La Peinture en Belgique/Le Maître de la Légende de sainte Ursule

G. van Oest (volume 1 : les créateurs de l’art flamand et les maîtres du XVe siècle ; Écoles de Bruges, Gand, Bruxelles, Tournai.p. 141-142).

XVI

Le Maître de la Légende de sainte Ursule.

Dans la chapelle du couvent des Sœurs-Noires de Bruges on voit deux œuvres d'un contemporain de Memlinc encore fort attaché au vieux style des miniaturistes brugeois. C'est d'abord un double fragment de triptyque montrant la Synagogue et l'Église ; la première, les yeux bandés, laisse choir les tables de la Loi ; l'Église, vêtue avec richesse et tenant de la main droite un calice, s'avance majestueusement vers le Christ (i). Ces deux petits volets accusent les débuts du dernier quart du XV' siècle. L'autre œuvre semble un peu postérieure ; c'est un retable — ou du moins deux volets de retable — où sont représentés huit épisodes de la légende de sainte Ursule (Fig. CIX). En voici l'énumération d'après James Weale : i. Agrippinus, roi des Pietés, entouré de sa Cour, remet une lettre à un héraut d'armes qui porte le mes- sage à Théonote, roi des Cumériens, père de sainte Ursule, dont Agrippinus demande la main pour son fils Conan ; 2. Florentina, fille d'Agrippinus et sœur de Conan, s'embarque en présence de son père et de sa mère pour le pays des Cumériens, accompagnée de seize cents vierges ; 3. Arrivée de sainte Ursule à Tiel, sur les rives du Waal, où elle est reçue par Sigiilindis ; 4. Arrivée de sainte Ursule à Cologne. Un ange, cette fois, la reçoit. Évocation imaginaire de la grande ville

(1) Cf. WiALB, Jamu. Brugtt tl ut environs, 1884. 14Z LES PRIMITIFS FLAMANDS

rhénane; 5. Départ de Bâle. Dans le fond le pape vient à la rencontre de la Vierge; 6. Sainte Ursule, accompagnée du pape, quitte Rome à la tête de ses onze mille compagnes. Au fond Bâle et le Rhin; 7. Arrivée à Cologne et martyre; 8. Véné- ration des reliques des onze mille Vierges. Devant un autel, orné d'une image de sainte Ursule, sont agenouillés des pèlerins de diverses classes de la société. Au second plan, à droite, une femme vêtue de noir avec un béguin blanc pourrait être le portrait de la donatrice. Au revers sont des grisailles représentant des Évangélistes et des Docteurs sous forme de statues.

La Châsse de Memlinc est un peu postérieure à la Légende du couvent des Sœurs-Noires. Celle-ci est donc importante pour l'histoire de la peinture à Bruges. Rappelant encore certaines miniatures exécutées pour Philippe-lc-Bon et Charles-le- Téméraire, elle fait songer aussi, quoique le coloris soit moins brillant, aux œuvres du Maître de la Légende de sainte Lucie. Par son style, le retable des Sœurs-Noires se place entre les années 1470 et 1490. M. Friedlânder (i) '^ croit d'un artiste un peu plus jeune que Memlinc et il restitue entre autres à cet anonyme une Madone du Musée Suermondt, d'Aix-la-Chapelle, très voisine des Vierges de Thierry Bouts. M. le professeur Jacques Flach, du Collège de France, possède un diptyque dont l'un des volets représente la Présenlalion au Temple et l'autre Jésus enseignant. L'œuvre est contemporaine et assez voisine du retable des Sœurs-Noires. Au cours d'une restauration on a vu apparaître au revers, en creux, une grande signature qui main- tenant s'aperçoit de face, légèrement en relief sur la robe rouge de l'un des docteurs juifs. On lit visiblement : Pimpel- Jusqu'à ce jour ce nom était totalement inconnu des historiens de l'art.

(1) Meisterwerke der JSiedertândiscben Jtalerei des XV. und XVI. Jabrbunderls au( der Autalellung zu Brûgge J902. Munich, Bruckman, 1903,