Petites Études : La Lanterne magique
G. Charpentier, éditeur (p. 168-169).
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Dixième douzaine

CX. — ACADÉMIQUES

« Ah ! dit à l’évêque de Golconde madame Jeanne Thory, si charmante encore malgré les fils blancs qui se glissent dans ses cheveux châtains, vous arrivez à propos, monseigneur, pour savoir notre pensée, car bien décidément nous donnons notre voix à Emmanuel de Just. Au bout du compte, c’est un jeune homme aimable, qui sait son monde sur le bout du doigt, et qui nous a vraiment amusés cet été, à Saint-Enogat, avec les anecdotes qu’il raconte si bien. Le sort en est jeté : nous votons pour lui.

— N’en faites rien, madame, dit monseigneur Eucher. Je vois qu’en effet j’arrive à propos, mais pour vous éviter une faute grave. Monsieur de Just a commis un acte mauvais, dont les conséquences rejailliront sur toute sa vie ; car on ne quitte pas une femme, et il a notoirement quitté madame la duchesse de Pouyet-Maillefer pour cette petite évaporée : madame de Sines. Monsieur le duc de Pouyet-Maillefer ne pardonnera jamais cet éclat, et il aura raison. Mettez-vous de son parti ; vous gagnerez ainsi toutes ses voix, lorsqu’il s’agira de faire nommer monsieur de Glise, ce à quoi il faudra bien vous résigner un jour ou l’autre ; mais, croyez-moi, pas tout de suite ! Certes, continue l’évêque de Golconde en baissant la voix, vous êtes, madame, de celles dont la beauté justifie une amitié durable ; mais la jeunesse est cruellement ingrate. Vous serez prudente en ne hâtant pas la candidature de monsieur de Glise, et en ne lui permettant pas de se donner des armes, notamment un talent qui le rendrait sûr de lui-même. Aussi devez-vous le laisser à la Revue le plus longtemps possible ! Car là, du moins, vous êtes certaine qu’il n’apprendra pas à écrire…