 9.
  128. A. Lumbroso, pp. 435-436.
  129. Il semble, d’après une lettre de V. Havard (A. Lumbroso, p. 437, que l’on jouait à cette époque-là, aux Menus-Plaisirs, une pièce qui portait un titre analogue. Havard fit des démarches et obtint de l’un des auteurs de la pièce, M. Clairville, que la pièce changeât de litre ; elle s’appela le Fétiche.
  130. A. Lumbroso, p. 454.
  131. D’après les souvenirs personnels de Mme  de Maupassant communiqués à M. Lumbroso, p. 338.
  132. En regardant passer la vie, p. 102.
  133. En regardant passer la vie, p. 101.
  134. Notre Cœur, édition Ollendorff non illustrée, p. 145.
  135. « Il n’est pas besoin du vocabulaire bizarre, compliqué, nombreux et chinois qu’on nous impose aujourd’hui sous le nom d’écriture artiste, pour fixer toutes les nuances de la pensée. » Étude sur le Roman, p. XXXIII.
  136. Journal des Goncourt, t. VII, 10 janvier 1888.
  137. Ibid., t. IX, 9 janvier 1892.
  138. Notre Cœur, en 1890.
  139. Voir le dernier entretien de Maupassant avec son collaborateur Jacques Normand, au lendemain de la première de Musotte (4 mars 1891. Figaro du 13 décembre 1903). — Nous avons fait, dans ce chapitre, l’histoire des œuvres de Maupassant aussi complètement que les documents publiés jusqu’à ce jour nous ont permis de le faire ; mais nous n’avons parlé que des œuvres éditées de son vivant en librairie. Il sera question plus loin des œuvres posthumes. — Sans prétendre à une nomenclature complète, nous voulons mentionner ici quelques-uns des nombreux articles qu’il écrivait pour des revues ou des journaux et qui n’ont jamais été réimprimés :

    L’évolution du Roman au XIXe siècle. (Revue de l’Exposition Universelle, 1889, novembre.)
     Notes sur A. C. Swinburne. (Paris, 1891, in-18.)
     Préface de Manon Lescaut. (Paris, 1889.)
     Préface à la Guerre de Garchine.
     Préface à l’Amour à Trois de Ginisty.
     Préface à Celui qui vient de R. Maizeroy.
     Préface à la Grande-Bleue de R. Maizeroy.
     Préface aux Tireurs au pistolet du Baron de Vaux.
     La Correspondance de G. Sand. (Gaulois, 13 mai 1882.)
     Danger public. (Gaulois, 23 décembre 1889.)
     Salon de 1886. (XIXe siècle, 30 avril 1886.)
     Madeleine-Bastille. (Gaulois, 9 novembre 1880.)
     L’inventeur du mot Nihilisme. (Gaulois, 21 novembre 1880.)
     Chine et Japon. (Gaulois, 3 décembre 1880.)
     Le pays des Korrigans. (Gaulois, 10 décembre 1880.)
     Mme  Pasca. (Gaulois, 19 décembre 1880.)
     La Lysistrata moderne. (Gaulois, 30 décembre 1880), etc. —


    Beaucoup de ces préfaces ou de ces chroniques seraient intéressantes à restituer.

  140. Ces documents forment, dans le livre de M. Albert Lumbroso (Souvenirs sur Maupassant, sa dernière maladie, sa mort), le dossier le plus important.
  141. La Maladie et la mort de Maupassant (Mercure de France, 1er juin 1905).
  142. On peut relever, dans le Journal des Goncourt, une méthode analogue d’information à propos de la maladie et de la mort de Flaubert.
  143. Mme  de Maupassant est morte à Nice, le 8 décembre 1904, dans sa 83e année.
  144. Correspondance de Flaubert, IV, pp. 302-303 (lettre du 15 juillet 1878).
  145. Ibid., p. 316 (novembre 1878).
  146. Ibid., p. 379 (mars 1880).
  147. Fort comme la mort, édition Ollendorff illustrée, pp. 101-102. Cf. Idylle (Miss Harriet, pp. 228-229).
  148. D’après les documents publiés par M. A. Lumbroso et l’analyse qu’en a faite M. Louis Thomas, art. cité, pp. 337-340.
  149. Mot du docteur Glatz, cité par A. Lumbroso, p. 575, en note.
  150. Qui sait ? p. 300.
  151. A. Lumbroso, pp. 409-410.
  152. Léopold Lacour, Un classique malade, article sur Maupassant, dans le Figaro, en 1893.
  153. Un cas de divorce. Qui sait ?
  154. A. Lumbroso, p. 596. « M. de Maupassant entra dans un tel état que nous craignîmes d’être arrêtés comme fous et je proposai de retourjier. »
  155. La Vie errante, pp. 91 à 99.
  156. A. Lumbroso, p. 411, d’après l’article de G. Ragusa-Moleti, G. de Maupassant a Palermo, déjà cité.
  157. Journal des Goncourt, t. VIII, 6 mars 1889.
  158. Télégramme public par A. Lumbroso, p. 89.
  159. Plusieurs des lettres inédites que M. Lumbroso a publiées dans son livre sont reproduites sous leur forme autographe.
  160. Henry Ronjon, art. cité.
  161. A. Lumbroso, pp. 80-104. Louis Thomas, art. cité, pp. 350-353.
  162. A, Lumbroso, p. 580.
  163. À trois heures et demie de l’après-midi d’après les souvenirs d’un témoin. (A. Lumbroso, p. 96.)
  164. D’après l’article de Diego Angeli déjà cité.
  165. C’est le jour de l’enterrement que Hector Malot conta à G. Toudouze l’anecdote sur la Maison Tellier que nous avons rapportée.
  166. Voir surtout les discours de J.-M. de Heredia et d’H. Fouquier. (A. Lumbroso, pp. 199-215.)
  167. A. Lumbroso, pp. 470-471.
  168. Ibid., pp. 479-482.
  169. Ibid., p. 471.
  170. La Paix du ménage fut jouée pour la première fois à la Comédie-Française le 6 mars 1893.
  171. Rappelons que la première donnée de cette pièce se trouve dans une nouvelle de Maupassant, L’Enfant (recueil Clair de lune).
  172. Voir l’article de J. Normand, dans le Figaro, auquel nous avons déjà fait quelques emprunts, et l’article de J. Claretie, la Dernière pièce de Maupassant, Notes intimes (Annales, 27 mai 1900).
  173. J. Claretie, art. cité.
  174. A. Lumbroso, p. 585, d’après une lettre de M. Albert Cahen.
  175. Cf. E. Maynial, la Composition dans les premiers romans de Maupassant. (Revue bleue, 31 octobre et 7 novembre 1903.)
  176. Joindre aux vers que nous avons cités l’amusante pièce de St Charlemagne, publiée par les Annales, 4 février 1900.
  177. D’après le Gaulois, 12 juillet 1885.
  178. A. Lumbroso. p. 118.
  179. Numéro du 15 mars 1895.
  180. En regardant passer la vie, p. 50.
  181. Correspondance de Flaubert, IV, p. 303.