La Peinture en Belgique/Simon Marmion

G. van Oest (volume 1 : les créateurs de l’art flamand et les maîtres du XVe siècle ; Écoles de Bruges, Gand, Bruxelles, Tournai.p. 113--).

XIV

Simon Marmion

Simon Marmion naquil à Amiens ou à Valenciennes vers l'année 1425. II était fils de Jean Marmion, peintre à Amiens, lequel eut çncore un autre fils peintre : Guil- laume ou Mille, admis à la franchise des peintres à Tournai en «469. De 1449 à 1454 Simon (à cause de sa jeunesse sans doute son nom apparaît sous la forme du dimi- nutif Simonnet) exécute des besognes de polychromie et de dorure pour Amiens el en 1454, toujours installé à Amiens, il termine un Christ destiné à l'Hôtel de ville. La même année, nous le rencontrons à Lille « parmi les trente - quatre peintres mandés sur l'ordre du duc de Bourgogne, de Bruges, d'Audenarde, d'Ypres, de Tournai et d'Arras, pour la préparation des '< entremets » ou intermèdes à représentations variées du Ban- quet du Vœu du Paisan, décrit dans les Mémoires d'Olivier de la Marche, comme « chose très solennelle et qui vaut le ramentevoir " (>). Simon travaillait à Lille à raison de douze sous par jour. En 1455 il terminait pour l'abbaye de Saint-Omer un retable qui représentait en douze panneaux la légende de saint Bertin. patron de l'abbaye. Ce fut, semble-t-il, l'oeuvre capitale de sa carrière. Il la termina en 1459. En 1460 il est à Valenciennes où il exécute pour la chapelle de la nouvelle gilde des Peintres, à l'église de Notre-Dame-la-Grande, un retable dont un vieux manuscrit dit : < La table d'autel de la chapelle Saint-Luc est de cest excellent ouvrier Marmion, digne de très

(1) C(. L. BK Fouiic\UD. Simon Marmicn J'.lmifns el h vit de Salnl-Strlln, Kevue Je l'jrl ancien el m^tm*. iu>». M déc, 19117. 114 LES PRIMITIFS FLAMANDS

grande admiration, singulier en la draperie, relèvement de plate peinture, que l'on jure- rail que c'est une pierre blanche, qui n'y prendrait garde de bien près et surtout en la table d'autel la chandelle qui semble vrayement ardre (i). » Nous trouvons le maître installé à Valenciennes jusqu'à sa mort.

En avril 1476, on lui paya les enluminures d'un livre d'heures qu'il avait com- mencé pour Philippe le Bon et achevé pour Charles le Téméraire en 1470 (2). En 1468 il figure avec son frère Guillaume dans la liste des maîtres de la Gilde de Tournai. Il ne faudrait pas en conclure, comme le fait fort bien observer Pinchart, que notre artiste alla habiter cette ville même temporairement, mais il avait acquis par celte inscription le droit d'y recevoir des commandes et d'y envoyer ensuite ses travaux (3). On suppose qu'il fournissait des carions aux tapissiers de la ville. Simon Marmion peignit encore une Image de saint Luc pour l'autel de la gilde des peintres de Valenciennes, les por- traits de Charles-le-Téméraire et d'Isabelle de Bourbon en 1473, plusieurs tableaux pour l'abbaye de Sainl-Jean, un retable pour l'autel de Notre-Dame-de-Pitic aux Dominicains, et une Vierge qui, au XVII' siècle, fut léguée à l'hôpital de Louvain. Il ne reste rien de tous ces travaux. Le maître mourut le 24 décembre 1489. Sa fille — et non sa sœur comme on l'a cru jusqu'à présent, — fut une célèbre minia- turiste (la Marmionm de Jean-Lemaire) et sa veuve, qui appartenait à l'une des plus riches familles de Valenciennes : les Quaroube, épousa en secondes noces le peintre Jean Prévost. Simon Marmion fut inhumé dans la chapelle de Notre-Dame-la- Grande et l'on inscrivit sur sa tombe une épitaphe ampoulée d'où nous détachons ces vers :

« Par art fabrile ay atteinct le possible

Autant ou plus que nulz des plus expers,

Tant vivement que nul bruict je n'y pers... >■ (4)

Doreur et polychromeur, peintre de retables, de cartons de tapisseries, minia- turiste de premier ordre, au point que Jean Lemaire le qualifie de " prince d'enlu- minure », Simon Marmion n'est pour ainsi dire plus qu'un nom. « Nulle pari il

^1) Cite par WuuBACH.

(1) On croît reconnaître ce livre d'heures dans un bréviaire conservé à la bibliothèque de La Haye.

(î) C(. HisAULT, Maurice, les Marmion. (Jeban, Simon, Mille tl CollintÙ. Paris. Ernest Lercun, 19U7.

(4) Voici la traduction. Cf. ni Fourcaud art. cité.

Par mon talent d'artiste j'ai tout exprimé le mieux possible,

Autant cl plus qu'aucun des plus habiles

Avec tant de vie que j'en fais comme percevoir le bruit. LES PRIMITIFS FLAMANDS ttS

n'existe une œuvre authentique du maître amiénois » (i). On croit avoir retrouvé les volets de son retable de Saint-Omer (musée de Berlin et National Gallery). C'est, comme on l'a bien dit, l'œuvre d'un maître d'éducation française, voisin de Thierry Bouts, antérieur en épanouissement à Memlinc (2), lequel pourrait avoir subi l'influence de son style dérivé des miniaturistes et tout imprégné de la tradition des grands enlumineurs du XV' siècle.

La Belgique conserve deux œuvres qui semblent de la main de Simonnet : la Prédication d'un évêque (3) au Musée de Bruxelles (fig. LXXVIII) et son pendant : la Prédication de saint François (fig. LXXIX) de la collection Van de Walle de Bruges. Le petit tableau de Bruxelles n'est qu'un fragment ; c'est une peinture déli- cate et chatoyante dont les qualités de facture sont même supérieures à celles des parties retrouvées du retable de Saint-Omer. Par le caractère et la disposition de leurs nombreuses figures d'ecclésiastiques, les panneaux de Bruxelles et de Bruges s'apparentent aux différentes scènes monacales de la "Vie de saint Bertin.

(1) Cf. MAUtlCB HÉNAULT, op. cil.

(1) Cf. DE FouBCAUD. M. Hénaull, dam >a remarquable monographie iet Mirmion, conlotc que le retable de St-Bcnia

suit une œuvre de Simon.

(3) Cf. cat. A.-J. Wautbrj, n" S46.