La Cité de Dieu (Augustin)/Livre VIII/Chapitre XX

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 170-171).
CHAPITRE XX.
S’IL EST CROYABLE QUE DES DIEUX BONS PRÉFÈRENT AVOIR COMMERCE AVEC LES DÉMONS QU’AVEC LES HOMMES.

Il y a, suivant eux, une raison pressante et impérieuse qui fait que les démons sont les médiateurs nécessaires entre les dieux et les hommes. Voyons cette raison, cette prétendue nécessité. C’est, disent-ils, qu’aucun dieu ne communique avec l’homme. Voilà une étrange idée de la sainteté divine ! elle empêche Dieu de communiquer avec l’homme suppliant, et le fait entrer en commerce avec le démon superbe ! Ainsi, Dieu ne communique pas avec l’homme pénitent, et il communique avec le démon séducteur ; il ne communique pas avec l’homme qui invoque la Divinité, et il communique avec le démon qui l’usurpe ; il ne communique pas avec l’homme implorant l’indulgence, et il communique avec le démon conseillant l’iniquité ; il ne communique pas avec l’homme qui, éclairé par les livres des philosophes, chasse les poëtes d’un État bien réglé, et il communique avec le démon, qui exige du sénat et des pontifes qu’on représente sur la scène les folles imaginations des poëtes ; il ne communique pas avec l’homme qui interdit d’imputer aux dieux des crimes fantastiques, et il communique avec le démon qui se complaît à voir ces crimes donnés en spectacle ; il ne communique pas avec l’homme qui punit par de justes lois les pratiques des magiciens, et il communique avec le démon qui enseigne et exerce la magie ; il ne communique pas avec l’homme qui fuit les œuvres des démons, et il communique avec le démon qui tend des pièges à la faiblesse de l’homme.