La Flûte à Siebel (Waller)/Au café


AU CAFÉ


À celle du 30 octobre


— Depuis un mois, mon en allée,
Je t’attends en vain chaque soir
Dans ce Café je vais m’asseoir,
Où tu venais, emmitouflée.

Je t’attends et tu ne viens pas ;
Si tu savais combien j’en pleure !
J’y retournerai tout à l’heure
Et je te parlerai tout bas.


De l’autre côté de la table,
Je croirai que je te revois ;
Tu me répondras, et ta voix
Sera d’un éteint adorable.

Et nous boirons des grogs très chauds,
Au gin, ainsi que tu les aimes,
Et dans l’éclair bleu des réchauds
Nous verrons nos deux faces blêmes,

Nos visages tout déformés
Comme dans les miroirs de foire ;
Mais sur ces reflets bien aimés
Nous tendrons de la gaze noire ;

Les réchauds seront recouverts
De crêpe, ainsi que des cadavres,
Et toi, chère, qui tant me navres,
Tu n’en sauras rien — que mes vers,


Mes vers qui font semblant de rire
Et sanglotent très doucement.
Ma voix éclate… ma voix ment !
Je suis triste, jusqu’à le dire !

Pourquoi n’es-tu plus là ? Je suis
Seul, tout seul, ma petite amie !
Tu te tais, ô mon endormie,
Que ferai-je des jours, des nuits ?

Je rêverai que je t’enlace
Très fort, très fort, comme au beau temps ;
Et nous resterons bien longtemps
Jusqu’à l’heure tardive où, lasse,

Gentiment tu t’endormiras…
Le vent sifflera par la porte,
Et je n’étreindrai qu’une morte
Raidie et froide entre mes bras !