La Fleur d’Or/En passant à Kemper

La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 179-180).


En passant à Kemper


À mon ami J. Béliard


 
Le double flot coulait sonore et clair
Au confluent de l’Odet et du Ster ;
 
Comme un géant hurlant dans les vallées
La cathédrale envoyait ses volées,

Et Corentin et le roi Grâlon-Maur
Sur les deux tours semblaient régner encor ;
 
Tous les Esprits et les Saints d’Armorique
M’apparaissaient dans la cité celtique…
 
Jean La Fontaine ! alors je t’arrachai
Un noir feuillet de malice entaché[1] :
 
« Aux flots bretons va, feuille champenoise,
Dis-je en riant, tombe, ô feuille sournoise !


« Tout voyageur sur tes bords arrêté
Doit ce tribut, Kemper, à ta beauté :

« C’est une fable et qu’après un long somme
Pourra rimer, là-bas, notre bonhomme.

« Il sied vraiment de se moquer d’autrui
Aux malheureux nés dans Château-Thierry ! »

Et cependant sous nos vieilles murailles
Gaîment passaient les filles de Cornouailles,

Et laboureurs avec leurs longs cheveux,
Portant la braie ainsi que leurs aïeux ;

Tout verdissait sur la haute montagne ;
Tout se mêlait, la ville et la campagne :

Le double flot coulait sonore et clair
Au confluent de l’Odet et du Ster.



  1. Fable du Charretier embourbè.