Calmann-Lévy (p. i-ii).

PRÉFACE

Ce livre fait suite au Petit Pierre, publié il y a deux ans. La Vie en fleur conduit mon ami jusqu’à son entrée dans le monde. Ces deux tomes, auxquels on peut joindre le Livre de mon Ami et Pierre Nozière, contiennent, sous des noms empruntés et avec quelques circonstances feintes, les souvenirs de mes premières années. Je dirai à la fin de ce volume comment j’ai été amené à user de dissimulation pour publier ces souvenirs fidèles[1]. Je pris plaisir à les mettre sur le papier quand l’enfant que j’avais été me fut devenu tout à fait étranger et que je pus, en sa compagnie, me distraire de la mienne. Je me souvins sans ordre ni suite. Ma mémoire est capricieuse. Madame de Caylus, déjà vieille et accablée de soucis, se plaignit, un jour, de n’avoir pas l’esprit assez libre pour dicter ses Mémoires : « Eh bien, lui dit son fils, tout prêt à tenir la plume pour elle, nous intitulerons cela Souvenirs, et vous ne serez pas assujettie à aucun ordre de dates, à aucune liaison. » Hélas, on ne retrouvera dans les souvenirs du Petit Pierre ni Racine, Saint-Cyr et la cour de Louis XIV, ni le bon style de la nièce de madame de Maintenon. De son temps, la langue était dans toute sa pureté ; elle s’est bien gâtée depuis. Mais le mieux est de parler comme tout le monde. Ces pages sont remplies de petites choses peintes avec une grande exactitude. Et l’on m’assure que ces bagatelles, sorties d’un cœur vrai, peuvent plaire.

A. F.
  1. Voir la postface.