La Légende des sexes, poëmes hystériques/Mélancolie blennorhagique

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MÉLANCOLIE BLENNORHAGIQUE



P etit anneau de chair ; petite fente laide ;
Petit sphincter païen ;
Petit coin toujours moite empoisonné d’air tiède ;
Petit trou ; petit rien !

Es-tu laid quand tu ris de ta lèvre lippue,
Es-tu laid quand tu dors !
Laid, toi que Dieu cacha dans cet angle qui pue,
Près des égoûts du corps !

Ah, tu peux pourlécher ta babine rosée,
Vilain monstre d’orgueil !
Tu peux, ouvrant ta gueule à crinière frisée,
Bâiller comme un cercueil !


Ventouse venimeuse, insatiable gouffre
Si funeste et si cher :
Je veux te mépriser, toi par qui pleure et souffre
Le meilleur de ma chair.

Je veux te détester à toujours, chose infâme,
Toi qui rends mal pour bien :
Petit néant creusé dans le bas de la femme,
Petit trou, petit rien !



Et dire que c’est là que Satan met son trône
Et l’homme son honneur !
Là que la poésie a placé ta couronne,
Eros, Dieu du bonheur !

Et dire que c’est là que l’idéal du rêve
Vient toujours aboutir :
Là que meurt, — agonie ineffable et trop brève, —
L’amour vierge et martyr !


Que c’est, quand nous naissons, par cette plaie immonde
Que le jour nous sourit ;
Et par elle, quand Dieu voulut sauver le monde,
Qu’entra le Saint-Esprit !

Dire que c’est par là que Junon perdit Troie,
Qui Ninive croula ;
Dire que tout, espoir, force, courage et joie
Nous vient de ce trou-là !

Et qu’il est le chemin du Ciel, la grande porte
Qu’Ève ouvrit d’un recul :
Et dire qu’une femme, et vieille et laide, porte
L’Infini sous son cul !