Michel Lévy Frères (p. 419-426).

NOTES


« Le gros animal, la Terre, qui a pour cœur un aimant, a à sa surface un être douteux, électrique et phosphorescent, plus sensible que lui-même, infiniment plus fécond.

« Cet être, qu’on nomme la Mer, est-ce un parasite du grand animal ? Non. Elle n’a pas une personnalité distincte et hostile. Elle féconde, vivifie la Terre de ses vapeurs. Elle semble être la Terre même en ce qu’elle a de plus productif, autrement dit son organe principal de fécondité. »

Voilà des rêves allemands. Est-ce à dire que tout y soit rêve ? Plus d’un grand esprit, sans aller jusque-là, semble admettre pour la Terre, pour la Mer, une sorte de personnalité obscure. Ritter et Lyell ont dit : « La Terre se travaille elle-même. Serait-elle impuissante pour s’organiser ? Comment supposer que la force créatrice qu’on trouve en tout être du globe soit refusée au globe même ? »

Mais comment le globe agit-il ? comment aujourd’hui s’accroît-il ? Par la Mer et la vie marine.

La solution de ces hautes questions supposerait une étude profonde de sa physiologie, que l’on n’a pas faite encore. Cependant, depuis vingt ans, tout gravite de ce côté :

1o On a étudié le côté irrégulier, extérieur, des mouvements de la mer, cherché la loi des tempêtes ;

2o On a approfondi les mouvements propres à la Mer, ses courants, le jeu de ses artères et de ses veines dont les premières lancent l’eau salée de l’équateur aux pôles, les secondes la ramènent dessalée du pôle à l’équateur ;

3o La troisième question, la plus intérieure, dont la nouvelle chimie donnera l’éclaircissement, c’est celle de la nature propre du mucus marin, de ce gluant gélatineux qu’offre partout l’eau de mer, et qui paraît être un liquide vivant.

C’est tout récemment que la sonde de Brooke, et spécialement les sondages du cable transatlantique, ont commencé à révéler le fond de la mer.

Est-elle peuplée dans ses profondeurs ? On le niait ; Forbes, James Ross, y ont trouvé partout la vie.

Avant ces belles découvertes qui n’ont pas vingt années de date, on ne pouvait entreprendre le livre de la Mer. Celui de M. Hartwig en fut le premier essai.

Pour moi, j’étais encore loin de cette idée, lorsqu’en 1845, préparant mon livre le Peuple, je commençai en Normandie l’étude de la population des côtes. Dans les quinze dernières années, ce sujet vaste et difficile a été grandissant pour moi et m’a suivi de plage en plage.


Le Ier livre, un Regard sur les Mers, n’est, comme ce titre l’indique, qu’une promenade préalable. Toutes les matières importantes reviendront dans les livres suivants.

J’en excepte deux, les Marées et les Phares. Ici, mon guide principal a été M. Chazallon ; son important Annuaire, qui compte aujourd’hui vingt volumes. Le premier est de 1839. Si l’on donnait une couronne civique à celui qui sauve une vie humaine, combien n’en eût-il pas reçu ! Jusqu’à lui, les erreurs sur les marées étaient énormes. Par un travail immense, il a rectifié les observations pour près de cinq cents ports, de l’Adour à l’Elbe. — Son Annuaire donne sur les phares les renseignements les plus précis. Rapprochez-en l’exposé clair et agréable que M. de Quatrefages (Souvenirs) a fait du système d’éclairage de Fresnel et Arago. L’admirable invention des phares à éclipses est due à Descroizilles et à Lemoine, tous deux de Dieppe. (V. M. Ferey.)

Pour les noms divers de la Mer (p. 3), voir Ad. Pictet, Origines indo-européennes. — Sur l’eau, Introduction de l’Annuaire des eaux de France (par Deville) ; Aimé, Annales de chimie, II, V, XII, XIII, XV ; Morren, ibidem, I, et Acad. de Bruxelles, XIV, etc. — Sur la salure de la mer, Chapmann, cité par Tricaut, Ann. d’hydrographie, XIII, 1857 ; et Thomassy, Bulletin de la Société géographique, 4 juin 1860.

Page 19. S. Michel en grève. Je n’ai bien compris cette plage et les questions qui s’y rattachent qu’en lisant dans la Revue des Deux Mondes les très beaux articles de M. Baude, si instructifs, pleins de faits, pleins d’idées.

Je parle ailleurs de ses vues excellentes sur la pêche.

En parlant de la Bretagne (ch. iii, p. 25), j’aurais dû remercier le livre de Cambry, qui m’en a donné jadis la première impression. Il faut le dire dans l’édition que Souvestre a enrichie (et doublée, on peut le dire) de ses notes et notices excellentes, qui faisaient dès lors prévoir les Derniers Bretons. Dans plusieurs petits romans, admirables de vérité, Souvestre a donné les meilleurs tableaux que l’on ait de nos côtes de l’Ouest, spécialement pour le Finistère, et aussi pour les parages voisins de la Loire. J’aurais été heureux de citer quelque chose d’un si agréable écrivain (d’un ami si rergrettable). Mais je me suis interdit dans ce petit livre toute citation littéraire.

Le mot remarquable d’Élie de Beaumont (ch. iv, p. 31) se trouve en tête d’un article qui est un grand livre, son article Terrains, dans le Dictionnaire de M. d’Orbigny.

Chap. vii, p. 70. Ce que je dis de Royan et Saint-Georges, on le retrouvera bien mieux dit dans les livres de Pelletan, dans sa Naissance d’une ville, et dans son Pasteur du Désert. Ce pasteur est, comme on sait, le grand-père de Pelletan, le ministre Jarousseau, admirable et héroïque pour sauver ses ennemis.

NOTES DU LIVRE II. Genèse de la Mer. — Chap. i, Fécondité. — Sur le Hareng, voir l’anonyme hollandais, trad. par de Reste, tome I ; Noël de la Morinière, dans ses très bons ouvrages, imprimés et inédits : Valenciennes, Poissons ; etc.

Chap. ii. Mer de lait. — Bory de Saint-Vincent, Dict. classique, articles Mer et Matière ; Zimmermann, le Monde avant l’homme. Ce beau livre populaire est dans les mains de tout le monde. — À la p. 121, je suis l’ouvrage de M. Bronn, que l’Académie des sciences a couronné. — Sur l’innocuité des plantes de la mer, voir la Botanique de Pouchet, livre de premier ordre. Pour les plantes qui se font animaux, Vaucher, Conferves, 1803 ; Decaisne et Thuret, Annales des sc. nat., 1845, tomes III, XIV, XVI, et Comptes de l’Acad., 1853, tome XXXVI ; articles de Montagne, Dict. d’Orb. — Sur les volcans, voir Humboldt, Cosmos, IVe partie, et Ritter, trad. par Élisée Reclus, Revue germ., 30 novembre 1859.

Chap. iii. L’Atome. J’ai cité dans le texte les maîtres, Ehrenberg, Dujardin, Pouchet (Hétérogénie). La génération spontanée vaincra à la longue.

Chap. iv, v, vi, etc. Pour monter dans tout ce livre à la vie supérieure, j’ai pris pour fil conducteur l’hypothèse de la métamorphose, sans vouloir sérieusement construire une chaîne des êtres. L’idée de métamorphose ascendante est naturelle à l’esprit, et nous est en quelque sorte imposée fatalement. Cuvier lui-même avoue (fin de l’Introduction aux Poissons) que, si cette théorie n’a pas de valeur historique, « elle en a une logique. » — Sur l’éponge, voir Paul Gervais, Dict. d’Orb., V, 325 ; Grant, dans Chenu, 307, etc. — Sur les polypes, coraux, madrépores (ch. iv et v), outre Forster, Péron, Darwin, consulter aussi Quoy et Gaimard ; Lamouroux, Polypes flexibles ; Milne Edwards, Polypes et ascidies de la Manche, etc. Voir aussi sur le calcaire les deux géologies de Lyell.

Chap. vi. Méduses, physalies, etc. Voir Ehrenberg, Lesson, Dujardin, etc. Forbes montre par les analogies végétales que ces métamorphoses animales sont un phénomène très simple : Ann. of the Natural History, déc. 1844. Lire aussi ses excellentes dissertations : Medusæ, in-4o, 1848.

Chap. vii. L’Oursin. Voir spécialement les curieuses dissertations où M. Caillaud a consigné sa découverte.

Chap. viii. Coquilles, nacre, perle (Mollusques). — L’ouvrage capital est la Malacologie de Blainville. Sur la perle, Mœbius de Hambourg, Revue germ., 31 juillet 1858. J’ai consulté très utilement sur ce sujet notre célèbre joaillier, M. Froment Meurice. — Si j’ai parlé de la perle comme parure essentielle de la femme, c’est qu’on a découvert l’art de faire des perles naturelles. Toute femme, je n’en doute pas, pourra bientôt en porter.

Chap. ix. Le Poulpe. — Cuvier, Blainville, Dujardin, Ann. des sciences nat., 1re  série, tome V, p. 214, et IIe série, tomes III, XVI et XVIII ; Robin et Second, Locomotion des Céphalopodes, Revue de zoologie, 1849, p. 333.

Chap. x. Crustacés. — Outre l’ouvrage capital et classique de M. Milne Edwards, j’ai consulté d’Orbigny et divers voyageurs. Voir le bel Atlas de Dumont d’Urville.

Chap. xi. Poisson. — L’Introduction de Cuvier, Valenciennes, article Poisson (Dict. d’Orbigny) ; c’est tout un livre, savant et excellent. Sur l’anatomie, voir la célèbre dissertation de Geoffroy. Ce que j’ai dit sur les nids de poisson, je le dois à MM. Coste et Gerbe.

Chap. xii et xiii. Baleines, amphibies, sirènes. — Lacépède est ici éloquent et instructif. Rien de meilleur que les articles de Boitard (Dict. d’Orbigny).


NOTES DU LIVRE III. Conquêtes de la mer. — Tout ce livre est naturellement sorti de la lecture des voyageurs, depuis la primitive histoire de Dieppe (Vitet, Estancelin), jusqu’aux découvertes récentes. Voir surtout Kerguelen, John Ross, Parry, Weddell, Dumont d’Urville, James Ross, et Kane ; Biot, Journal des Savants, et l’abrégé judicieux, lumineux, que M. Laugel a donné de ces voyages (Revue des Deux Mondes). Sur la pêche, outre le grand ouvrage de Duhamel, voir Tiphaigne, Histoire économique des mers occidentales de France, 1760.

Chap. iii. Loi des tempêtes ; ajoutez aux livres cités dans le texte l’excellent résumé de M. F. Julien (Courants, etc.) et le curieux système de M. Adhémar, sur un déplacement de la mer qui se ferait tous les dix mille ans.

NOTES DU LIVRE IV. Renaissance par la mer. — Dès 1725, Marsigli semble avoir soupçonné l’iode. En 1730, un ouvrage anonyme, Comes domesticus, recommande les bains de mer.

La bibliographie de la mer serait infinie. Toutes les bibliothèques m’ont fourni des secours. Je me plais à citer, entre autres bons livres, les Manuels et Guides de MM. Guadet, Roccas, Cochet, Ernst, etc. J’en ai trouvé de très rares (comme Russell) à l’École de médecine, beaucoup de spéciaux, d’étrangers au Dépôt de la marine (par exemple, la Méditerranée de Smith, 1854) ; je ne puis assez reconnaître l’obligeance de M. le directeur, celle de M. le bibliothécaire, qui m’a souvent indiqué des livres peu connus.

Sur la dégénérescence des races, voir Morel (1857) ; Magnus Huss, Alcoholismus (1852), etc.

Je dois la connaissance de la brochure du docteur Barellay (Ospizi Marini) à mon illustre ami Montanelli, et aux charmants articles de M. dall’Ongaro.

Mon savant ami, le docteur Lortet, de Lyon, en recevant la première édition de cet ouvrage, m’écrit : « Pour les enfants étiolés, j’ai obtenu de bons résultats d’une exposition prolongée à la lumière (une lumière vive, excitante). Il faudrait une plage méditerranéenne, que l’enfant y vécût nu, n’ayant que la tête couverte et le caleçon, qu’il se roulât dans la mer, dans le sable chaud. À proximité, un hangar, une sorte de serre, qui, fermée de fenêtres pour les jours froids, n’en recevrait pas moins le soleil. »


P.-S. J’apprends avec bonheur que l’administration parisienne de l’Assistance publique crée en ce moment un établissement de ce genre. Qu’il me soit permis d’exprimer mes vœux :

Le premier, c’est qu’on ne centralise pas les enfants dans un même lieu ; qu’on ne fasse pas un Versailles, une fondation fastueuse, mais plusieurs petits établissements dans des stations différentes, où les jeunes malades soient répartis selon la différence des maladies et des tempéraments.

Mon second vœu, c’est que cette création, pour être durable, profite à l’État, loin de lui être onéreuse ; que les enfants trouvés que l’on y placerait, les convalescents valides, les malades rétablis, soient employés, selon les lieux, aux travaux les moins fatigants des ports et de la navigation, aux métiers qui s’y rattachent, qu’ils y prennent l’habitude et le goût de la vie marine. Lorsque des populations malheureusement trop nombreuses de pêcheurs et de matelots tournent le dos à la mer et se font industrielles, il faut suppléer à cette désertion. Il faut faire des hommes tout neufs, qui n’aient pas entendu débattre dans la cabane paternelle les profits de la vie prudente, abritée, de l’intérieur.

Il faut que l’adoption de la France crée un peuple de marins qui, voué d’avance à son métier héroïque, le préfère à tout ; qui, dès les premières années, bercé par la Mer, n’aime que cette grande nourrice et ne la distingue pas de la Patrie elle-même.


fin