La Logique déductive dans sa dernière phase de développement/3/01


LOGIQUE DÉDUCTIVE

Réflexibilité, symétrie et transitivité

78. Incidemment, j’ai déjà employé le mot « relation » ; maintenant je vais le préciser.

Nous appellerons « signe de relation », ou simplement « relation », toute écriture telle qu’on puisse déterminer une interprétation (au moins) de deux variables x et y de manière qu’en plaçant cette écriture entre x et y, il en résulte une vraie ; et nous dirons que ces interprétations sont des valeurs possibles de x et de y par rapport à la relation donnée.

Voici des ex. de relations tirés du langage courant : « aime » (Paul aimait Virginie), « hait » (Caïn haïssait Abel), « est un fils de », « est le fils de », « voyage avec », « arrive de », etc.

Voici des ex. tirés de l’Arithmétique « est plus grand que », « est divisible par », « est premier avec », etc.

Et voici des ex. tirés de la Géométrie : « est perpendiculaire à », « est parallèle à », « est une projection ou une section ou une translation ou une rotation ou un déplacement de », etc.

79. En 1901, M. Russell publia dans la revue de M. Peano son remarquable mémoire Sur la théorie des relations, qui ôtait toute valeur à certaines critiques à la Logique faites par M. Poincaré[1], mais justifiait l’objection défensive de cet illustre mathématicien que voici : puisqu’on avait introduit de nouveaux symboles logiques, qui n’étaient pas de simples combinaisons des anciens, on ne pouvait s’étonner que certaines vérités qu’il avait déclarées irréductibles à la logique, au sens ancien du mot, se trouvassent être devenues réductibles à la logique, au sens nouveau, qui était tout différent[2].

Cette objection de M. Poincaré me donna l’envie d’analyser la théorie de Russell ; heureusement, dans mon mémoire « Che cos'è una relazione ? » (« Qu’est-ce qu’une relation ? » publié en 1906 par l’Académie des Sciences de Turin) j’ai pu démontrer que les nouveaux symboles et les nouveaux principes de Russell n’étaient aucunement nécessaires, étant tous réductibles aux symboles et aux principes du Formulaire de 1899 dont M. Poincaré avait pris connaissance et d’où, par conséquent, il aurait pu les tirer, ainsi que je venais de le faire.

Il y a donc déjà une théorie des relations ; mais, au lieu de la développer, je me contenterai de considérer les propriétés les plus importantes des relations logiques que nous connaissons déjà, savoir des égalités [23], des appartenances [24], des inclusions [31, 32], des implications [54, 55] et leurs négations [69, 70], c’est-à-dire des symboles «  » (le troisième dans ses deux rôles et le dernier seulement pour ce qui a rapport aux trois autres).

80. D’après Vailati on dit qu’une relation est réflexible si elle subsiste entre x et x, pour toute valeur possible de x [78].

L’égalité est réflexible ; en effet, quel que soit x :

41. 

L’appartenance n’est pas réflexible, parce que le signe «  » est toujours placé entre un individu et une [24].

Nous avons déjà remarqué que l’inclusion est réflexible [31], c’est-à-dire que

42. (leibniz)

d’où [66  6 et 12]

43. 

et par suite l’implication est aussi réflexible (par rapport à une condition quelconque [60])[3].

81. On dit qu’une relation est symétrique si, lorsqu’elle subsiste entre x et y, elle subsiste aussi entre y et x.

L’égalité et sa négation sont symétriques, c’est-à-dire :

00044. 00045.

L’appartenance n’est pas symétrique.

L’inclusion et l’implication ne sont pas symétriques (sauf lorsqu’il s’agit d’une même ou d’une même condition [80]). En effet, par ex.,


                              reptile vertébré

c’est-à-dire « tout reptile est un vertébré », mais


                               (vertébré reptile)

c’est-à-dire [75 et 72  29] « il y a des vertébrés (par ex. des poissons) qui ne sont pas des reptiles » ; et par suite [71]


                              vertébré reptile

De même, par ex. [64   2],
                              
mais
                              

Donc aussi la négation de l’inclusion ou de l’implication n’est pas symétrique.

82. On dit enfin qu’une relation est transitive si, lorsqu’elle subsiste entre x et y et entre y et z, elle subsiste aussi entre x et z.

L’égalité est transitive, c’est-à-dire [64  2] :

46. 

L’appartenance n’est pas transitive, ainsi que nous l’avons déjà vu [33].

L’inclusion et l’implication sont transitives, ainsi que l’avait énoncé Aristote et l’a répété Leibniz, c’est-à-dire que :

47. 
dans sa double lecture : « si tout a est un b et si tout b est un c, alors tout a est un c », « si a implique b et si b implique c, alors a implique c ».

On remarquera que le «  » principal de la  47 n’a pas changé de lecture ; en effet, chacune des formules «  », «  », «  », soit qu’on l’envisage comme inclusion ou comme implication, est toujours une condition ; par suite, ce qui précède le «  » principal est l’affirmation simultanée de deux conditions [63, 64], c’est-à-dire une condition, et de même ce qui le suit ; c’est pourquoi le «  » principal de la  47 est forcément un signe d’implication [54, 55][4].

83. En résumant : l’égalité est réflexible, symétrique et transitive ; l’appartenance n’a aucune de ces propriétés ;
l’inclusion et l’implication sont seulement réflexibles et transitives.

La comparaison de ces propriétés confirme encore une fois la nécessité de la distinction entre les symboles «  » [33, 34, 71].

  1. Sur la nature du raisonnement mathématique. La science et l’hypothèse.
  2. Les mathématiques et la logique, Revue de Métaphysique et de Morale, nov. 1905.
  3. De ce qui précède il résulte que la négation de l’égalité ou de l’inclusion ou de l’implication n’est jamais réflexible. Il y aurait des raisons pour dire que la négation de l’appartenance est réflexible, c’est-à-dire que «  » ; cependant, avant d’affirmer cela, quel que soit x, il faudrait prendre des précautions et engager une discussion très subtile mais dépourvue d’importance pratique.
  4. De l’affirmation simultanée «  » on ne peut tirer aucune relation entre x et y. De même pour l’affirmation simultanée «  » dans sa double lecture.