Petites Études : La Lanterne magique
G. Charpentier, éditeur (p. 96-97).
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Sixième douzaine


SIXIÈME DOUZAINE



LXI. — LA DÉESSE

Dans une longue clairière, sous les rayons de la lune, la grande Artémis, rassasiée de carnage, est assise avec ses chasseresses guerrières. Elle voit en face d’elle un monticule, qui s’avance comme une presqu’île dans la mer, et où deux ruisseaux argentés ressemblent à des yeux qui la regardent effrontément. Aussitôt la Déesse fronce le sourcil, et sur la colline croît et jaillit un énorme feuillage noir, qui cache ces vagues prunelles indiscrètes. Alors heureuse, contente d’elle-même, fière de sa victoire et orgueilleuse de sa virginité horrible, — sur les biches mortes couchées à côté d’elle dans l’herbe, elle passe ses belles mains que les blessures de ses proies laissent ensanglantées, tandis que ses chiens lèchent avec volupté les flaques de sang.

Mais alors retentit un furieux bruit de cors, et frémissant de terreur, Artémis se sent déchirée jusque dans ses entrailles, en voyant passer dans les arbres une masse noire qu’emporte une course échevelée, et en entendant hurler dans la nuit les meutes de l’épouvantable chasseur Amour !