Georges Crès et Cie (p. 127-184).


ACTE QUATRIÈME

 


Scène I


UNE PARTIE DU JARDIN
Entre le prince Hjalmar.

HJALMAR.


Elle me suit comme un chien. Elle était à une fenêtre de la tour ; elle m’a vu passer le pont du jardin et voilà qu’elle arrive au bout de l’allée ! — Je m’en vais.

Il sort. — Entre la reine Anne.
ANNE.

Il me fuit et je crois qu’il a des soupçons. Je ne veux pas attendre plus longtemps. Ce poison traînera jusqu’au jugement dernier ! Je ne puis plus me fier à personne ; et je crois que le roi devient fou. Il faut que je l’aie tout le temps sous les yeux. Il erre autour de la chambre de Maleine, et je crois qu’il voudrait l’avertir. — J’ai pris la clef de cette chambre. Il est temps d’en finir ! — Ah ! voici la nourrice. Elle est toujours chez la petite, il faudra l’éloigner aujourd’hui. Bonjour, nourrice.

— Entre la Nourrice. —
LA NOURRICE.

Bonjour, bonjour, Madame.

ANNE.

Il fait beau, n’est-ce pas, nourrice ?

LA NOURRICE.

Oui, Madame ; un peu chaud peut-être ; un peu trop chaud pour la saison.

ANNE.

Ce sont les derniers jours de soleil ; il faut en profiter.

LA NOURRICE.

Je n’ai plus eu le temps de venir au jardin depuis que Maleine est malade.

ANNE.

Est-ce qu’elle va mieux ?

LA NOURRICE.

Oui, un peu mieux peut-être ; mais toujours faible, faible ! et pâle, pâle !

ANNE.

J’ai vu le médecin ce matin ; il m’a dit qu’il lui faut, avant tout, le repos.

LA NOURRICE.

Il me l’a dit aussi.

ANNE.

Il conseille même de la laisser seule, et de ne pas entrer dans sa chambre à moins qu’elle n’appelle.

LA NOURRICE.

Il ne m’en a rien dit.

ANNE.

Il l’aura oublié ; on n’aura pas osé vous le dire de peur de vous faire de la peine.

LA NOURRICE.

Il a eu tort, il a eu tort.

ANNE.

Mais oui ; il a eu tort.

LA NOURRICE.

J’avais justement cueilli quelques grappes de raisin pour elle.

ANNE.

Il y a déjà des raisins ?

LA NOURRICE.

Oui, oui, j’en ai trouvé le long du mur. Elle les aime tant…

ANNE.

Ils sont très beaux.

LA NOURRICE.

Je croyais les lui donner après la messe, mais j’attendrai qu’elle soit guérie.

ANNE.

Il ne faudra pas attendre longtemps.

On entend sonner une cloche.
LA NOURRICE.

Mon Dieu, on sonne la messe ! J’allais oublier que c’est dimanche.

ANNE.

J’y vais également.

Elles sortent.

 


Scène II


UNE CUISINE DU CHÂTEAU
On découvre des servantes,
des cuisiniers, des domestiques, etc. — Les Sept Béguines filent
leur quenouille dans le fond de la salle, en chantant à mi-voix
des hymnes latines.
UN CUISINIER.


Il va tonner.

UN DOMESTIQUE.

Je viens du jardin ; je n’ai jamais vu de ciel pareil ; il est aussi noir que l’étang.

UNE SERVANTE.

Il est six heures, et je n’y vois plus. Il faudrait allumer les lampes.

UNE AUTRE SERVANTE.

On n’entend rien.

UNE TROISIÈME SERVANTE.

J’ai peur.

UN CUISINIER.

Il ne faut pas avoir peur.

UNE VIEILLE SERVANTE.

Mais regardez donc le ciel ! J’ai plus de soixante-dix ans et je n’ai jamais vu un ciel comme celui-ci !

UN DOMESTIQUE.

C’est vrai.

UNE BÉGUINE.

Y a-t-il de l’eau bénite ?

UNE SERVANTE.

Oui, oui.

UNE AUTRE BÉGUINE.

Où est-elle ?

UN CUISINIER.

Attendez qu’il tonne.

Entre une servante.
LA SERVANTE.

La reine demande si le souper du petit Allan est déjà prêt ?

LE CUISINIER.

Mais non ; il n’est pas sept heures. Il soupe toujours à sept heures.

LA SERVANTE.

Il soupera plus tôt ce soir.

LE CUISINIER.

Pourquoi ?

LA SERVANTE.

Je n’en sais rien.

LE CUISINIER.

En voilà une histoire ! Il fallait me prévenir…

Entre une deuxième servante.
LA DEUXIÈME SERVANTE.

OÙ est le souper du petit Allan ?

LE CUISINIER.

« Où est le souper du petit Allan ? » Mais je ne puis pas préparer ce souper en faisant le signe de la croix !

LA DEUXIÈME SERVANTE.

Il suffit d’un œuf et d’un peu de bouillon. Je dois le mettre au lit immédiatement après.

UNE SERVANTE.

Est-ce qu’il est malade ?

LA DEUXIÈME SERVANTE.

Mais non, il n’est pas malade.

UNE AUTRE SERVANTE.

Mais qu’est-il arrivé ?

LA DEUXIÈME SERVANTE.

Je n’en sais rien.

Au Cuisinier.

Elle ne veut pas que l’œuf soit trop dur.

Entre une troisième servante.
LA TROISIÈME SERVANTE.

Il ne faut pas attendre la reine cette nuit.

LES SERVANTES.

Quoi ?

LA TROISIÈME SERVANTE.

Il ne faut pas attendre la reine cette nuit. Elle se déshabillera toute seule.

LES SERVANTES.

Allons, tant mieux !

LA TROISIÈME SERVANTE.

Il faut allumer toutes les lampes dans sa chambre.

UNE SERVANTE.

Allumer toutes les lampes ?

LA TROISIÈME SERVANTE.

Oui.

UNE SERVANTE.

Mais pourquoi ?

LA TROISIÈME SERVANTE.

Je n’en sais rien ; elle l’a dit.

UNE AUTRE SERVANTE.

Mais qu’est-ce qu’elle a ce soir ?

UN DOMESTIQUE.

Elle a un rendez-vous.

UN AUTRE DOMESTIQUE.

Avec le roi.

UN AUTRE DOMESTIQUE.

Ou avec le prince Hjalmar.

Entre une quatrième servante.
LA QUATRIÈME SERVANTE.

Il faut monter de l’eau dans la chambre de la reine.

UNE SERVANTE.

De l’eau ! Mais il y en a.

LA QUATRIÈME SERVANTE.

Il n’y en aura pas assez.

UN DOMESTIQUE.

Est-ce qu’elle va se baigner ?

UN CUISINIER.

Est-ce vous autres qui la baignez ?

UNE SERVANTE.

Oui.

LE CUISINIER.

Oh la, la !

UN DOMESTIQUE.

Elle est toute nue alors ?

UNE SERVANTE.

Évidemment.

LE DOMESTIQUE

Sacrebleu !

— Un éclair. —
TOUS.

Un éclair !

Ils se signent.
UNE BÉGUINE.

Mais taisez-vous donc ! Vous allez attirer la foudre ! Vous allez attirer la foudre sur nous tous ! Moi, je ne reste pas ici !

LES AUTRES BÉGUINES.

Moi non plus ! — Moi non plus ! — Moi non plus ! — Moi non plus ! — Moi non plus ! — Moi non plus !

Elles sortent précipitamment en faisant le signe de la croix.

 


Scène III


LA CHAMBRE DE LA PRINCESSE MALEINE
On découvre la princesse Maleine étendue sur son lit.
Un grand chien noir tremble dans un coin.

MALEINE.


Ici Pluton ! Ici Pluton ! Ils m’ont laissée toute seule ! Ils m’ont laissée toute seule dans une nuit pareille ! Hjalmar n’est pas venu me voir. Ma nourrice n’est pas venue me voir ; et quand j’appelle, personne ne me répond. Il est arrivé quelque chose au château… Je n’ai pas entendu un seul bruit aujourd’hui ; on dirait qu’il est habité par des morts. — Où es-tu, mon pauvre chien noir ? Est-ce que tu vas m’abandonner aussi ? — Où es-tu, mon pauvre Pluton ? — Je ne puis te voir dans l’obscurité ; tu es aussi noir que ma chambre. — Est-ce toi que je vois dans le coin ! — Mais ce sont tes yeux qui luisent ainsi !… Mais ferme les yeux pour l’amour de Dieu ! Ici Pluton ! Ici Pluton !

Ici commence l’orage.

Est-ce toi que j’ai vu trembler dans le coin ?

— Mais je n’ai jamais vu trembler ainsi ! Il fait trembler tous les meubles ! — As-tu vu quelque chose ? — Réponds-moi, mon pauvre Pluton ! Y a-t-il quelqu’un dans la chambre ? Viens ici, Pluton, viens ici ! Mais viens près de moi, dans mon lit ! — Mais tu trembles à mourir dans ce coin !

Elle se lève et va vers le chien qui recule et
se cache sous un meuble.

Où es-tu, mon pauvre Pluton ! — Oh ! voici que tes yeux sont en feu !… — Mais pourquoi as-tu peur de moi cette nuit ?

Elle se recouche.

Si je pouvais m’endormir un moment… — Mon Dieu ! Mon Dieu ! comme je suis malade ! Et je ne sais pas ce que j’ai ; et personne ne sait ce que j’ai…

Ici le vent agite les rideaux du lit.

Ah ! on touche aux rideaux de mon lit ! Qui est-ce qui touche aux rideaux de mon lit ? Il y a quelqu’un dans ma chambre ? — Il doit y avoir quelqu’un dans ma chambre ! — Oh ! voilà la lune qui entre dans ma chambre ! — Mais qu’est-ce que cette ombre sur la tapisserie ? — Je crois que le crucifix balance sur le mur ! Qui est-ce qui touche au crucifix ? Mon Dieu ! mon Dieu ! je ne puis plus rester ici !

Elle se lève et va vers la porte, qu’elle essaye d’ouvrir.

Ils m’ont enfermée dans ma chambre ! — Ouvrez-moi pour l’amour de Dieu ! Il y a quelque chose dans ma chambre ! — Je vais mourir si l’on me laisse ici ! Nourrice ! nourrice ! où es-tu ? Hjalmar ! Hjalmar ! Hjalmar ! où êtes-vous ?

Elle revient vers le lit.

Je n’ose plus sortir de mon lit. — Je vais me tourner de l’autre côté. — Je ne verrai plus ce qu’il y a sur le mur.

Ici des vêtements blancs, placés sur un prie-Dieu,
sont agités lentement par le vent.
Ah ! il y a quelqu’un sur le prie-Dieu !
Elle se tourne de l’autre côté.

Ah ! l’ombre est encore sur le mur !

Elle se retourne.

Ah ! il est encore sur le prie-Dieu ! Oh ! oh ! oh ! oh ! oh ! — Je vais essayer de fermer les yeux.

Ici on entend craquer les meubles et gémir le vent.

Oh ! oh ! oh ! qu’y a-t-il maintenant ? Il y a du bruit dans ma chambre !

Elle se lève.

Je veux voir ce qu’il y a sur le prie-Dieu ! — J’avais peur de ma robe de noces ! Mais, quelle est cette ombre sur la tapisserie ?

Elle fait glisser la tapisserie.

Elle est sur le mur à présent ! Je vais boire un peu d’eau !

Elle boit, et dépose le verre sur un meuble.

Oh ! comme ils crient les roseaux de ma chambre ! Et quand je marche tout parle dans ma chambre ! Je crois que c’est l’ombre du cyprès ; il y a un cyprès devant ma fenêtre.

Elle va vers la fenêtre.
Oh, la triste chambre qu’ils m’ont donnée !
Il tonne.

Je ne vois que des croix aux lueurs des éclairs ; et j’ai peur que les morts n’entrent par les fenêtres. Mais quelle tempête dans le cimetière ! et quel vent dans les saules pleureurs !

Elle se couche sur son lit.

Je n’entends plus rien maintenant ; et la lune est sortie de ma chambre. Je n’entends plus rien, maintenant. Je préfère entendre du bruit.

Elle écoute.

Il y a des pas dans le corridor. D’étranges pas, d’étranges pas, d’étranges pas… On chuchote autour de ma chambre ; et j’entends des mains sur ma porte !

Ici le chien se met à hurler.

Pluton ! Pluton ! quelqu’un va entrer ! — Pluton ! Pluton ! Pluton ! ne hurle pas ainsi ! Mon Dieu ! mon Dieu ! je crois que mon cœur va mourir !

 


Scène IV


UN CORRIDOR DU CHÂTEAU
Entrent, au bout du corridor, le roi et la reine Anne.
Le Roi porte une lumière, l’orage continue.

ANNE.


Je crois que l’orage sera terrible cette nuit ; il y avait un vent effrayant dans la cour, un des vieux saules pleureurs est tombé dans l’étang.

LE ROI.

Ne le faisons pas.

ANNE.

Quoi ?

LE ROI.

N’y a-t-il pas moyen de faire autrement ?

ANNE.

Venez.

LE ROI.

Les sept béguines !

On entend venir les Sept Béguines qui chantent des litanies.
UNE BÉGUINE.
Au loin.

Propitius esto !

LES AUTRES BÉGUINES.

Parce nobis, Domine !

UNE BÉGUINE.

Propitius esto !

LES AUTRES.

Exaudi nos, Domine !

UNE BÉGUINE.

Ab omni malo !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

UNE BÉGUINE.

Ab omni peccato !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

Elles entrent à la file ;
la première porte une lanterne, la septième un livre de prières.
UNE BÉGUINE.

Ab ira tua !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

UNE BÉGUINE.

A subitanea et improvisa morte !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

UNE BÉGUINE.

Ab insidiis diaboli !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

UNE BÉGUINE.
En passant devant le Roi et la Reine.

A spiritu fornicationis !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

UNE BÉGUINE.

Ab ira, et odio, et omni mala voluntate !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

Elles sortent et on continue de les entendre dans l’éloignement.
UNE BÉGUINE.

A fulgure et tempestate !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

UNE BÉGUINE.
Très loin.

A morte perpetua !

LES AUTRES.

Libera nos, Domine !

ANNE.

Elles sont parties. — Venez.

LE ROI.

Oh ! ne le faisons pas aujourd’hui !

ANNE.

Pourquoi ?

LE ROI.

Il tonne si terriblement !

ANNE.

On ne l’entendra pas crier. Venez.

LE ROI.

Attendons encore un peu.

ANNE.

Taisez-vous ! c’est ici la porte…

LE ROI.

Est-ce ici la porte ? Mon Dieu ! mon Dieu ! mon Dieu !

ANNE.

Où est la clef ?

LE ROI.

Allons jusqu’au bout du corridor ; il y a peut-être quelqu’un.

ANNE.

Où est la clef ?

LE ROI.

Attendons jusqu’à demain.

ANNE.

Allons ! la clef ! la clef !

LE ROI.

Je crois que je l’ai oubliée.

ANNE.

Ce n’est pas possible. Je vous l’ai donnée.

LE ROI.

Je ne la trouve plus.

ANNE.

Mais je l’ai mise dans votre manteau…

LE ROI.

Elle n’y est plus. Je vais la chercher…

ANNE.

Où donc ?

LE ROI.

Ailleurs.

ANNE.

Non, non, restez ici ; vous ne reviendriez plus.

LE ROI.

Si, si, je reviendrai.

ANNE.

J’irai moi-même. Restez ici. Où est-elle ?

LE ROI.

Je ne sais pas. Dans ma chambre à coucher…

ANNE.

Mais vous vous en irez ?

LE ROI.

Oh ! non, je resterai !… je resterai ici !

ANNE.

Mais il faut que vous l’ayez. Je l’ai mise dans votre manteau. Cherchez. Nous n’avons pas de temps à perdre.

LE ROI.

Je ne la trouve pas.

ANNE.

Voyons… — Mais elle est ici ! Voyons, sois raisonnable, Hjalmar ; et ne fais pas l’enfant ce soir… Est-ce que tu ne m’aimes plus ?

Elle veut l’embrasser.
LE ROI,
la repoussant.

Non, non, pas maintenant.

ANNE.

Ouvrez !

LE ROI.

Oh ! oh ! oh ! J’aurais moins peur de la porte de l’enfer ! Il n’y a qu’une petite fille là derrière ; elle ne peut pas…

ANNE.

Ouvrez !

LE ROI.

Elle ne peut pas tenir une fleur dans ses mains ! Elle tremble quand elle tient une pauvre petite fleur dans ses mains ; et moi…

ANNE.

Allons ; ne faites pas de scènes, ce n’est pas le moment. — Nous n’avons pas de temps à perdre !

LE ROI.

Je ne trouve pas le trou de la serrure.

ANNE.

Donnez-moi la lumière ; elle tremble comme si le corridor allait s’écrouler.

LE ROI.

Je ne trouve pas le trou de la serrure.

ANNE.

Vous tremblez ?

LE ROI.

Non ; — oui, un peu, mais je n’y vois plus !

ANNE.

Donnez-moi la clef !

Entr’ouvrant la porte.

Entrez !

Le chien noir sort en rampant.
LE ROI.

Quelque chose est sorti…

ANNE.

Oui.

LE ROI.

Quelque chose est sorti de la chambre !…

ANNE.

Taisez-vous !

LE ROI.

Mais qu’est-ce qui est sorti de la chambre ?

ANNE.

Je ne sais pas ; — entrez ! entrez ! entrez !

Ils entrent dans la chambre.


 


Scène V


LA CHAMBRE DE LA PRINCESSE MALEINE
On découvre la princesse Maleine
immobile sur son lit, épouvantée et aux écoutes ;
entrent le Roi et la reine Anne.
L’orage augmente.

LE ROI.


Je veux savoir ce qui est sorti de la chambre !…

ANNE.

Avancez, avancez !

LE ROI.

Je veux aller voir ce qui est sorti de la chambre…

ANNE.

Taisez-vous. Elle est là…

LE ROI.

Elle est morte ! — Allons-nous-en !

ANNE.

Elle a peur.

LE ROI.

Allons-nous-en ! J’entends battre son cœur jusqu’ici !

ANNE.

Avancez ; — est-ce que vous devenez fou ?

LE ROI.

Elle nous regarde, oh ! oh !

ANNE.

Mais c’est une petite fille ! — Bonsoir, Maleine, — Est-ce que tu ne m’entends pas, Maleine ? Nous venons te dire bonsoir. — Es-tu malade, Maleine ? Est-ce que tu ne m’entends pas ? Maleine ! Maleine !

Maleine fait signe que oui.
LE ROI.

Ah !

ANNE.

Tu es effrayante ! — Maleine ! Maleine ! As-tu perdu la voix ?

MALEINE.

Bon… soir !…

ANNE.

Ah ! tu vis encore ; — as-tu tout ce qu’il te faut ? — Mais je vais ôter mon manteau.

Elle dépose son manteau sur un meuble et s’approche du lit.

Je vais voir. — Oh ! cet oreiller est bien dur. — Je vais arranger tes cheveux. — Mais pourquoi me regardes-tu ainsi, Maleine ? Maleine ? — Je viens te dorloter un peu. — Où est-ce que tu as mal ? Tu trembles comme si tu allais mourir. — Mais tu fais trembler tout le lit ! — Mais je viens simplement te dorloter un peu. — Ne me regarde pas ainsi ! Il faut être dorlotée à ton âge ; je vais être ta pauvre maman. — Je vais arranger tes cheveux. — Voyons, lève un peu la tête ; je vais les nouer avec ceci. — Lève un peu la tête. — Ainsi.

Elle lui passe un lacet autour du cou.
MALEINE,
sautant à bas du lit.

Ah ! qu’est-ce que vous m’avez mis autour du cou ?

ANNE.

Rien ! rien ! ce n’est rien ! ne criez pas !

MALEINE.

Ah ! ah !

ANNE.

Arrêtez-la ! arrêtez-la !

LE ROI.

Quoi ? Quoi ?

ANNE.

Elle va crier ! elle va crier !

LE ROI.

Je ne peux pas !

MALEINE.

Vous allez me !… oh ! vous allez me !…

ANNE,
saisissant Maleine.

Non ! non !

MALEINE.

Maman ! Maman ! Nourrice ! Nourrice ! Hjalmar ! Hjalmar ! Hjalmar !

ANNE,
— au Roi. —

Où êtes-vous ?

LE ROI.

Ici ! ici !

MALEINE,
suivant Anne sur les genoux.

Attendez ! Attendez un peu ! Anne ! Madame ! roi ! roi ! roi ! Hjalmar ! — Pas aujourd’hui ! — Non ! non ! pas maintenant !…

ANNE.

Vous allez me suivre autour du monde à genoux ?

Elle tire sur le lacet.
MALEINE,
tombant au milieu de la chambre.

Maman !… Oh ! oh ! oh !

Le Roi va s’asseoir.
ANNE.

Elle ne bouge plus. C’est déjà fini. — Où êtes-vous ? Aidez-moi ! Elle n’est pas morte. — Vous vous êtes assis !

LE ROI.

Oui ! oui ! oui !

ANNE.

Tenez-lui les pieds ; elle se débat. Elle va se relever…

LE ROI.

Quels pieds ? quels pieds ? Où sont-ils ?

ANNE.

Là ! là ! là ! Tirez !

LE ROI.

Je ne peux pas ! Je ne peux pas !

ANNE.

Mais ne la faites pas souffrir inutilement !

Ici la grêle crépite subitement contre les fenêtres.
LE ROI.

Ah !

ANNE.

Qu’est-ce que vous avez fait ?

LE ROI.

Aux fenêtres ! — On frappe aux fenêtres !

ANNE.

On frappe aux fenêtres ?

LE ROI.

Oui ! oui ! avec des doigts ! oh ! des millions de doigts !

Nouvelle averse.
ANNE.

C’est la grêle !

LE ROI.

La grêle ?

ANNE.

Oui.

LE ROI.

Est-ce que c’est la grêle ?

ANNE.

Oui, je l’ai vu. — Ses yeux deviennent troubles.

LE ROI.

Je veux m’en aller ! Je m’en vais ! Je m’en vais !

ANNE.

Quoi ? Quoi ? Attendez ! Attendez ! Elle est morte.

Ici une fenêtre s’ouvre violemment
sous un coup de vent, et un vase posé sur l’appui
et contenant une tige de lys tombe bruyamment
dans la chambre.
LE ROI.

Oh ! oh !… maintenant !… Qu’y a-t-il maintenant ?

ANNE.

Ce n’est rien, c’est le lys ; le lys est tombé.

LE ROI.

On a ouvert la fenêtre.

ANNE.

C’est le vent.

Tonnerres et éclairs.
LE ROI.

Est-ce que c’est le vent ?

ANNE.

Oui, oui, vous l’entendez bien. — Enlevez, enlevez l’autre lys ; — il va tomber aussi.

LE ROI.

Où ? où ?

ANNE.

Là ! là ! à la fenêtre. Il va tomber, il va tomber ! On l’entendra !…

LE ROI,
Prenant le lys.

OÙ faut-il le mettre ?

ANNE.

Mais où vous voudrez ; à terre ! à terre !

LE ROI.

Je ne sais pas où…

ANNE.

Mais ne restez pas avec ce lys dans les mains ! Il tremble comme s’il était au milieu d’une tempête ! Il va tomber !

LE ROI.

Où faut-il le mettre ?

ANNE.

Où vous voudrez ; à terre ; — n’importe où…

LE ROI.

Ici ?

ANNE.

Oui, oui.

Maleine fait un mouvement.
LE ROI.

Ah !

ANNE.

Quoi ? quoi ?

LE ROI,
imitant le mouvement.

Elle a !…

ANNE.

Elle est morte ; elle est morte. Venez !

LE ROI.

Moi ?

ANNE.

Oui. Elle saigne du nez. — Donnez-moi votre mouchoir.

LE ROI.

Mon… mon mouchoir ?

ANNE.

Oui.

LE ROI.

Non, non ! pas le mien ! pas le mien !

Ici le Fou apparaît à la fenêtre restée ouverte
et ricane tout à coup.
ANNE.

Il y a quelqu’un ! Il y a quelqu’un à la fenêtre !

LE ROI.

Oh ! Oh ! Oh !

ANNE.
C’est le Fou ! Il a vu de la lumière. — Il le dira. — Tuez-le !
Le Roi court à la fenêtre et frappe le Fou
d’un coup d’épée.
LE FOU,
tombant.

Oh ! oh ! oh !

ANNE.

Il est mort ?

LE ROI.

Il est tombé. Il est tombé dans le fossé. Il se noie ! Écoutez ! Écoutez !…

On entend des clapotements.
ANNE.

Il n’y a personne aux environs ?

LE ROI.

Il se noie ; il se noie. Écoutez !

ANNE.

Il n’y a personne aux environs ?

Tonnerres et éclairs.
LE ROI.

Il y a des éclairs ! il y a des éclairs !

ANNE.

Quoi ?

LE ROI.

Il pleut ! il pleut ! Il grêle ! il grêle ! Il tonne ! il tonne !

ANNE.

Que faites-vous là, à la fenêtre ?

LE ROI.

Il pleut, il pleut sur moi ! Ils versent de l’eau sur ma tête ! Je voudrais être sur la pelouse ! Je voudrais être en plein air ! Ils versent de l’eau sur ma tête ! Il faudrait toute l’eau du déluge pour me baptiser à présent ! Le ciel entier écrase de la grêle sur ma tête ! Le ciel entier écrase des éclairs sur ma tête !

ANNE.

Vous devenez fou ! Vous allez vous faire foudroyer !

LE ROI.

Il grêle ! il grêle sur ma tête ! Il y a des grêlons comme des œufs de corbeaux !

ANNE.

Mais vous devenez fou ! Ils vont vous lapider !… — Vous saignez déjà. — Fermez la fenêtre.

LE ROI.

J’ai soif.

ANNE.

Buvez. Il y a de l’eau dans ce verre.

LE ROI.

Où ?

ANNE.

Là ; il est encore à moitié plein.

LE ROI.

Elle a bu dans ce verre ?

ANNE.

Oui ; peut-être.

LE ROI.

Il n’y a pas d’autre verre ?

Il verse l’eau qui reste et rince le verre.
ANNE.

Non, — que faites-vous ?

LE ROI.
Elle est morte.
Ici on entend d’étranges frôlements et un bruit de griffes contre la porte.

Ah !

ANNE.

On gratte à la porte.

LE ROI.

Ils grattent ! ils grattent !

ANNE.

Taisez-vous.

LE ROI.

Mais ce n’est pas avec une main !

ANNE.

Je ne sais ce que c’est.

LE ROI.

Prenons garde ! Oh ! oh ! oh !

ANNE.

Hjalmar ! Hjalmar ! qu’est-ce que vous avez ?

LE ROI.

Quoi ? quoi ?

ANNE.

Vous êtes effrayant ! Vous allez tomber ! Buvez, buvez un peu.

LE ROI.

Oui ! oui !

ANNE.

On marche dans le corridor.

LE ROI.

Il va entrer !

ANNE.

Qui ?

LE ROI.

Celui… celui… qui !

Il fait le geste de gratter.
ANNE.

Taisez-vous. — On chante…

VOIX,
dans le corridor.

De profundis clamavi ad te, Domine ; Domine, exaudi vocem meam !

ANNE.

Ce sont les sept béguines qui vont à la chapelle.

VOIX,
Dans le corridor.

Fiant auras tuæ intendentes, in vocem deprecationis meœ !

Le Roi laisse tomber le verre et la carafe.
ANNE.

Qu’avez-vous fait ?

LE ROI.

Ce n’est pas ma faute…

ANNE.

Elles auront entendu le bruit. Elles vont entrer…

VOIX,
s’éloignant dans le corridor.

Si iniquitates observaveris, Domine : Domine, quis sustinebit ?

ANNE.

Elles sont passées ; elles vont à la chapelle.

LE ROI.

Je veux m’en aller ! Je veux m’en aller ! Je veux aller avec elles ! Ouvrez-moi la porte !

Il va vers la porte.
ANNE,
le retenant.

Qu’est-ce que vous faites ? Où allez-vous ? Vous devenez fou ?

LE ROI.

Je veux aller avec elles ! Elles sont déjà sur la pelouse… Elles vont au bord de l’étang… Il y a du vent ; il pleut ; il y a de l’eau ; il y a de l’air ! — Si du moins vous l’aviez fait mourir en plein air ! Mais ici dans une petite chambre ! Dans une pauvre petite chambre ! — Je vais ouvrir les fenêtres…

ANNE.

Mais il tonne ! Vous devenez fou ? J’aurais mieux fait de venir seule…

LE ROI.

Oui ! oui !

ANNE.

Vous vous en seriez lavé les mains, n’est-ce pas ? Mais maintenant…

LE ROI.

Je ne l’ai pas tuée ! Je n’y ai pas touché ! C’est vous qui l’avez tuée ! C’est vous ! c’est vous ! c’est vous !

ANNE.

Bien, bien ; taisez-vous. — Nous verrons après. Mais ne criez pas ainsi.

LE ROI.

Ne dites plus que c’est moi ou je vous tue aussi ! C’est vous ! c’est vous !

ANNE.

Mais ne criez pas comme un possédé ! On va vous entendre au bout du corridor.

LE ROI.

On m’a entendu ?

On frappe à la porte.
ANNE.

On frappe ! Ne bougez pas !

On frappe.
LE ROI.

Que va-t-il arriver ? Que va-t-il arriver maintenant ?

On frappe.
ANNE.

Éteignez la lumière.

LE ROI.

Oh !

ANNE.

Je vous dis d’éteindre la lumière.

LE ROI.

Non.

ANNE.

Je l’éteindrai moi-même.

Elle éteint la lumière. On frappe.
LA NOURRICE,
dans le corridor.

Maleine ! Maleine !

ANNE,
dans la chambre.

C’est la nourrice…

LE ROI.

Oh ! oh ! la nourrice ! la bonne, la bonne nourrice ! Je veux voir la nourrice ! Ouvrons ! Ouvrons !

ANNE.

Mais taisez-vous donc ; pour Dieu, taisez-vous !


LA NOURRICE,
dans le corridor.

Maleine ! Maleine ! Est-ce que vous dormez ?

LE ROI,
dans la chambre.

Oui ; oui ; oui ; oh !

ANNE.

Taisez-vous.

LA NOURRICE,
dans le corridor.

Maleine… ma pauvre petite Maleine… Vous ne répondez plus ? Vous ne voulez plus me répondre ? — Je crois qu’elle dort profondément.

LE ROI,
dans la chambre.

Oh ! oh ! profondément !

On frappe.
ANNE.

Taisez-vous !

LA NOURRICE,
dans le corridor.

Maleine ! — Ma pauvre petite Maleine ! Je vous apporte de beaux raisins blancs et un peu de bouillon. Ils disent que vous ne pouvez pas manger ; mais je sais que vous êtes très faible ; je sais bien que vous avez faim. — Maleine, Maleine ! Ouvrez-moi !

LE ROI,
dans la chambre.

Oh ! oh ! oh !

ANNE.

Ne pleurez pas ! elle s’en ira.

LA NOURRICE,
dans le corridor.

Mon Dieu ! voilà Hjalmar qui arrive avec le petit Allan. Il va voir que je lui apporte des fruits. Je vais les cacher sous ma mante.

LE ROI,
dans la chambre.

Hjalmar arrive !

ANNE.

Oui.

LE ROI.

Et le petit Allan…

ANNE.

Je sais bien ; taisez-vous…

HJALMAR,
dans le corridor.

Qui est là ?

LA NOURRICE.

C’est moi, Seigneur.

HJALMAR.

Ah ! c’est vous, nourrice. Il fait si noir dans ce corridor… Je ne vous reconnaissais pas. Que faites-vous ici ?

LA NOURRICE.

J’allais à la cuisine ; et j’ai vu le chien devant la porte…

HJALMAR.

Ah ! c’est Pluton ! — Ici Pluton !

ANNE,
dans la chambre.

C’était le chien !

LE ROI.

Quoi ?

ANNE.

C’était le chien qui grattait…

LA NOURRICE,
dans le corridor.

Il était dans la chambre de Maleine. Je ne sais pas comment il est sorti…

HJALMAR.

Elle n’est plus dans sa chambre ?

LA NOURRICE.

Je ne sais ; elle ne répond pas.

HJALMAR.

Elle dort.

LA NOURRICE.

Il ne veut pas s’éloigner de la porte.

HJALMAR.

Laissez-le ; les chiens ont d’étranges idées. Mais quelle tempête, nourrice ! quelle tempête !…

LA NOURRICE.

Et le petit Allan n’est pas encore couché ?

HJALMAR.

Il cherche sa mère ; il ne trouve plus sa mère.

LE PETIT ALLAN.

Petite mère est pe-erdue !

HJALMAR.

Il veut absolument la voir avant de s’endormir. Vous ne savez pas où elle est ?

LA NOURRICE.

Non.

LE PETIT ALLAN.

Petite mère est pe-erdue !

HJALMAR,
dans le corridor.

On ne la trouve plus.

LE PETIT ALLAN.

Petite mère est pe-erdue ! pe-erdue ! pe-erdue ! oh ! oh ! oh !

LE ROI,
dans la chambre.

Oh !

ANNE.

Il sanglote !

LA NOURRICE,
dans le corridor.

Voyons, ne pleure pas ; voici ta balle. Je l’ai trouvée dans le jardin.

LE PETIT ALLAN.

Ah ! ah ! ah !

On entend des coups sourds contre la porte.
LE ROI,
dans la chambre.

Écoutez ! Écoutez !

ANNE.

C’est le petit Allan qui joue à la balle contre la porte !

LE ROI.

Ils vont entrer. — Je vais la fermer !

ANNE.

Elle est fermée.

LE ROI,
allant à la porte.

Les verrous ! les verrous !

ANNE.

Doucement, doucement !

HJALMAR,
dans le corridor.

Mais pourquoi le chien renifle-t-il ainsi sous la porte ?

LA NOURRICE.

Il voudrait entrer ; il est toujours près de Maleine.

HJALMAR.

Croyez-vous qu’elle puisse sortir demain ?

LA NOURRICE.

Oui, oui. Elle est guérie. — Eh bien, Allan, que fais-tu là ! — Tu ne joues plus ? Tu écoutes aux portes ! Fi ! le vilain petit qui écoute aux portes !

LE PETIT ALLAN.

Il y a un petit ga-arçon derrière la porte !…

ANNE,
dans la chambre.

Que dit-il ?

HJALMAR,
dans le corridor.

Il ne faut jamais écouter aux portes. Il arrive malheur quand on écoute aux portes.

LE PETIT ALLAN.

Il y a un petit ga-arçon derrière la porte.

ANNE,
dans la chambre.

Il vous a entendu !

LE ROI.

Oui ! oui ! Je crois que oui !

ANNE.

Il entend votre cœur ou vos dents !

LE ROI.

On entend mes dents ?

ANNE.

Je les entends jusqu’ici ! Fermez la bouche !

LE ROI.

Moi ?

ANNE.

Mais ne vous couchez pas contre la porte ! Allez-vous-en !

LE ROI.

Où ? Où ?

ANNE.

Ici ! Ici !

LE PETIT ALLAN,
dans le corridor.

Il y a un petit ga-arçon derrière la porte.

HJALMAR.

Viens ; tu as sommeil.

LA NOURRICE.

Viens ; c’est un méchant petit garçon.

LE PETIT ALLAN.

Je veux voir le petit ga-arçon !…

LA NOURRICE.

Oui, tu le verras demain. Viens, nous allons chercher petite mère. Ne pleure pas, viens !

LE PETIT ALLAN.

Je veux voir le petit ga-arçon ! oh ! oh ! Je dirai à petite mère ! oh ! oh !

LA NOURRICE.

Et moi, je dirai à petite mère que tu as éveillé Maleine. Viens, Maleine est malade.

LE PETIT ALLAN.

Ma-aleine est plus ma-alade.

LA NOURRICE.

Viens ; tu vas éveiller Maleine.

LE PETIT ALLAN,
s’éloignant.

Non, non, j’éveillerai pas Ma-aleine ! j’éveillerai pas Ma-aleine !

ANNE,
dans la chambre.

Ils sont partis ?

LE ROI.

Oui ! oui ! Allons-nous-en. Je vais ouvrir la porte ! la clef ! la clef ! où est la clef !

ANNE.

Ici. — Attendez un peu. — Nous allons la porter sur son lit.

LE ROI.

Qui ?

ANNE.

Elle…

LE ROI.

Je n’y touche plus !

ANNE.

Mais on verra qu’on l’a étranglée ! Aidez-moi !

LE ROI.

Je n’y touche plus ! Venez ! venez ! venez !

ANNE.

Aidez-moi à ôter le lacet !

LE ROI.

Venez ! venez !

ANNE.

Je ne puis pas ôter le lacet ! un couteau ! un couteau !

LE ROI.

Oh ! qu’est-ce qu’elle a autour du cou ? Qu’est-ce qui brille autour de son cou ? Venez avec moi ! venez avec moi !

ANNE.

Mais ce n’est rien ! C’est un collier de rubis ! votre couteau !

LE ROI.

Je n’y touche plus ! je n’y touche plus, vous dis-je ! Mais le bon Dieu serait à genoux devant moi !… je le renverserais ! je le renverserais ! Je n’y touche plus ! Oh ! il y a !… Il y a ici !…

ANNE.

Quoi ? quoi ?

LE ROI.

Il y a ici !… Oh ! oh ! oh !

Il ouvre la porte en tâtonnant et s’enfuit.
ANNE.

Où est-il ? Il s’est enfui… Qu’a-t-il vu ?… Je ne vois rien… Il chancelle le long des murs du corridor… Il tombe au bout du corridor… — Je ne reste pas seule ici.

Elle sort.


— fin du quatrième acte —