Dentu (p. 54-56).


VIII.


En m’éveillant, je vis à côté de mon lit l’enfant qui avait apporté la corde et les grappins dans l’édifice où l’on m’avait fait entrer d’abord, et qui, comme je l’appris plus tard, était la résidence du magistrat principal de la tribu. L’enfant, dont le nom était Taë, prononcez Tar-ēē, était le fils aîné du magistrat. Je m’aperçus que pendant mon dernier sommeil, ou plutôt ma dernière extase, j’avais fait plus de progrès dans la langue du pays et que je pouvais causer avec une facilité relative.

Cet enfant était singulièrement beau, même pour la belle race à laquelle il appartenait ; il avait l’air très viril pour son âge, et l’expression de sa physionomie était plus vive et plus énergique que celle que j’avais remarquée sur les figures sereines et calmes des hommes. Il m’apportait les tablettes sur lesquelles j’avais dessiné ma descente et où j’avais aussi esquissé la tête du monstre qui m’avait fait quitter le cadavre de mon ami. En me montrant cette portion du dessin, Taë m’adressa quelques questions sur la taille et la forme du monstre, et sur la caverne ou gouffre dont il était sorti. L’intérêt qu’il prenait à mes réponses semblait assez sérieux pour le détourner quelque temps de toute curiosité sur ma personne et mes antécédents. Mais à mon grand embarras, car je me souvenais de la parole donnée à mon hôte, il me demanda d’où je venais. À cet instant même, Zee entra heureusement et entendit sa question.

— Taë, — lui dit-elle, — donne à notre hôte tous les renseignements qu’il te demandera, mais ne lui en demande aucun en retour. Lui demander qui il est, d’où il vient, ou pourquoi il est ici, serait manquer à la loi que mon père a établie pour cette maison.

— C’est bien, — dit Taë, posant sa main sur son cœur.

À partir de ce moment, cet enfant, avec lequel je me liai très intimement, ne m’adressa jamais une seule des questions ainsi interdites.