<La Pucelle d’Orléans

La Pucelle d’Orléans
Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 9 (p. 174-185).

CHANT XI





Argument.- Les Anglais violent le couvent : combat de saint George, patron d’Angleterre, contre saint Denys, patron de la France.






Je vous dirai, sans harangue inutile,
Que le matin nos deux charmants reclus,
Lassés tous deux des plaisirs défendus,
S’abandonnaient, l’un vers l’autre étendus,
Au doux repos d’une ivresse tranquille.



Un bruit affreux dérange leur sommeil.
De tous côtés le flambeau de la guerre,
L’horrible mort éclaire leur réveil ;
Près du couvent le sang couvrait la terre.
Cet escadrons de malandrins anglais
Avait battu cet escadron français.
Ceux-ci s’en vont au travers de la plaine,
Le fer en main ; ceux-là volent après,
Frappant, tuant, criant tous hors d’haleine :
" Mourez sur l’heure, ou rendez-nous Agnès. "
Mais aucun d’eux n’en savait de nouvelles.
Le vieux Colin, pasteur de ces cantons,
Leur dit : " Messieurs, en gardant mes moutons,
Je vis hier le miracle des belles
Qui vers le soir entrait en ce moutier. "
Lors les Anglais se mirent à crier :
" Ah ! c’est Agnès, n’en doutons point, c’est elle ;
Entrons, amis. " La cohorte cruelle
Saute à l’instant dessus ces murs bénis :
Voilà les loups au milieu des brebis.



Dans le dortoir, de cellule en cellule,
A la chapelle, à la cave, en tout lieu,
Ces ennemis des servantes de Dieu

Attaquent tout sans honte et sans scrupule.
Ah ! sœur Agnès, sœur Marton, sœur Ursule,
Où courez-vous, levant les mains aux cieux,
Le trouble au sein, la mort dans vos beaux yeux ?
Où fuyez-vous, colombes gémissantes ?
Vous embrassez, interdites, tremblantes,
Ce saint autel, asile redouté,
Sacré garant de votre chasteté.
C’est vainement, dans ce péril funeste,
Que vous criez à votre époux céleste :
A ses yeux même, à ces mêmes autels,
Tendre troupeau, vos ravisseurs cruels
Vont profaner la foi pure et sacrée,
Qu’innocemment votre bouche a jurée.



Je sais qu’il est des lecteurs bien mondains,
Gens sans pudeur, ennemis des nonnains,
Mauvais plaisants, de qui l’esprit frivole
Ose insulter aux filles qu’on viole :
Laissons-les dire. Hélas ! mes chères sœurs,
Qu’il est affreux pour de si jeunes cœurs,
Pour des beautés si simples, si timides,
De se débattre en des bras homicides ;
De recevoir les baisers dégoûtants
De ces félons de carnage fumants,
Qui, d’un effort détestable et farouche,
Les yeux en feu, le blasphème à la bouche,
Mêlant l’outrage avec la volupté,
Vous font l’amour avec férocité ;
De qui l’haleine horrible, empoisonnée,
La barbe dure, et la main forcenée,
Le corps hideux, le bras noir et sanglant,
Semblent donner la mort en caressant,
Et qu’on prendrait dans leurs fureurs étranges,
Pour des démons qui violent des anges[1] !



Déjà le crime, aux regards effrontés,
A fait rougir ces pudiques beautés.
Sœur Rebondi, si dévote et si sage,

Au fier Shipunk est tombée en partage ;
Le dur Barclay, l’incrédule Warton,
Sont tous les deux après sœur Amidon.
On pleure, on prie, on jure, on presse, on cogne.
Dans le tumulte on voyait sœur Besogne
Se débattant contre Bard et Parson :
Ils ignoraient que Besogne est garçon,
Et la pressaient sans entendre raison.
Aimable Agnès, dans la troupe affligée
Vous n’étiez pas pour être négligée ;
Et votre sort, objet charmant et doux,
Est à jamais de pécher malgré vous.
Le chef sanglant de la gent sacrilège,
Hardi vainqueur, vous presse et vous assiège,
Et les soldats, soumis dans leur fureur,
Avec respect lui cédaient cet honneur.



Le juste ciel, en ses décrets sévères,
Met quelquefois un terme à nos misères.
Car dans le temps que messieurs d’Albion
Avaient placé l’abomination
Tout au milieu de la sainte Sion,
Du haut des cieux, le patron de la France,
Le bon Denys, propice à l’innocence,
Crut échapper aux soupçons inquiets
Du fier saint George, ennemi des Français.
Du Paradis il vint en diligence.
Mais, pour descendre au terrestre séjour,
Plus ne monta sur un rayon du jour ;
Sa marche alors aurait paru trop claire.
Il s’en alla vers le dieu du mystère[2] ;
Dieu sage et fin, grand ennemi du bruit,
Qui partout vole et ne va que de nuit ;
Il favorise (et certes c’est dommage)
Force fripons, mais il conduit le sage :
Il est sans cesse à l’église, à la cour ;
Au temps jadis il a guidé l’Amour.

Il mit d’abord au milieu d’un nuage
Le bon Denys ; puis il fit le voyage
Par un chemin solitaire, écarté,
Parlant tout bas, et marchant de côté.



Des bons Français le protecteur fidèle
Non loin de Blois rencontra la Pucelle,
Qui sur le dos de son gros muletier
Gagnait pays par un petit sentier,
En priant Dieu qu’une heureuse aventure
Lui fît enfin retrouver son armure.
Tout du plus loin que saint Denys la vit,
D’un ton bénin le bon patron lui dit :
" O ma Pucelle, ô vierge destinée
A protéger les filles et les rois,
Viens secourir la pudeur aux abois,
Viens réprimer la rage forcenée,
Viens ; que ce bras vengeur des fleurs de lis
Soit le sauveur de mes tendrons bénis :
Vois ce couvent, le temps presse, on viole ;
Viens, ma Pucelle ! " Il dit, et Jeanne y vole.
Le cher patron, lui servant d’écuyer,
A coup de fouet hâtait le muletier.



Vous voici, Jeanne, au milieu des infâmes
Qui tourmentaient ces vénérables dames.
Jeanne était nue ; un Anglais impudent
Vers cet objet tourne soudain la tête ;
Il la convoite ; il pense fermement
Qu’elle venait pour être de la fête.
Vers elle il court, et sur sa nudité
Il va cherchant la sale volupté.
On lui répond d’un coup de cimeterre
Droit sur le nez. L’infâme roule à terre,
Jurant ce mot des Français révéré,
Mot énergique, au plaisir consacré[3],
Mot que souvent le profane vulgaire
Indignement prononce en sa colère.



Jeanne, à ses pieds foulant son corps sanglant,
Criait tout haut à ce peuple méchant :
" Cessez, cruels ; cessez, troupe profane ;
O violeurs, craignez Dieu, craignez Jeanne ! "

Ces mécréants, au grand œuvre attachés,
N’écoutaient rien, sur leurs nonnains juchés :
Tels des ânons broutent des fleurs naissantes
Malgré les cris du maître et des servantes.
Jeanne, qui voit leurs impudents travaux,
De grande horreur saintement transportée,
Invoquant Dieu, de Denys assistée,
Le fer en main, vole de dos en dos,
De nuque en nuque, et d’échine en échine,
Frappant, perçant de sa pique divine,
Pourfendant l’un alors qu’il commençait ;
Dépêchant l’autre alors qu’il finissait,
Et moissonnant la cohorte félonne ;
Si que chacun fut percé sur sa nonne,
Et perdant l’âme au fort de son désir,
Allait au diable en mourant de plaisir.



Isâc Warton, dont la lubrique rage
Avait pressé son détestable ouvrage,
Ce dur Warton fut le seul écuyer
Qui de sa nonne osa se délier,
Et droit en pied, reprenant son armure
Attendit Jeanne, et changea de posture.



O vous, grand saint, protecteur de l’État,
Bon saint Denys, témoin de ce combat,
Daignez redire à ma muse fidèle
Ce qu’à vos yeux fit alors ma Pucelle.
Jeanne d’abord frémit, s’émerveilla :
" Mon cher Denys ! mon saint ! que vois-je là ?
Mon corselet, mon armure céleste,
Ce beau présent que tu m’avais donné,
Brille à mes yeux au dos de ce damné !
Il a mon casque, il a ma soubreveste. "
Il était vrai ; la Jeanne avait raison :
La belle Agnès, en troquant de jupon,
De cette armure en secret habillée,
Par Jean Chandos fut bientôt dépouillée.
Isâc Warton, écuyer de Chandos,
Prit cette armure et s’en couvrit le dos.



O Jeanne d’Arc ! ô fleur des héroïnes !
Tu combattais pour des armes divines,
Pour ton grand roi si longtemps outragé,
Pour la pudeur de cent bénédictines,

Pour saint Denys de leur honneur chargé.
Denys la voit qui donne avec audace
Cent coups de sabre à sa propre cuirasse,
A son armet d’une aigrette ombragé.
Au mont Etna, dans leur forge brûlante[4],
Du noir Vulcain les borgnes compagnons
Font retentir l’enclume étincelante
Sous des marteaux moins pesants et moins prompts,
En préparant au maître du tonnerre
Son gros canon trop bravé sur la terre.



Le fier Anglais, de fer enharnaché,
Recule un pas ; son âme est stupéfaite,
Quand il se voit si rudement touché
Par une jeune et fringante brunette.
La voyant nue, il sentit des remords ;
Sa main tremblait de blesser ce beau corps.
Il se défend, et combat en arrière,
De l’ennemie admirant les trésors,
Et se moquant de sa vertu guerrière.



Saint Georges alors du sein du paradis,
Ne voyant plus son confrère Denys,
Se douta bien que le saint de la France
Portait aux siens sa divine assistance.
Il promenait ses regards inquiets
Dans les recoins du céleste palais.
Sans balancer aussitôt il demande
Son beau cheval connu dans la Légende.
Le cheval vint ; George le bien monté[5],
La lance au poing, et le sabre au côté,
Va parcourant cet effroyable espace
Que des humains veut mesurer l’audace ;
Ces cieux divers, ces globes lumineux
Que fait tourner René le songe-creux[6]

Dans un amas de subtile poussière,
Beaux tourbillons que l’on ne prouve guère,
Et que Newton, rêveur bien plus fameux,
Fait tournoyer sans boussole et sans guide
Autour du rien, tout au travers du vide.



George, enflammé de dépit et d’orgueil,
Franchit ce vide, arrive en un clin d’œil
Devers les lieux arrosés par la Loire,
Où saint Denys croyait chanter victoire.
Ainsi l’on voit dans la profonde nuit
Une comète, en sa longue carrière,
Étinceler d’une horrible lumière :
On voit sa queue, et le peuple frémit ;
Le pape en tremble, et la terre étonnée
Croit que les vins vont manquer cette année.



Tout du plus loin que saint George aperçut
Monsieur Denys, de colère, il s’émut ;
Et, brandissant sa lance meurtrière,
Il dit ces mots dans le vrai goût d’Homère[7] :
" Denys, Denys ! rival faible et hargneux,
Timide appui d’un parti malheureux,
Tu descends donc en secret sur la terre
Pour égorger mes héros d’Angleterre !
Crois-tu changer les ordres du destin,
Avec ton âne et ton bras féminin ?
Ne crains-tu pas que ma juste vengeance
Punisse enfin, toi, ta fille, et la France ?
Ton triste chef, branlant sur ton cou tors,
S’est vu déjà séparé de ton corps :
Je veux t’ôter, aux yeux de ton Église,
Ta tête chauve en son lieu mal remise,
Et t’envoyer vers les murs de Paris,
Digne patron des badauds attendris,
Dans ton faubourg, où l’on chôme ta fête,
Tenir encor et rebaiser ta tête[8]. "



Le bon Denys, levant les mains aux cieux,
Lui répondit d’un ton tendre et pieux :

" O grand saint George, ô mon puissant confrère
Veux-tu toujours écouter ta colère ?
Depuis le temps que nous sommes au ciel,
Ton cœur dévot est tout pétri de fiel.
Nous faudra-t-il, bienheureux que nous sommes,
Saints enchâssés, tant fêtés chez les hommes,
Nous qui devons l’exemple aux nations,
Nous décrier par nos divisions ?
Veux-tu porter une guerre cruelle
Dans le séjour de la paix éternelle ?
Jusques à quand les saints de ton pays
Mettront-ils donc le trouble en paradis ?
O fiers anglais, gens toujours trop hardis,
Le ciel un jour, à son tour en colère,
Se lassera de vos façons de faire ;
Ce ciel n’aura, grâce à vos soins jaloux,
Plus de dévots qui viennent de chez vous.
Malheureux saint, pieux atrabilaire ;
Patron maudit d’un peuple sanguinaire,
Sois plus traitable ; et, pour Dieu, laisse-moi
Sauver la France et secourir mon roi. "



A ce discours, George, bouillant de rage,
Sentit monter le rouge à son visage ;
Et, des badauds contemplant le patron,
Il redoubla de force et de courage,
Car il prenait Denys pour un poltron.
Il fond sur lui, tel qu’un puissant faucon
Vole de loin sur un tendre pigeon.
Denys recule, et prudent il appelle
A haute voix son âne si fidèle,
Son âne ailé, sa joie et son secours.
" Viens, criait-il, viens défendre mes jours. "
Ainsi parlant, le bon Denys oublie
Que jamais saint n’a pu perdre la vie.



Le beau grison revenait d’Italie
En ce moment ; et moi, conteur succinct,
J’ai déjà dit ce qui fit qu’il revint.
A son Denys dos et selle il présente.
Notre, patron sur son âne élancé,
Sentit soudain sa valeur renaissante.
Subtilement il avait ramassé
Le fer sanglant d’un Anglais trépassé ;

Lors, brandissant le fatal cimeterre,
Il pousse à George, il le presse, il le serre.
George indigné lui fait tomber en bref
Trois horions sur son malheureux chef.
Tous sont parés ; Denys garde sa tête,
Et de ses coups dirige la tempête
Sur le cheval et sur le cavalier.
Le feu jaillit sur l’élastique acier ;
Les fers croisés, et de taille et de pointe,
A tout moment vont, au fort du combat,
Chercher le cou, le casque, le rabat,
Et l’auréole[9], et l’endroit délicat
Où la cuirasse à l’aiguillette est jointe.



Ces vains efforts les rendaient plus ardents ;
Tous deux tenaient la victoire en suspens,
Quand de sa voix terrible et discordante
L’âne entonna son octave écorchante.
Le ciel en tremble ; Écho du fond des bois
En frémissant répète cette voix.
George pâlit : Denys d’une main leste
Fait une feinte, et d’un revers céleste
Tranche le nez du grand saint d’Albion[10].
Le bout sanglant roule sur son arçon.



George, sans nez, mais non pas sans courage,
Venge à l’instant l’honneur de son visage,
Et jurant Dieu, selon les nobles _us_
De ses Anglais, d’un coup de cimeterre
Coupe à Denys ce que jadis saint Pierre,
Certain jeudi, fit tomber à Malchus.



A ce spectacle, à la voix ampoulée
De l’âne saint, à ces terribles cris,
Tout fut ému dans les divins lambris.
Le beau portail de la voûte étoilée
S’ouvrit alors, et des arches du ciel
On vit sortir l’archange Gabriel,
Qui, soutenu sur ses brillantes ailes,
Fend doucement les plaines éternelles
Portant en main la verge qu’autrefois

Devers le Nil eut le divin Moïse,
Quand dans la mer, suspendue et soumise,
Il engloutit les peuples et les rois.



" Que vois-je ici ? cria-t-il en colère ;
Deux saints patrons, deux enfants de lumière,
Du Dieu de paix confidents éternels,
Vont s’échiner comme de vils mortels !
Laissez, laissez aux sots enfants des femmes
Les passions, et le fer, et les flammes ;
Abandonnez à leur profane sort
Les corps chétifs de ces grossières âmes,
Nés dans la fange, et formés pour la mort :
Mais vous, enfants, qu’au séjour de la vie
Le ciel nourrit de sa pure ambroisie,
Êtes-vous las d’être trop fortunés ?
Êtes-vous fous ? ciel ! une oreille, un nez !
Vous que la grâce et la miséricorde
Avaient formés pour prêcher la concorde,
Pouvez-vous bien de je ne sais quels rois
En étourdis embrasser la querelle ?
Ou renoncez à la voûte éternelle,
Ou dans l’instant qu’on se rende à mes lois.
Que dans vos cœurs la charité s’éveille.
George insolent, ramassez cette oreille,
Ramassez, dis-je ; et vous, Monsieur Denys,
Prenez ce nez avec vos doigts bénis :
Que chaque chose en son lieu soit remise. "



Denys soudain va, d’une main soumise,
Rendre le bout du nez qu’il fit camus.
George à Denys rend l’oreille dévote
Qu’il lui coupa. Chacun des deux marmotte
A Gabriel un gentil _oremus_ ;
Tout se rajuste, et chaque cartilage
Va se placer à l’air de son visage.
Sang, fibres, chair, tout se consolida ;
Et nul vestige aux deux saints ne resta
De nez coupé, ni d’oreille abattue ;
Tant les saints ont la chair ferme et dodue !



Puis Gabriel d’un ton de président :
" Çà qu’on s’embrasse. " Il dit, et dans l’instant
Le doux Denys, sans fiel et sans colère,
De bonne foi baisa son adversaire :

Mais le fier George en l’embrassant jurait,
Et promettait que Denys le paierait.
Le bel archange, après cette embrassade,
Prend mes deux saints, et d’un air gracieux
A ses côtés les fait voguer aux cieux,
Où de nectar on leur verse rasade.



Peu de lecteurs croiront ce grand combat ;
Mais sous les murs qu’arrosait le Scamandre,
N’a-t-on pas vu jadis avec éclat
Les dieux armés de l’Olympe descendre ?
N’a-t-on pas vu chez chez cet Anglais Milton
D’anges ailés toute une légion[11]
Rougir de sang les célestes campagnes,
Jeter au nez quatre ou cinq cents montagnes,
Et, qui pis est, avoir du gros canon ?
Or si jadis Michel et le démon
Se sont battus, messieurs Denys et George
Pouvaient sans doute, à plus forte raison,
Se rencontrer et se couper la gorge.



Mais dans le ciel si la paix revenait,
Il en était autrement sur la terre,
Séjour maudit de discorde et de guerre.
Le bon roi Charle en cent endroits courait,
Nommait Agnès, la cherchait, la pleurait.
Et cependant Jeanne la foudroyante,
De son épée invincible et sanglante,
Au fier Warton le trépas préparait :
Elle l’atteint vers l’énorme partie
Dont cet Anglais profana le couvent ;
Warton chancelle, et son glaive tranchant
Quitte sa main par la mort engourdie ;
Il tombe, et meurt en reniant les saints.
Le vieux troupeau des antiques nonnains,
Voyant aux pieds de l’amazone auguste
Le chevalier sanglant et trébuché,

Disant _Ave_, s’écriait : " Il est juste
Qu’on soit puni par où l’on a péché. "



Sœur Rebondi, qui dans la sacristie
A succombé sous le vainqueur impie,
Pleurait le traître en rendant grâce au ciel ;
Et mesurant des yeux le criminel,
Elle disait d’une voix charitable :
" Hélas ! hélas ! nul ne fut plus coupable. "

  1. Voltaire avait déjà employé ces vers dans le portrait de l'abbé Desfontaines, dont il dit
    Qu'on le prendrait, à ses fureurs étranges,
    Pour un démon qui viole des anges. (R.)
  2. On ne connaît point dans l'antiquité le dieu du mystère; c'est sans doute une invention de notre auteur, une allégorie. Il y avait plusieurs sortes de mystères chez les gentils, au rapport de Pausanias, de Porphyre, de Lactance, d'Aulus Gellius, d'Apulcius, etc. Mais ce n'est pas cela dont il s'agit ici. (Note de Voltaire, 1762).
  3. Voyez la note de la page 69.
  4. Cette comparaison se retrouvera dans le chant de Corisandre (191-196) après les variantes du chant XIII, (R.)
  5. Il est indubitable qu'on représente toujours saint George sur un beau cheval, et de là vient le proverbe, monté comme un saint George. (Note de Voltaire, 1762.)
  6. Allusion aux tourbillons de Descartes et à sa matière subtile, imaginations ridicules, et qui ont eu si longtemps la vogue. On ne sait pourquoi l'auteur applique aussi l'épithète de rêveur à Newton, qui a prouvé le vide; c'est apparemment parce que Newton soupçonne qu'un esprit extrêmement élastique est la cause de la gravitation; au reste, il ne faut pas prendre une plaisanterie à la lettre. (Id., 1762.)
  7. Tout ce morceau est visiblement imité d'Homère. Minerve dit à Mars ce que le sage Denis dit ici au fier George : « O Mars! ô Mars! dieu sanglant, qui ne te plais qu'aux combats, etc. » (Note de Voltaire, 1762.)
  8. Voyez la note de Voltaire sur le vers 200 du chant premier. (R.)
  9. Voyez la note 1 de la page 34.
  10. Toujours imitation d’Homère, qui fait blesser Mars lui-même. (Note de Voltaire, 1762). — Iliade, v. 34.
  11. Milton, au cinquième chant du Paradis perdu, assure qu'une partie des anges fit de la poudre et des canons, et renversa par terre dans le ciel des légions d'anges; que ceux-ci prirent dans le ciel des centaines de montagnes, les chargèrent sur leur dos, avec les forêts plantées sur ces montagnes et les fleuves qui en coulaient, et qu'ils jetèrent fleuves, montagnes, et forêts sur l'artillerie ennemie. C'est un des morceaux les plus vraisemblables de ce poëme. (Note de Voltaire, 1762.) — Paradise lost, VI, 512-520.