La Fleur d’Or/Aspirations

La Fleur d’OrAlphonse Lemerre, éditeurvol. 3 (p. 99-100).


Aspirations


Que de fois mon esprit a crié : Liberté !
Quand mon coeur murmurait tout bas : Autorité !

Admirons la pensée aussi libre que l’aigle,
La suprême raison qui trouve en soi sa règle,
Le peuple déjà mûr à proclamer ses droits
Et qui dans son forum semble un conseil de rois ;
Mais aimons le ramier fidèle à sa colline,
La pensée humble et douce et la foi qui s’incline ;
Aimons l’homme ingénu que son cœur seul défend
Et le peuple soumis à Dieu comme un enfant.
Vous fûtes mon soutien à travers cette vie,
Sœur de la Piété, noble Philosophie !
Ma force vient de vous. Fatigué, sans chemin.
Vous m’avez prudemment ramené par la main,
Et dans un ciel d’été comme on voit les étoiles,
Votre doigt m’a montré le Beau pur et sans voiles ;
Et pourtant bien des fois lisant dans vos jardins,
Sous vos portiques frais entourés de gradins,
Je songe encore au temple, à ses riants symboles :
Mon cœur faible a besoin du lait des paraboles.

 
Hélas ! il fut un temps où la terre et le ciel
Cliantaient et célébraient un hymne universel.
Sur le sommet des monts, sur les eaux, dans la plaine,
Quand tout vague soupir, toute voix, toute haleine
Étaient les mille accords de ce clavier divin
Que les anges de Dieu faisaient vibrer sans fin :
Instrument plein d’amour, concert sublime et tendre,
Que l’oreille de l’homme alors pouvait entendre ;
Car lui-même parlant un langage inspiré
De la création menait le chœur sacré !