La Papauté moderne condamnée par le pape saint Grégoire le Grand/Introduction


La Papauté moderne condamnée par le pape saint Grégoire le Grand : extraits des ouvrages de saint Grégoire le Grand
Dentu (p. 5-8).

Si l’on jette un coup d’œil franc et impartial sur la société catholique, on ne peut s’empêcher d’avouer que le niveau intellectuel ne peut guère y tomber plus bas. On comprend que nous ne voulons pas parler de l’intelligence en général, mais de l’intelligence de la vérité religieuse. Tant d’écrivains, pour des motifs plus ou moins honorables, se sont appliqués à fausser les croyances catholiques, à répandre leurs systèmes, à remplacer la pure et simple vérité chrétienne par leurs théories de circonstance, que l’on rencontre à peine parmi ceux qui s’honorent du titre de catholique, quelques personnes qui aient une notion exacte des principes de leur foi. L’immense majorité n’a qu’une foi de convention, où le divin et l’humain, les dogmes et les opinions, forment un mélange confus, un chaos sur lequel planent les plus épaisses ténèbres. Si encore les néo-catholiques avaient la conscience de leur ignorance ! mais non ; ils se croient forts, solides dans la connaissance des vérités de la religion, et sont tous disposés à vous lancer des anathèmes si vous hésitez tant soit peu à partager leurs théories. Cette intolérance, jointe à l’ignorance et à l’entêtement, forme le caractère distinctif du néo-catholique ; formé à l’école ultramontaine, il ne souffre aucune objection. Si vous élevez quelque difficulté touchant ses systèmes, il vous regarde comme un hérétique ; si vous osez faire observer que l’on n’enseignait pas autrefois comme aujourd’hui ; que l’on doit, dans l’Église, s’en tenir à ce qui fut toujours cru depuis les apôtres, il vous signale comme un novateur dangereux ; si vous demandez la raison, la preuve de ces nouveaux dogmes que nous voyons éclore chaque jour sous l’action de la cour de Rome, on fait de vous un libre penseur, assez osé pour ne pas s’en rapporter à la parole du pape. Que cette parole existe ou non, qu’elle soit claire ou obscure, le néo-catholique s’en autorise toujours. Le pape est infaillible ; je suis avec le pape, donc je suis infaillible moi-même. C’est à peu près à ce syllogisme que se réduit toute la logique du néo-catholique. Et malheur à vous si vous n’êtes pas subjugué par un argument aussi concluant ; vous n’êtes alors qu’un révolté ; vous n’êtes plus catholique, et si l’inquisition ressuscitait, on vous livrerait à ses saintes rigueurs pour le salut de votre âme.

Comment faire pénétrer la vérité catholique jusqu’en ces esprits cuirassés d’ultramontanisme, qui se refusent obstinément et par système à tout éclaircissement ?

Nous ne savons.

Cependant il nous a semblé que s’il existait quelque moyen de les éclairer, ce serait l’enseignement d’un pape reconnu pour un des plus grands et des plus saints qui se soient assis sur le siége de Rome. Nous avons donc recueilli, dans les œuvres de saint Grégoire le Grand, ce qu’il a écrit sur la papauté, sur ses droits et ses prérogatives dans l’Église. Ce grand pape, qui ne mourut qu’au commencement du viie siècle, résume parfaitement la tradition catholique de l’Église primitive. Sa parole, à ce titre, doit jouir d’une haute autorité ; la science, la sainteté du saint docteur, la position élevée qu’il occupa, l’influence qu’il exerça dans la société chrétienne, tout concourt à donner à sa parole un caractère exceptionnel d’exactitude et de vérité.

Les néo-catholiques ne peuvent la récuser.

Saint Grégoire le Grand fut pape ; si les papes jouissent, par droit divin, d’une autorité absolue dans l’Église, il en a joui ; si les papes sont infaillibles, il l’a été ; si c’est un devoir rigoureux d’accepter l’enseignement papal, nous devons accepter son enseignement. Il posséda tous les droits dont les papes modernes peuvent jouir légitimement, en vertu de leur titre, puisqu’il fut pape comme eux : et il a, de plus qu’eux, une auréole de science et de sainteté que nos papes ultramontains n’ont pas encore méritée.

Que les néo-catholiques veuillent bien nous dire s’ils rejettent ou s’ils admettent la doctrine du pape saint Grégoire le Grand sur la papauté. S’ils prétendent que nous l’avons mal exposée, qu’ils le prouvent ; s’ils l’admettent telle que nous l’avons exposée, qu’ils reconnaissent que nos croyances n’ont rien que de très orthodoxe, puisqu’elles sont conformes à cette doctrine ; s’ils la rejettent, qu’ils daignent nous dire pourquoi le pape saint Grégoire le Grand ne mérite pas autant de créance que les papes ultramontains.

La thèse est assez importante pour que les partisans de l’ultramontanisme nous disent ce qu’ils en pensent.