Eugène Fasquelle (p. 179-182).

En marge

Profil

Si tranquille et muet, si sage sous ta lampe
Dont l’abat-jour répand un jour vert et subtil,
        Je te vois lire de profil
Avec tes beaux cheveux descendus sur ta tempe,
Lisses et noirs ainsi qu’une plume d’oiseau.

Ainsi, calme lecteur sculpté comme au ciseau,
Qui croirait que ta force intérieure est prête,
Soit grand éclat de rire ou discours emporté,
À bondir pour un mot, pour un signe de tête,
Dont, tout entier, ton être en feu va s’exalter ?


Ton visage, troublé de joie ou de colère,
        Va donc se dresser fulgurant
Selon l’instant qui va te plaire ou te déplaire,
Mais qui ne peut sur toi passer indifférent.

Car ta vie est un étalon tout blanc d’écume
Qui ne s’attelle point au morne jour le jour,
Mais hennissant, ruant et cabrant tour à tour,
Piétine et danse en liberté sur la coutume…

Ah ! scandale à jamais des hongres de partout,
Mon homme ! qu’il fait bon et dur contre ton âme !
Que j’aime ton esprit qui galope à grands coups
À travers le silence immense où je me pâme,

Toi que je vois ainsi sculpté comme au ciseau
        Lire de profil sous ta lampe,
Avec tes beaux cheveux descendus sur ta tempe,
Lisses et noirs ainsi qu’une plume d’oiseau…