La Doctrine évolutive et l’Histoire de la littérature

La Doctrine évolutive et l’Histoire de la littérature
Revue des Deux Mondes4e période, tome 145 (p. 874-896).
LA DOCTRINE ÉVOLUTIVE
ET
L’HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE

Ce que l’on doit assurément le moins craindre, quand on s’est proposé d’agir par la plume ou par la parole, c’est de se « répéter », et d’autant moins, qu’en fait, on ne se « répète » presque jamais. On peut bien dire les mêmes choses, mais on les dit d’une autre manière ; et alors sont-ce bien les mêmes choses ? « C’est la même balle dont on joue, mais on la place mieux. » Et, s’il en était autrement, de quoi donc la vie, dans son cours, et l’expérience, et la lecture, et la réflexion nous serviraient-elles ? Ajoutez-y ce que nos idées, celles que nous croyons le plus nôtres, empruntent nécessairement de signification nouvelle, non seulement aux idées de ceux qui les contredisent, mais encore de ceux qui les approuvent, et qui ne sauraient s’empêcher, en les approuvant, de les modifier pour se les adapter. Les choses évoluent ; nous évoluons avec elles ; nos idées évoluent avec nous ! et je sais bien qu’aujourd’hui tout le monde le sait. Mais, par hasard, si quelqu’un ne le savait pas, et même quand on le saurait, quelle meilleure occasion de le rappeler, plus favorable et plus naturelle, qu’au début de ces quelques pages, où je voudrais montrer ce que la doctrine évolutive a déjà rendu, peut rendre et rendra de services à l’histoire de la littérature et de l’art ?


I

Rassurons avant tout les esprits un peu timides, à qui les exagérations de quelques évolutionnistes, — et aussi, mais en sens inverse, de quelques théologiens, — ont persuadé que la doctrine de l’évolution était incompatible avec l’intégrité de leur foi chrétienne. Ils sont moins nombreux aujourd’hui qu’autrefois, mais il y en a toujours ; j’en connais ; et une preuve certaine qu’il y en a, c’est qu’on a précisément organisé pour eux, et contre nous, l’enseignement des jeunes filles à l’Institut catholique de Paris. « Combien de mères, — pouvait-on lire il n’y a pas dix-huit mois, dans une circulaire que j’ai là sous les yeux, et dont l’auteur était Mgr d’Hulst, — combien de mères conduisent leurs filles à ces cours de la Sorbonne et du Collège de France, où il est rare, sans doute, qu’elles entendent une parole de nature à blesser ou à inquiéter leur foi... mais où les théories naturalistes de révolution imprègnent l’histoire, la philosophie, la littérature et l’art au point de n’y plus laisser de place pour Dieu ni pour son Christ ! Pourquoi vont-elles boire à ces sources malsaines ou douteuses ? » Je n’ai point qualité ni titre pour défendre ici les cours de la Sorbonne ou du Collège de France ; et, d’ailleurs, je trouve tout naturel que, si les guides autorisés des consciences catholiques, ou protestantes, n’approuvent pas l’enseignement qui s’y donne, ils le disent, comme aussi qu’à cet enseignement ils essaient d’en substituer un autre. C’est leur droit, et même leur devoir. Mais d’avancer, après cela, que les « théories naturalistes de l’évolution » ne laissent de place, dans l’histoire de la littérature et de l’art, ni pour Dieu ni pour son Christ, c’est confondre, à mon humble avis, des choses qui veulent être scrupuleusement distinguées, séparées, divisées ; — c’est décider bien imprudemment une question que peut-être n’a-t-on pas examinée d’assez près ; — et enfin, de son autorité personnelle et privée, c’est décréter, entre les choses de la foi et la doctrine évolutive, une incompatibilité qu’on pourrait être, au besoin, assez embarrassé de prouver.

Tel est aussi l’avis d’un savant religieux, le Père Zahm, qui, dans le temps même que Mgr d’Hulst condamnait avec cette assurance la doctrine de l’évolution, composait, lui, tout un livre, un gros livre, et un fort bon livre : Evolution and dogma[1], pour établir démonstrativement qu’à tout le moins la doctrine évolutive ne saurait être rendue responsable des exagérations de ceux qu’on en pourrait appeler les « radicaux ». À ce prêtre hardi, mais non pas téméraire, ni la génération spontanée ne semble incompatible avec aucune des vérités que l’Écriture enseigne, et, comme il écrit en anglais, il s’approprie sur ce sujet les paroles de M. Gladstone : « Supposons pour un moment qu’on ait trouvé, ou qu’on puisse attendre des progrès futurs de la science, la démonstration que les formes rudimentaires de la vie ont évolué de la matière non vivante comme d’un antécédent immédiat. Quelle affirmation de la sainte Écriture se trouverait infirmée par ce fait ? Qu’en résulterait-il, sinon que certaines substances ont reçu le pouvoir, quand elles se trouvent placées dans de certaines combinaisons, de se manifester sous des formes vivantes, auxquelles manquent d’ailleurs les plus nobles prérogatives de la vie ? » L’origine animale ou simienne de l’homme, s’il fallait se résigner à la reconnaître un jour, ne paraît pas davantage incompatible au Père Zahm avec ce qu’on lit dans la Genèse, et, ici, ce sont ces paroles de Ruskin qu’il reproduit : « Que votre créateur vous ait formé de ses doigts ou avec un instrument, comme un sculpteur travaille la terre glaise, ou qu’il vous ait élevé à l’humanité à travers une série de formes inférieures, cela vous importe seulement en ce que, dans le premier cas, vous ne pouvez espérer que vos enfans soient de plus nobles créatures que vous, et que, dans l’autre, chacun de vos actes, chacune de vos pensées dans votre vie présente, peut hâter l’avènement d’une espèce qui vous regardera, vos ancêtres et vous, avec un incrédule dédain ; — et vous devez avoir la dignité de désirer qu’il en soit ainsi. » Ruskin a raison ! et, si nous sommes sincères, ce n’est pas la foi, ni la Bible, qui nous feraient trouver quelque chose d’humiliant à descendre du singe, et par le singe d’on ne sait quel ancêtre moins aristocratique encore ; c’est notre orgueil de « rationalistes », c’est notre vanité de « gens du monde », ce sont nos préjugés « d’artistes ». Nous voulons être d’une autre essence ! Nous refusons de reconnaître nos vices dans le miroir que la nature de l’animal nous présente ! Et le Père Zahm, prenant enfin la parole à son tour, conclut très nettement que, bien loin d’être « une philosophie de boue ou un Évangile de fange, ainsi qu’on l’a nommée, l’Evolution se trouve être l’utile et la puissante alliée du dogme catholique, lorsqu’on la prend comme il faut la prendre ; … que, bien loin de faire descendre l’homme de sa haute situation, elle l’y établit plus solidement, en vertu du plus noble des titres ; … et qu’enfin, après avoir rehaussé l’idée que nous nous faisons de Dieu et de l’homme, elle nous permet de découvrir de nouvelles beautés et de nouvelles leçons dans un monde que l’agnosticisme et le monisme nous représentent comme si sombre et si désespérant. »

Il pouvait aller plus loin ; — et il avait le droit de dire que, si la doctrine de l’évolution n’a rien qui contredit l’enseignement du texte sacré, c’est qu’elle en sort. N’est-ce pas en effet Renan, dans son Histoire du Peuple d’Israël, qui a parlé du « puissant esprit évolutionniste des Darwin inconnus qui ont rédigé la Genèse » ? et Hæckel, dans son Histoire naturelle de la Création, n’avait-il pas écrit, dix ou douze ans auparavant : « Dans l’hypothèse mosaïque de la création, deux des plus importantes propositions fondamentales de la théorie évolutive de la création se montrent à nous avec une clarté et une simplicité surprenantes : ce sont l’idée de la division du travail ou de la différenciation, et l’idée du développement progressif, du perfectionnement ? » Et il ajoute, à la vérité, que « deux erreurs fondamentales sont contenues dans l’hypothèse, d’abord l’erreur géocentrique, qui fait de la terre le centre du monde, et l’erreur anthropocentrique, qui considère l’homme comme le but suprême et voulu de la création. » Mais que l’homme soit ou ne soit pas « le but suprême de la création » et la terre « le centre du monde, » qu’est-ce que cela fait à la doctrine de l’évolution ? Rien du tout, si, d’une part, la rectification de l’erreur géocentrique ne saurait avoir d’effet que de nous convaincre plus profondément de notre petitesse ou de notre néant ; et, d’autre part, s’il est évident que, depuis qu’il se connaît, l’homme a le droit de se considérer comme le terme actuel ou le « couronnement » de la création. Et cette vérité de fait n’en subsiste pas moins que, si l’idée d’une « différenciation graduelle de la matière primitivement simple » semble avoir quelque part sa première origine, c’est dans le récit de la Genèse.

Et on peut dire encore quelque chose de plus, et si j’ai tâché de montrer ici même ce que la morale pouvait emprunter d’aide à la doctrine évolutive[2], on pourrait montrer que cette même doctrine n’a pas cessé d’animer l’enseignement de la théologie, ou plutôt, on l’a montré, dans un livre célèbre ; et celui qui l’a montré, c’était le futur cardinal Newman ; et le livre où il l’a montré c’est le livre qu’il a intitulé : Essai sur le développement de la doctrine chrétienne ou Motifs de retour à l’Église catholique. On y lit les phrases suivantes : « L’unité dans le type est certainement la marque caractéristique la plus sensible d’un développement naturel... Cependant on ne saurait aller jusqu’à nier toute variation, ni même un changement considérable de proportions et de relations dans le développement des parties. De tels changemens dans l’apparence extérieure ou dans l’harmonie intérieure ont lieu dans la création animale elle-même. L’oiseau en état de voler diffère de sa forme première dans l’œuf. Le papillon est le développement, mais en aucune façon l’image de sa chrysalide. La baleine occupe une place parmi les mammifères, et cependant nous devons penser qu’il s’est opéré chez elle quelque étrange transformation, pour la rendre telle, quoiqu’en apparence si différente des animaux parmi lesquels elle se trouve classée. De même si les bêtes féroces étaient autrefois dans le paradis et ne s’y nourrissaient que d’herbes, elles devaient présenter des caractères bien différens quant à la structure des muscles, des griffes, des dents et des viscères, toutes choses adaptées maintenant à leur existence carnivore. » Je le demande au lecteur impartial : Ne croirait-on pas entendre Darwin ? Mais le livre de Newman est de 1845[3], et l’Origine des Espèces n’a paru qu’en 1859. Et aussi bien n’était-ce d’aucun naturaliste contemporain que l’auteur s’inspirait en écrivant tout ce chapitre, le premier de son livre, sur le Développement des idées ; et si la valeur, bien loin d’en avoir diminué, n’a fait au contraire qu’en augmenter, à mesure même que l’idée d’Evolution se répandait, l’auteur le doit... à saint Vincent de Lérins. Saint Vincent de Lérins était un moine, qui vivait au Ve siècle, et dont le Commonitorium est demeuré la source principale des règles que la théologie la plus exacte applique encore à la question de l’évolution des dogmes[4].

Il y a quinze ou seize ans, — quand j’ai commencé de parler de l’Evolution des Genres, et plus récemment, dans un Manuel de l’histoire de la Littérature française que je viens de publier, — je n’ai pas cru devoir aborder cette question des rapports de la doctrine de l’évolution avec le dogme. Je pensais alors et j’estime toujours que les enseignemens de la Bible ou de l’Évangile n’ont rien de commun avec ceux de l’histoire naturelle ; et, réciproquement, on ne m’a point convaincu depuis lors qu’aucun motif de croire ou de ne pas croire se puisse tirer des profondeurs de la physiologie ou de l’embryogénie. « Il n’y a ici ni philosophie ni religion qui tienne, disait un jour Pasteur, dans une leçon célèbre, qui devait faire date dans l’histoire de la science[5]. C’est une question de fait que j’aborde sans idées préconçues, aussi prêt à déclarer qu’il y a des générations spontanées, si l’expérience m’en avait imposé l’aveu, que je suis convaincu que ceux qui les affirment ont un bandeau sur les yeux. » Et si, par hasard, on croyait apercevoir, je ne dis pas une opposition, — il y a toujours des oppositions, des difficultés, des embarras, — mais une contradiction entre la doctrine évolutive et le dogme, je suis de ceux qui répéteraient avec un autre grand homme : « Quand nous nous mettons à raisonner, nous devons poser d’abord comme indubitable que nous pouvons connaître certainement beaucoup de choses dont toutefois nous n’entendons pas toutes les dépendances ni toutes les suites... Il ne faut donc jamais abandonner les vérités une fois connues, quelque difficulté qui survienne quand on veut les concilier, mais il faut au contraire, pour ainsi parler, tenir toujours fortement comme les deux bouts de la chaîne, quoiqu’on ne voie pas toujours le milieu, par où l’enchaînement se continue[6]. » Mais puisque aujourd’hui quelques écrivains, d’esprit plus large, et mieux informés que d’autres, ont trouvé le moyen, dans cette question de l’évolution, de concilier les résultats de la science avec les données de leur foi, j’ai pensé qu’en tout cas il était bon de le constater. La doctrine évolutive ne contient rien qui ne se puisse concilier avec les enseignemens de l’Église ; et, puisque le Père Zahm l’a démontré dans son livre, je ne pouvais négliger l’aide qu’il m’apportait du fond de la Louisiane.

On nous réplique là-dessus : « Eh bien, soit, nous l’admettons ; la conciliation peut se faire ; elle est faite ; mais la doctrine évolutive, comme vous l’appelez, n’en demeure pas moins une pure hypothèse, une vue de l’esprit, une anticipation de l’imagination sur l’expérience. Vous nous parliez tout à l’heure de générations spontanées ! En fait, ce Pasteur que vous invoquiez l’a démontré dans une série d’expériences à jamais mémorables, il n’y a pas de générations spontanées. Il n’y a pas non plus de sélection naturelle, et Darwin après tout n’a inventé là qu’un mot pour déguiser ou pour envelopper son ignorance absolue des lois qui président à la transformation des espèces. Pouvons-nous même parler de transformation des espèces ? et, depuis quatre ou cinq mille ans que nous observons la nature, s’il est vrai qu’on ait vu des espèces disparaître, qui a vu, quand en a-t-on vu surgir de nouvelles, ou une ancienne se changer en une autre ? Vous parlez également de l’origine animale de l’homme ! Mais où est la preuve de cette origine ? Et généralement, depuis Lamarck jusqu’à nous, quelque assertion qu’un évolutionniste ait produite, ne s’est-il pas rencontré un savant pour la contredire, et au besoin pour la détruire ? Qu’y a-t-il donc de plus arbitraire, de moins philosophique en tout cas, et de plus injustifié que de vouloir ainsi transporter dans l’histoire de la littérature ou de l’art les méthodes ou les procédés d’une science encore purement hypothétique ? et quel avantage, quel profit en pensez vous tirer ? Etrange façon d’en user ! C’est quand la science vous propose des conclusions certaines, fondées sur des expériences certaines, que vous affectez de la dédaigner ; vous en proclamez la faillite ! et au contraire, si quelqu’une de ses affirmations est douteuse ou si quelqu’une de ses suppositions relève bien moins de l’expérience ou même du raisonnement que de la pure fantaisie, ce sont celles-là que vous acceptez ! »

Je réponds : premièrement, que ni l’origine animale de l’homme, ni la question des générations spontanées, ni même la sélection naturelle ne constituent l’essentiel de la doctrine évolutive : elles n’en sont que des inductions ou des applications. Négligeons les apparences, ne nous attachons qu’au fond. L’idée mère, l’idée substantielle de l’évolution, c’est, d’après Herbert Spencer, « le passage de l’homogène à l’hétérogène », ou, encore, comme le dit Hæckel, c’est l’idée de « la différenciation graduelle de la matière primitivement simple » ; et tout le reste, n’étant qu’hypothèse, peut tomber sans que la doctrine en soit atteinte. Mais, en second lieu, quand l’évolution ne serait qu’une hypothèse, ou une vue de l’esprit, dont on ne pourrait donner de démonstration expérimentale, qui ne servirait qu’à interpréter, à classer, à coordonner des faits ou à en découvrir d’autres, est-ce que ce ne sont point des hypothèses de cette nature qui seules ou presque seules font de tout temps avancer la science ? On nous reprochait, il y a quelques années, d’attribuer aux « idées générales » une importance démesurée ; et voici qu’on se plaint aujourd’hui de tous côtés que la « jeunesse » manque d’idées gêné raies ! A qui donc la faute en est-elle ? Une hypothèse, que ce soit celle de l’attraction ou de l’évolution, est une idée générale, et, ne fût-ce que pour en éprouver la valeur, on ne saurait l’appliquer à trop de faits, ni trop d’idées. Enfin, et en troisième lieu, il y a cette différence entre l’attraction, que je viens de nommer, et l’évolution, qu’hypothèse ou non, l’évolution est de plus une méthode. C’est sur ce point qu’il convient d’insister.


II

Me contredira-t-on si j’avance que ce qui manque le plus jusqu’à présent dans nos Histoires de la Littérature française, — et aussi dans les histoires des littératures étrangères, — c’est la méthode ? Prenez l’Histoire littéraire de la France, ce monument de l’érudition et de la conscience de nos Bénédictins : la disposition des matières y est l’absence ou la négation même de toute méthode. L’ordre dans lequel s’y succèdent les Notices n’est qu’une forme du désordre. L’analyse des œuvres d’un théologien y est suivie de celle d’une Chanson de Geste ou d’un Roman de la Table Ronde ; elle y précède la biographie quasi politique, uniquement politique, d’un Pierre Dubois ou d’un Guillaume de Nogaret. Une chronologie vague, dont les données ont été depuis cent cinquante ans modifiées cinq ou six fois par les découvertes de l’érudition, y fait le seul lien qui rattache les œuvres et les hommes. Ce sont les matériaux épars et quelquefois à peine dégrossis d’une construction qu’on désespère de voir s’élever jamais. Pendent opera interrupta... et à mesure que les matériaux s’accumulent, c’est-à-dire à mesure qu’un in-quarto s’ajoute à l’autre, on ne songe pas sans effroi que, dans cet inventaire des richesses littéraires de la France, nous n’en sommes qu’à peine au seuil du XVe siècle. La France attendra-t-elle jusqu’aux environs de l’an 2 000 ou 2 500 pour avoir une idée de sa littérature du moyen âge ?

On n’y voit pas plus clair dans les Histoires de la Littérature proprement dites, et, par exemple, dans la plupart d’entre elles, on ne sait pourquoi tel écrivain continue d’y faire figure, tandis que tel autre en semble systématiquement exclu. C’est ainsi que Nisard n’a parlé, pour ainsi dire, ni de Fontenelle ni de Bayle, quoique d’ailleurs les Pensées sur la Comète et les Entretiens sur la Pluralité des Mondes soient deux livres essentiels de l’histoire de notre littérature. En revanche, il s’étend longuement sur « le bon Rollin » et sur le chancelier d’Aguesseau. Ce qui est plus choquant et surtout plus embarrassant, c’est le mépris qu’il affecte, comme avant lui Villemain, et comme après eux tous leurs imitateurs, pour toute espèce de chronologie. Je viens de nommer Fontenelle, dont les Entretiens sont de 1686 : lorsque Villemain, dans son Cours de Littérature française, arrive à en parler, il y a déjà trois ou quatre leçons qu’il a parlé de Voltaire, — de son Œdipe qui est de 1718, de sa Henriade, qui est de 1724, de sa Zaïre, qui est de 1732 ; — et ainsi, pour le dire en passant, c’est lui qui met en circulation cette idée fausse que Voltaire devrait à l’Angleterre tout ce que l’Angleterre du XVIIIe siècle doit elle-même à Fontenelle et à Bayle, dont il ne parle pas lui non plus, Villemain. Faut-il d’autres exemples ? On n’aurait qu’à choisir. Dans le programme arrêté naguère par le « Conseil supérieur de l’Instruction publique », pour l’enseignement de l’histoire littéraire, il est question de Marot, de Ronsard et de la Pléiade, des commencemens du théâtre classique, et alors, mais alors seulement, de Rabelais, qu’on rapproche de Montaigne, et quoiqu’il y ait d’ailleurs un demi-siècle entier d’intervalle entre le Pantagruel, 1533-1552 ; et les Essais, 1(80. Sans doute, on aura voulu suggérer au professeur l’idée d’un parallèle à la Plutarque, et des effets de rhétorique ! Un autre historien, qui ne saurait oublier qu’en Sorbonne Pascal appartient à un professeur, lequel est le professeur d’éloquence, et Corneille, quoique contemporain de Pascal, à un autre professeur, lequel est le professeur de poésie, nous expose donc l’histoire de « la poésie au XVIIe siècle », et revenant ensuite sur ses pas, l’histoire de la prose. Il eût pu faire aussi bien le contraire ! Grands ou petits, poètes ou prosateurs, les écrivains nous apparaissent ainsi comme détachés de tout ce qui les a précédés ou suivis, suspendus entre ciel et terre, situés en l’air, sans liaisons ni racines, coupés, après leur mort, de toutes les communications qu’ils ont eues pourtant, de leur vivant, avec leurs semblables, fixés


Dans quelque attitude éternelle
De génie et de majesté ;


et c’est ainsi que ce qu’il y a de plus vivant au monde, l’histoire d’une littérature, en devient ce qu’il y a de plus mort et de plus ennuyeux

C’est ici le premier service qu’il faudra bien que la méthode évolutive finisse quelque jour par nous rendre. Au point de vue descriptif, analytique, ou, si je l’ose dire, tout simplement énumératif et statistique, elle substituera ce que l’on appelle le point de vue généalogique. Il y a une filiation des œuvres, et en tout temps, en littérature comme en art, ce qui pèse du poids le plus lourd sur le présent, c’est le passé. Mais tandis que, comme dans la nature, on croirait que le semblable engendre toujours le semblable, il n’en est rien, et l’évolution suit son cours ; de même, tandis qu’on ne croit aussi qu’imiter ou reproduire le passé, un sourd mouvement s’opère dans les profondeurs de la vie, dont on ne voit rien paraître à la surface, qui n’en agit pas moins, et dont on est un jour tout étonné d’être obligé de reconnaître qu’en l’espace de quelques années il a tout renouvelé, tout transformé, tout acheminé du semblable au contraire. Essayer de saisir et de déterminer la nature, la direction, la force, le caractère de ce mouvement, tel est l’objet que se propose la méthode évolutive ; et elle y tend en littérature par les mêmes moyens qu’en histoire naturelle. Car en vain nous dit-on qu’en art ou en littérature il n’y a que des « individus » ! C’est une erreur, ou du moins il faut s’expliquer. Si nous étions plus modestes, nous saurions combien il y a peu de chose en chacun de nous, qui soit nous, de nous, et à nous. Mais quand nous serions plus originaux, n’est-il pas vrai qu’on ne saurait se former une juste idée de Molière, par exemple, je ne dis pas sans en avoir une de son œuvre entière, cela va sans dire, et du « milieu » dans lequel il a vécu, pour lequel il a écrit, mais je dis de ses prédécesseurs, de ses contemporains, et de ses successeurs dans l’histoire de la comédie ? Molière, si grand qu’il puisse être, n’est pas Molière à lui tout seul et en soi, pour ainsi parler, il ne l’est, il n’est vraiment lui, il n’est tout à fait lui, que par rapport à Scarron, à Desmarets, à Corneille, à Mairet et généralement à tous ceux qui ont essayé avant lui d’écrire le Misanthrope ou le Malade imaginaire, s’ils l’eussent pu ! Son mérite ne peut être senti, son génie ne peut être apprécié que par rapport à ceux qui ont tenté, de son temps, la même œuvre que lui, Poisson, Hauteroche, Montfleury, Boursault et vingt autres. Et on ne peut enfin lui rendre une justice entière, que par rapport à ses successeurs, c’est-à-dire si l’on sait combien un Dancourt, un Dufresny, un Regnard, un Lesage, un Destouches ont eu de peine à dégager, de la tradition qu’il leur avait léguée, leur peu d’originalité. C’est ce que j’appelle, dans l’histoire de la littérature et de l’art, le point de vue généalogique ; et on voit, par la définition même que j’en donne, combien le nombre est petit des historiens qui s’y sont placés. On voit aussi quel en est le rapport avec la doctrine de l’évolution.

Mais, dit-on, — et c’est même le grand argument qu’on invoque, — si nous nous plaçons à ce point de vue, c’est-à-dire si nous admettons que l’évolution des genres soit soumise à des lois de la même nature que l’évolution des espèces animales, que devient la liberté, que devient l’individu, que devient l’originalité, que deviennent enfin les différences qui distinguent l’homme de l’animal, et, par exemple, ses œuvres de celles des abeilles ou des fourmis ? Ce qu’elles deviennent, je l’ai déjà dit, non pas une fois, mais dix fois. Le grand avantage de la doctrine évolutive, c’est précisément que tout ce que l’on croit qu’elle compromet ou qu’elle menace, au contraire elle le sauve. Encore une fois, je ne pense pas qu’il y ait tant « d’esprits originaux » ; et le génie même, si toutefois nous savons ce que nous appelons de ce nom, n’est peut-être souvent qu’une participation plus étendue, plus effective surtout, à ce qui constitue le trésor commun de l’humanité. J’avais autrefois sur ce point des idées plus « aristocratiques ». Sans en avoir aujourd’hui de contraires, j’en ai qui me semblent plus justes. Mais je dis encore que, si le génie se définissait par ce qu’il a d’unique et, dans le vrai sens du mot, d’incomparable ou d’incommensurable, c’est encore la doctrine de l’évolution qui lui garantirait, seule dans l’histoire de l’art et de la littérature, la part d’influence à laquelle il a droit. Comment cela ? C’est ce que l’on va voir si l’on me permet de résumer ici le chapitre le plus important, à mon sens, de l’histoire ou de l’évolution de la doctrine évolutive ; — et c’est le chapitre du darwinisme.

Il y avait longtemps, quand le livre fameux de Darwin a paru, que l’on disputait entre naturalistes sur la question de la « variabilité » ou de la « fixité » des espèces. Les argumens des partisans de la fixité sont connus et je n’ai pas à les discuter. Quant aux partisans de la variabilité, leur opinion s’autorisait de l’influence du « milieu », de celle de « l’instinct », de la tendance intérieure de l’être au perfectionnement de soi-même, de la nature du désir et de la puissance qu’ils lui attribuaient de pouvoir créer son organe. C’est le fond même du lamarckisme, et pour ne rien dissimuler, je suis obligé d’avouer que nous ne manquons pas aujourd’hui de néo-lamarckistes qui ne repoussent point, à la vérité, l’intervention d’autres « facteurs », mais qui se contenteraient de ceux-ci pour expliquer les phénomènes de l’évolution. Il y en a même qui disent qu’au plus bas degré de l’échelle, c’est la « conscience », — une conscience obscure et confuse, mais pourtant une conscience, — qui serait l’ouvrière essentielle de la transformation des espèces[7]. On ne le croyait pas aux environs de 1859 ; et l’originalité de Darwin fut alors de substituer à toutes ces actions, considérées par ceux-là mêmes qui les invoquaient comme plus ou moins hypothétiques, et surtout comme insuffisantes, l’action, suivant lui certaine et facile à prouver, de la « sélection naturelle. » Pourquoi u certaine » ? et comment « facile à prouver » ? Parce qu’elle n’était, comme cause de la variabilité, qu’un agrandissement, qu’une extension de la « sélection artificielle » ; et que celle-ci, pour en avoir la preuve expérimentale, il n’y avait qu’à regarder autour de soi : dans le jardin, dans le verger, dans la basse-cour, dans la ferme, dans le haras. La « sélection naturelle », c’est l’ensemble des moyens par lesquels la nature opère comme les éleveurs, ou comme les jardiniers, quand ils croisent ensemble, — ceux-ci pour obtenir des orchidées plus bizarres, des fleurs de rêve ou d’hallucination, et ceux-là des coursiers plus rapides, — leurs sujets les plus rapides ou les plus extraordinaires. Et la condition fondamentale du succès de ce croisement, quelle est-elle ? C’est qu’il ait apparu, on pourrait dire presque par hasard, dans un individu d’ailleurs à tous autres égards conforme au type de son espèce, une particularité ou une singularité qui attire l’attention de l’éleveur, et que, la jugeant utile à ses intérêts, il essaie alors de fixer.

Entendue de la sorte, c’est l’hypothèse de la « sélection naturelle » qui a fait la fortune du livre de l’Origine des Espèces, et j’ajoute, par une conséquence nécessaire, celle de la doctrine de l’évolution. Toute variation constitutive d’une espèce nouvelle a pour point de départ l’apparition dans un individu d’une particularité nouvelle. Il n’y a pas de point sur lequel Darwin ait insisté davantage, et c’est ce que prouveront quelques extraits de son livre :

Le pouvoir de sélection, d’accumulation que possède l’homme est la clef du problème ; la nature fournit les variations successives ; l’homme les accumule dans certaines directions qui lui sont utiles. Origine des espèces, trad. Barbier, 1876. P. 31.


Bien que les différences individuelles offrent peu d’intérêt aux naturalistes classificateurs, je considère qu’elles ont la plus haute importance en ce qu’elles constituent les premiers degrés vers ces variétés si légères qu’on croit devoir à peine les mentionner. Ibid. P. 57.


J’ai donné au principe en vertu duquel, une variation, si insignifiante qu’elle soit, se conserve et se perpétue, si elle est utile, le nom de sélection naturelle pour indiquer les rapports de cette sélection avec celle que l’homme peut accomplir. Ibid. P. 61.


L’homme ne peut ni produire ni empêcher les variations ; il ne peut que conserver et accumuler celles qui se présentent. Ibid. P. 83.


La seule durée du temps ne peut rien par elle-même ni pour ni contre la sélection naturelle. J’énonce cette règle parce qu’on a soutenu à tort que j’accordais à l’élément du temps un rôle prépondérant... comme si toutes les formes de la vie devaient nécessairement subir ses modifications en vertu de quelques lois innées. Ibid. P. H3.


Toutes ces considérations me font pencher à attribuer moins de poids à l’action directe des conditions ambiantes qu’à une tendance à la variation dont nous ignorons absolument les causes. Ibid. P. 147.


La sélection naturelle, il ne faut jamais l’oublier, ne peut agir qu’en se servant de l’individu et pour son avantage. Ibid. P. 161.


Ces citations peuvent suffire. La « sélection naturelle », voilà la découverte ou l’invention de Darwin. Les rapports ou l’analogie de ce principe avec cette « sélection que l’homme peut accomplir », c’est tout ce que le mot veut dire. Et l’apparition d’un individu qui, si peu que ce soit, diffère du type commun de son espèce, telle est la condition de toute évolution. « L’homme ne peut ni produire ni empêcher les variations, » voilà le fondement de la doctrine. L’apparition de ces variations est l’œuvre d’une « tendance dont nous ignorons absolument les causes » ; et d’autre part, si l’on voit « à de longs intervalles » surgir des « déviations de conformation assez prononcées pour mériter le nom de Monstruosités », qui n’avouera que, pour l’historien de la littérature et de l’art, c’est ici non seulement le talent ou le génie rétablis dans leurs droits, mais encore, et avec eux, l’individualité, l’originalité, l’excentricité mêmes ? Ajoutez qu’aujourd’hui même, étant donné les deux moyens de la sélection, — qui sont l’accumulation des variations lentes et la fixation des variations brusques, — la tendance du néo-darwinisme est de recourir plus volontiers au second.

Nous avions donc raison de prétendre que, bien loin de mettre en danger ce que l’on continue de dire qu’elle y mettrait, la doctrine évolutive, tout au contraire, le préserve et le sauve. Dans une science dont les lois étaient posées, enseignées, affirmées comme universelles, et par suite comme immuables, l’hypothèse de la sélection naturelle a réintégré la notion de l’exception ou du cas individuel[8]. Elle exige qu’il y ait, non seulement de la « liberté », mais de l’imprévu, mais du caprice, mais de l’accident, et, ainsi qu’on disait autrefois, du « cas fortuit » dans l’évolution des genres. Et c’est bien pourquoi, quelques années après la publication du livre de Darwin, quand un certain « naturalisme » voulut s’emparer de la doctrine pour la dénaturer, tout son effort se porta sur la sélection naturelle. On revint à Lamarck ; on essaya de rendre à l’action du « milieu », des conditions ambiantes », des « grandes pressions environnantes », l’influence que Darwin était précisément venu leur enlever. On feignit de croire qu’avec sa sélection il s’était payé d’un mot sonore et vide ! Mais l’hypothèse n’en demeura pas moins acquise à la science, et je ne crois pas que l’on soit près d’y renoncer encore. Elle explique trop de faits ! Elle en relie surtout entre eux un trop grand nombre ! Elle a renouvelé trop profondément les méthodes ! Et pourquoi ne le dirions-nous pas ? Elle a fait aussi la part qu’il faut décidément qu’on fasse non pas peut-être au « mystère », — puisque ce mot offense nos superbes oreilles, — ou à l’irrationnel, mais du moins à la « contingence », dans le peu que nous connaissons du système de la nature. Allons plus loin ! et disons que c’est même là ce que l’hypothèse a de plus « scientifique », si nous n’avons sans doute pas résolu le problème de l’univers ; s’il faut laisser quelque chose à faire à ceux qui viendront à nous ; et s’il n’y a rien de plus « scientifique », à vrai dire, que de savoir douter, suspendre son jugement, et enfin ignorer où il faut. Initium sapientiæ... La résolution d’ignorer beaucoup de choses est le commencement de la science.

Autre raison, non moins « scientifique », de s’attacher à l’hypothèse de l’évolution : elle s’oppose à l’une des théories les plus fausses qui règnent encore parmi nous, et jusque dans les esprits de nos politiciens : c’est la théorie du progrès continu. « L’histoire et la géologie, avait dit Darwin lui-même, nous montrent quel rôle l’extinction a joué dans l’histoire du monde » ; et, en un autre endroit : « En dépit du progrès de l’organisation, les formes inférieures et simples persistent longtemps, lorsqu’elles sont bien adaptées aux conditions peu complexes de leur existence. » On a démontré depuis lors que, dans l’histoire du monde, et même dans l’histoire d’une espèce donnée, la perte pouvait être aussi fréquente, aussi « naturelle » que le gain physiologique ; et, tout récemment, n’écrivait-on pas tout un livre sur l’Évolution régressive[9] ? On a discuté « l’hérédité des caractères acquis », et on a très bien fait voir que, s’il y en avait quelques-uns que les générateurs transmettent à leurs descendans, il y en avait d’autres, et de plus nombreux, ou de plus importans peut-être, qui ne s’héritent pas, qui disparaissent comme ils ont apparu, sans qu’on en puisse dire le pourquoi ni même le comment. On a encore établi qu’en de certaines conditions le bien de l’individu, et celui de l’espèce, pouvaient consister à perdre ou à échanger ceux de leurs caractères qu’on eût crus « le plus avantageux ». Et si toutes ces observations sont vraies en histoire naturelle, qui ne voit qu’elles s’appliquent bien mieux encore aux affaires humaines ? et surtout à l’histoire de la littérature et de l’art ? C’est à nous autres hommes qu’il est souvent « avantageux » d’avoir moins d’esprit que de bon sens, et telle est bien la signification du vers devenu proverbial :


Quand ils ont tant d’esprit, les enfans vivent peu.


Il était même proverbe avant qu’on en eût fait un vers ! C’est le fils de Racine et celui de Corneille qui « n’héritent pas » du génie de leur père. C’est dans l’histoire de la littérature et de l’art qu’on voit des « évolutions régressives », quand l’école des Carrache, par exemple, succède à celles de Titien, de Michel-Ange et de Raphaël. C’est ici qu’on voit persister les « formes inférieures », l’image d’Épinal ou la chanson de nourrice, « parce qu’elles sont bien adaptées à des conditions d’existence peu complexes », je veux dire à des exigences qui sont celles du développement de l’être humain ; et c’est surtout ici, non moins manifestement qu’en histoire et en géologie, « que l’extinction joue son rôle. »

Tandis qu’ailleurs en effet, — et on pourrait dire presque partout ailleurs, — l’hypothèse du progrès continu peut se défendre ou au moins se soutenir, c’est quand on essaie de la vérifier dans l’histoire de la littérature ou de l’art qu’on la voit aussitôt qui s’effondre. Nous savons plus de choses que n’en savaient nos pères, et nos fils en sauront vraisemblablement plus que nous, voilà qui est ou qui semble certain. Mais vivons-nous « mieux » que ne faisaient nos pères, j’entends : la vie nous est-elle généralement plus facile ou l’existence plus agréable, et le seront-elles pour nos enfans ? La question n’est déjà plus la même, ni la réponse ; et on peut discuter. Mais ce qui n’est pas discutable, c’est que le Légataire universel ou le Barbier de Séville soient fort au-dessous du Tartufe ou de l’Ecole des femmes. Diderot seul a pu croire le contraire ! et même, en sa qualité d’auteur de son Fils naturel et de son Père de famille, avancer ingénument qu’après Molière « la véritable comédie était encore à créer en France ». Où pensait-il donc qu’elle eût existé ? Les exemples sont sans doute inutiles à multiplier. On convient généralement que depuis quatre cents ans l’Angleterre n’a pas revu de Shakspeare, ni les Italiens de Michel-Ange, ni le monde entier, depuis deux mille ans, de Praxitèle ou de Phidias. De telle sorte que, s’il n’y avait de « régression » nulle part ailleurs, et quand elle serait en histoire naturelle, comme on l’a prétendu, la condition préparatoire, l’étape ou l’une des étapes d’un progrès ultérieur, c’est dans l’histoire de la littérature et de l’art que l’on pourrait encore parler de « rétrogradations » véritables ; — et ce seul motif suffirait à justifier l’emploi du mot d’évolution.

Je songe, en écrivant cette ligne, au reproche que l’on m’a souvent fait d’obscurcir, au moyen de ce mot d’Evolution, ce que je voudrais éclairer. Mais si je l’ai souvent dit, je le redirai donc encore : c’est que, si l’on se pique de parler avec un peu de précision, le mot représente ou résume tout un ensemble d’idées ; et la pire confusion qu’on puisse faire c’est de le prendre pour synonyme ou pour équivalent, même approximatif, des mots de mouvement ou de progrès. Qui dit progrès dit continuité, et on vient de le voir, qui dit évolution dit précisément le contraire. « Ma théorie, disait Darwin, ne suppose aucune loi fixe de développement, obligeant tous les habitans d’une zone à se modifier brusquement, simultanément et à un égal degré. » C’est une seconde différence : le progrès est total, si je puis ainsi dire, mais l’évolution est toujours partielle. Le perfectionnement d’une espèce animale ou d’un genre littéraire peut avoir pour condition la dégénérescence ou la corruption d’un autre ; il peut l’avoir pour conséquence ; et les deux se sont vus plus d’une fois dans l’histoire. L’idée de progrès implique la stabilité ou du moins la longue durée du perfectionnement acquis, et par exemple, depuis qu’on a découvert la vapeur, il n’est pas probable que l’humanité consente, je ne dis pas à se passer de chemins de fer, mais à revenir à la lenteur des anciens moyens de transport. L’idée d’évolution n’implique rien de semblable, et il est de son essence que ses résultats soient toujours mobiles et changeans. N’est-ce pas comme si l’on disait que le progrès est absolu, mais l’évolution est relative ? et quand deux idées se séparent ou s’opposent l’une à l’autre par tant de caractères, peut-on soutenir, en vérité, qu’il soit indifférent d’user de l’un ou de l’autre des mots qui les représentent ou les expriment ? Ai-je besoin d’ajouter qu’il ne l’est pas non plus de se servir indistinctement du mot de mouvement ou d’évolution, si c’est une espèce de mouvement très défini que caractérise le second, un mouvement très composé, qui diffère du mouvement en général, — du mouvement par lequel on se porte d’un point à un autre, ou de bas en haut, — exactement comme en diffère le mouvement par lequel un chêne sort d’un gland, un papillon de sa chrysalide, les jeunes des animaux de leur germe, et l’homme lui-même de l’animal ?


III

Si maintenant on nous demande quelle utilité plus particulière, ou spéciale en quelque sorte et technique, nous attendons de cette application de la doctrine évolutive à l’histoire de la littérature et de l’art, en voici tout d’abord une que nous laisserons le soin de définir au savant Boissonade. On a tout intérêt, quand on veut faire œuvre de propagande, à montrer combien sont vieilles les nouveautés que l’on propose ! « Pour que l’histoire littéraire soit traitée convenablement, écrivait-il en 1806, il faut, je crois, la partager en certains âges dont chacun ait un génie, un caractère bien particulier. Les limites de ces âges doivent être fixées d’après les grands changemens arrivés dans les lettres, et non d’après les mouvemens politiques, car, quoique souvent les révolutions de la littérature et celles de la chose publique se confondent, le contraire, cependant, se remarque aussi quelque- fois. Dans la disposition des écrivains de chaque âge, l’ordre chronologique ne sera pas uniquement considéré : les écrivains de chaque genre pourront former autant de classes, et ces classes être distribuées suivant le plus ou moins d’influence que chaque genre aura exercé sur les autres. De cette façon on verra facilement les progrès des différentes parties de la littérature et de quelle manière chacune a pu agir sur les autres, les aider ou leur nuire[10]. » Ce que le savant helléniste demandait là, la doctrine évolutive nous permettra tôt ou tard de le faire ; et ces « âges littéraires » qu’il ne pouvait encore déterminer que du dehors, d’après des signes tout extérieurs, on les précisera quelque jour au moyen d’une connaissance exacte et approfondie des lois ou des conditions de l’évolution des genres.

Mais auparavant, il faudra résoudre un premier problème, qui est celui de la détermination du « caractère essentiel » d’une littérature donnée, la française ou l’anglaise, l’italienne, l’allemande, l’espagnole ; et, pour cela, l’étudier dans son rapport avec les autres[11]. Je dirais à ce propos que c’est ce que j’ai moi-même tâché de faire pour la littérature française, si je n’avais un bien meilleur exemple encore à produire, comme étant moins personnel ; et c’est celui de la définition du « caractère essentiel » de la peinture hollandaise, telle qu’Eugène Fromentin l’a donnée dans ses Maîtres d’autrefois. Se rappelle-t-on cette page ingénieuse et brillante ? « La peinture hollandaise, on s’en aperçut bien vite, ne fut et ne pouvait être que le portrait de la Hollande, son image extérieure, fidèle, exacte, complète, ressemblante, sans nul embellissement. Le portrait des hommes et des lieux, des mœurs, des places, des rues, des campagnes et du ciel, tel devait être, réduit à ses élémens primitifs, le programme suivi par l’école hollandaise, et tel il fut depuis le premier jour jusqu’à son déclin. » Et un peu plus loin : « N’y a-t-il pas là, en effet, dans les bornes des Sept-Provinces, sans sortir des pâturages et des polders, de quoi fixer tous les penchans ? Il y a des choses faites pour les délicats et aussi pour les grossiers, pour les mélancoliques, pour les ardens, pour ceux qui aiment à rire, pour ceux qui aiment à rêver... Ajoutez-y les villes et l’extérieur des villes, l’existence dans la maison et hors de la maison, les kermesses, les mœurs crapuleuses, les bonnes mœurs et les élégances... et d’un autre côté la sécurité dans le ménage, les bienfaits du travail, l’abondance dans les champs fertiles... Ajoutez enfin la vie publique, les cérémonies civiques, les banquets civiques, et vous aurez les élémens d’un art tout neuf avec des sujets aussi vieux que le monde. » Mais il résultera de là, dirons-nous à notre tour, que toute histoire de la peinture hollandaise ne pourra s’écrire que de ce point de vue. Au caractère essentiel ainsi reconnu par la critique, tous les autres devront se « subordonner ». C’est par rapport à lui que se fera la division des « âges » ou des « époques ». C’est son évolution qui nous servira comme de guide à travers la chronologie. Aussi longtemps que nous n’aurons pas vu tout ce qui la précède s’acheminer ou tendre de soi-même à la plus éclatante manifestation de ce caractère, comme aussi longtemps que nous n’aurons pas trouvé le secret de montrer dans l’affaiblissement de ce même caractère la raison de sa décadence, nous pourrons être assurés de n’avoir pas compris l’histoire de la peinture hollandaise. Son évolution, c’est son histoire, et elle n’a d’histoire que celle de son évolution.

Ce sont alors les grandes lignes de cette évolution qui déterminent le choix des écrivains ou des artistes que l’histoire doit seuls retenir, et pour les retenir, commencer par les dégager de la foule de ceux qui encombrent les catalogues, les dictionnaires et les Manuels. Il s’agit en effet de jalonner une route, et non pas d’en décrire les moindres accidens. Ou encore, c’est comme si l’on disait que ce sont les « œuvres » qui importent, et non pas les « individus », leur histoire, celle de leurs amours, celle de leurs aventures, mais les « œuvres » significatives, et, en chaque « genre », celles qui ont marqué les étapes de ce genre vers sa perfection. Par exemple, on s’est plaint que, dans ce Manuel auquel j’ai fait tout à l’heure allusion, je n’eusse nommé qu’au passage ou à la volée l’auteur de Saint-Genest et de Venceslas, ce Rotrou que Corneille appelait modestement son « père », et dont j’ai pensé quelquefois que le nom même aurait péri, si son dévouement-de magistrat à ses devoirs civiques ne l’avait sauvé de l’oubli. Montaigne avait eu moins de courage ! Mais en vérité, c’est qu’il n’y a rien dans le théâtre de Rotrou qui ne se retrouve dans celui de Corneille ; si son œuvre n’existait pas, il ne manquerait rien à l’histoire de notre théâtre ; quelques emprunts que Corneille, que Molière, que Racine, lui ont faits ne lui donnent d’autre droit que celui d’être caractérisé « en fonction » de Racine, de Molière, de Corneille ; et c’est pourquoi ses tragi-comédies peuvent d’ailleurs intéresser quelques curieux, mais non pas avoir une place dans l’histoire de la littérature française. C’est une autre utilité de la doctrine évolutive : elle déclasse, elle efface, elle chasse comme automatiquement les médiocrités de l’histoire de la littérature et de l’art ; et ainsi, par un détour tout à fait inattendu, une méthode, qu’on accusait de méconnaître les droits de l’originalité, aboutit précisément à ne retenir, pour s’en occuper, que les esprits vraiment originaux.

J’aurai de la peine, je le sais bien, à faire accepter cette idée, mais j’en sais aussi les raisons, je veux dire les raisons qu’on a de la repousser. Elle contrarie la prétention que tout le monde a toujours, en littérature ou en art, de « s’y connaître » aussi bien que personne ; et c’est ce que me redisait un critique[12] en me faisant observer récemment, — avec beaucoup de courtoisie. — qu’il n’avait pas besoin de moi pour se former une opinion sur Massillon ou sur Chateaubriand. Il avait tort ! et il avait raison. Il avait raison, s’il entendait par là que je ne saurais juger du plaisir ou de l’ennui qu’il éprouve, lui, critique ou simple lecteur, à lire les Natchez ou le Petit Carême. La critique et l’histoire n’ont jamais empêché personne de prendre, en dépit d’elles, son plaisir où il le trouve, ni même de faire de son plaisir la mesure de la valeur des œuvres. Elles n’ont pas ce pouvoir et elles ne l’ont jamais revendiqué. Mais où il avait tort, c’était de croire que celui qui n’en a pas fait son étude se formera, rien qu’à les lire par manière de passe-temps, une juste opinion des Martyrs, ou du Sermon trop vanté Sur le petit nombre des Élus. Et voici où je veux en venir. La grande raison, la raison de « derrière la tête » qu’on a de repousser l’application de la méthode évolutive à l’histoire de la littérature et de l’art, — comme aussi bien de toute méthode, — c’est qu’on craint qu’avec la méthode un peu de précision, un peu de certitude ne s’y introduise, et, tôt ou tard, n’y finisse par faire échec à l’entière liberté des opinions individuelles. On n’a pas du tout peur qu’en étudiant l’évolution de la tragédie française nous rabaissions le génie de Racine ou celui de Corneille, ou que nous ne fassions pas sentir combien ils sont tous les deux au-dessus de Mairet ou de Pradon, mais au contraire on craint qu’il ne s’établisse, pour des raisons étrangères à la fantaisie du critique, une façon de penser définitive sur Corneille ou sur Racine, et une façon de penser dont on ne se puisse écarter désormais sans faire preuve d’incompétence, de légèreté, — et de moins d’originalité que d’envie d’en avoir.

C’est qu’en effet, — et c’est encore une autre utilité de l’application de la doctrine évolutive à l’histoire de la littérature et de l’art, — il n’en est pas de plus capable de communiquer au jugement critique une valeur « impersonnelle » et, comme on dit, vraiment « objective ». Soit, par exemple, l’évolution de la poésie lyrique ; — la poésie lyrique, entre laquelle et la haute éloquence, pour des raisons que j’ai données, j’ai signalé plusieurs fois, au scandale des uns, et à l’ébahissement des autres, non seulement des analogies, des ressemblances, mais des échanges, une indétermination d’espèce, et, si je l’ose dire, de véritables « croisemens ». Est-ce que c’est donc moi, qui me suis trouvé embarrassé le premier de savoir de quel nom je nommerais les prophètes, Ezéchiel ou Isaïe, du nom de poètes, et de poètes lyriques, ou du nom d’orateurs et de prédicateurs de morale ? Est-ce que c’est moi qui ai suggéré à Villemain de faire, dans un gros livre sur le Génie de Pindare, et de ce livre même, un perpétuel « parallèle » entre Pindare et Bossuet ? Est-ce que c’est moi qui ai persuadé, plus récemment, à M. Alfred Croiset, dans sa belle Histoire de la littérature grecque, de nous montrer l’éloquence grecque se dégageant et se constituant, pour ainsi parler, des débris du lyrisme expirant ? Est-ce que c’est moi qui ai dicté à Victor Hugo cette pièce fameuse des Mages dont le titre seul, et les premiers vers, suffiraient pour déclarer les prétentions du poète au rôle de prédicateur ?


Pourquoi donc faites-vous des prêtres
Quand vous en avez parmi vous ?


Restreignons le problème à la littérature française, et serrons de plus près la question. Est-ce que c’est moi qui ai suggéré à Ronsard d’intituler ses presque dernières œuvres : Discours des misères de ce temps ? et de s’y souvenir des Philippiques ou des Catilinaires plus souvent que de Properce ou de Tibulle ? Est-ce que c’est moi qui ai persuadé, dans son livre sur la Doctrine de Malherbe, à M. Ferdinand Brunot, d’écrire que « Malherbe avait tué le lyrisme » ? Est-ce que c’est moi qui ai inventé qu’à mesure que le lyrisme perdait de son pouvoir au XVIIe siècle, l’éloquence de la chaire s’enrichissait de ses pertes ? Est-ce que c’est ma faute, — je veux dire une illusion qui me soit particulière et personnelle, — si Massillon, survenant après Bossuet et Bourdaloue, n’est plus, selon le mot de Nisard, que le « rhéteur de la chaire » ? Est-ce que c’est moi qui ai imaginé de mettre l’essence du lyrisme dans la poésie personnelle ; et de qui sont donc ces paroles : « La littérature poétique des Hébreux est essentiellement, nous pourrions dire exclusivement subjective. C’est toujours l’individualité du poète qui s’y prononce et s’y dessine ; ce sont ses propres pensées, ses sentimens, ses aspirations qu’il veut faire parler... Le génie des Hébreux, comme celui des Sémites, n’a produit ni drame ni épopée, deux genres dans lesquels la personnalité du poète s’efface pour vivre de la vie d’autrui » ? Elles sont d’Edouard Reuss, le savant traducteur de la Bible, dans son Introduction à ces Psaumes qu’on nous oppose toujours comme étant le type même d’une poésie lyrique impersonnelle. Et est-ce qu’enfin c’est moi qui ai voulu, par une espèce de caprice ou de fantaisie, que l’éloquence et le lyrisme reparussent à la fois dans la prose de la Nouvelle Héloïse ? Mais si ce n’est pas moi, qu’y a-t-il donc de « personnel » dans la théorie que j’ai proposée de l’évolution de la poésie lyrique ? et s’il n’y a rien là qui me soit personnel, on entend ce que je voulais dire. La grande utilité de la méthode évolutive sera, dans l’avenir, d’expulser de l’histoire de la littérature et de l’art ce qu’elles contiennent encore de « subjectif », et, ainsi, de conférer aux jugemens de la critique l’autorité qu’on leur a refusée jusqu’ici.

— Et alors, dira quelqu’un, nous n’aurons plus le droit d’aimer ce qui nous fera plaisir ? — Oh ! le « droit », si ! vous l’aurez toujours : n’avons-nous pas tous aujourd’hui tous les droits ? Mais le public apprendra peut-être à distinguer entre ses plaisirs ; et distinguer entre nos plaisirs, nous en faire nous-mêmes les juges, pour les condamner au besoin, c’est le principe de la dignité personnelle, c’est le principe de l’esthétique ; c’est le principe aussi de la morale. Assez et trop longtemps la critique s’est ressentie de ses origines, qui n’ont rien de très noble[13]. Son objet n’a guère été, jusqu’à Sainte-Beuve, tout en maintenant de son mieux quelques principes de goût très généraux, très vagues, très incertains, que d’opposer la personnalité du critique à celle des auteurs qu’il choisissait pour en parler. C’est ce que nous voyons, encore aujourd’hui, se produire trop souvent. On ne juge point du fond, mais seulement de l’apparence des œuvres, et on n’a de raison d’en juger que l’impression qu’on a éprouvée à les lire. Cette manière d’entendre la critique s’est étendue à l’histoire, et Sainte-Beuve lui-même dans ses Lundis, comme Nisard dans son Histoire de la Littérature française, n’ont exprimé que des opinions absolument personnelles. « Vous me parlez de la critique dans votre dernière lettre, écrivait un jour Flaubert à George Sand, et vous me dites qu’elle disparaîtra prochainement. Je crois au contraire qu’elle est tout au plus à son aurore. » Et un peu plus loin : « Ce qui m’indigne tous les jours, c’est de voir mettre au même rang un chef-d’œuvre et une turpitude. On exalte les petits et on rabaisse les grands, rien n’est plus bête ni plus immoral. » C’était aussi l’avis de Taine, et cette « aurore de la critique, » c’est dans son œuvre qu’on l’a vue se lever. L’histoire naturelle et l’histoire de l’homme sont deux choses, qu’il ne faut pas confondre, mais entre lesquelles Taine a compris qu’on ne saurait creuser un abîme. J’ai tâché de montrer dans les pages qui précèdent qu’elles se rejoignaient, ou, pour mieux dire, qu’elles communiquaient par l’intermédiaire de la doctrine évolutive ; et, comme ce n’est pas précisément cette idée que l’on repousse, mais les conséquences que l’on craint d’en voir sortir, j’ai tâché de montrer que ces conséquences ne procédaient pas du tout de la doctrine évolutive, mais tout au contraire de ce que l’on méconnaît également l’esprit de la doctrine et les exigences nouvelles de l’histoire de la littérature et de l’art.


FERDINAND BRUNETIERE.

  1. Le livre du P. Zahm a été traduit récemment en français ; Paris, 2 vol. Lethielleux, 1897.
  2. Voyez dans la Revue du 15 mai 1895 : la Moralité de la Doctrine évolutive.
  3. Le livre de Newman a été traduit en français dès 1848, par M. Jules Gondon.
  4. Voyez le cardinal Franzelin : Traclalus de Scriptura et divina traditione, 3e édit. 1882 ; Rome, p. 278 et suiv.
  5. Cette leçon, qui est de 1864, a été reproduite en partie dans un petit livre d’utile vulgarisation : Pasteur et ses élèves, par J.-T. Boutet : Garnier frères, 1898, Paris.
  6. Bossuet, Traité du Libre arbitre.
  7. Voyez E. D. Cope, The primary factors of organic evolution ; Chicago, 1896, et la critique de ce livre par M. F. Le Dantec, dans la Revue philosophique de novembre et de décembre 1897.
    Voyez aussi le précieux recueil de MM. Yves Delage et Georges Poirault ; l’Année Biologique, 1895 , Paris, 1897, Schleicher.
  8. Voy. Em. Boutroux, De la Contingence des lois de la nature.
  9. Voyez l’Évolution régressive en biologie et en sociologie, par MM. J. Demoort, J. Massart et Em. Vandervelde ; Paris, 1897, F. Alcan.
  10. Je dois la communication de ce curieux passage à un jeune professeur de l’Université de Fribourg, M. G. Michaut, qui s’est intéressé jadis à l’évolution des genres ; et dont l’Académie française couronnait l’an dernier une remarquable édition des Pensées de Pascal.
  11. On crée tous les jours, dans nos Universités et ailleurs, — au Collège de France, par exemple, qui ne fait point partie de l’Université de Paris, — des chaires inutiles ; et en attendant, seules ou presque seules au monde, les Universités françaises n’en ont point de « Littérature comparée ».
  12. Le correspondant parisien ou l’un des correspondans parisiens du Journal de Genève, M. A. Sabatier, qui oubliait d’ailleurs que la seule espèce d’homme qui ne puisse tenir ce langage, c’est un professeur qui enseigne le dogme, dans une Faculté de théologie protestante. Quel besoin un protestant a-t-il de M. Sabatier pour savoir ce qu’il y a dans la Bible ?
  13. Voyez sur ce point : Burckhardt, la Civilisation en Italie au temps de la Renaissance.