La Cité de Dieu (Augustin)/Livre IV/Chapitre II

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 71-72).
CHAPITRE II.
RÉCAPITULATION DU SECOND ET DU TROISIÈME LIVRE.

J’avais donc promis de réfuter ceux qui imputent à notre religion les calamités de l’empire romain, en rappelant tous les malheurs qui ont affligé Rome et les provinces soumises à sa domination avant l’interdiction des sacrifices du paganisme, malheurs qu’ils ne manqueraient pas de nous attribuer, si notre religion eût, dès ce temps-là, éclairé le monde et aboli leur culte sacrilège. C’est ce que je crois avoir suffisamment développé au second livre et au troisième. Dans l’un j’ai considéré les maux de l’âme, les seuls maux véritables, ou du moins les plus grands de tous, et dans l’autre j’ai parlé de ces maux extérieurs et corporels, communs aux bons et aux méchants, qui sont les seuls que ces derniers appréhendent, tandis qu’ils acceptent, je ne dis pas avec indifférence, mais avec plaisir, les autres maux qui les rendent méchants. Et cependant combien peu ai-je parlé de Rome et de son empire, à ne prendre que ce qui s’est passé jusqu’au temps d’Auguste ! Que serait-ce si j’avais voulu rapporter et accumuler non-seulement les dévastations, les carnages de la guerre et tous les maux que se font les hommes, mais encore ceux qui proviennent de la discorde des éléments, comme tous ces bouleversements naturels qu’Apulée indique en passant dans son livre Du monde, pour montrer que toutes les choses terrestres sont sujettes à une infinité de changements et de révolutions. Il dit[1] en propres termes que les villes ont été englouties par d’effroyables tremblements de terre, que des déluges ont noyé des régions entières, que des continents ont été changés en îles par l’envahissement des eaux, et les mers en continent par leur retraite, que des tourbillons de vent ont renversé des villes, que le feu du ciel a consumé en Orient certaines contrées et que d’autres pays en Occident ont été ravagés par des inondations. Ainsi on a vu quelquefois le volcan de l’Etna rompre ses barrières et vomir dans la plaine des torrents de feu. Si j’avais voulu recueillir tous ces désastres et tant d’autres dont l’histoire fait foi, quand serais-je arrivé au temps où le nom du Christ est venu arrêter les pernicieuses superstitions de l’idolâtrie ? J’avais encore promis de montrer pourquoi le vrai Dieu, arbitre souverain de tous les empires, a daigné favoriser celui des Romains, et de prouver du même coup que les faux dieux, loin de contribuer en rien à la prospérité de Rome, y ont nui au contraire par leurs artifices et leurs mensonges. C’est ce dont j’ai maintenant à parler, et surtout de la grandeur de l’empire romain ; car pour ce qui est de la pernicieuse influence des démons sur les mœurs, je l’ai déjà fait ressortir très-amplement dans le second livre. Je n’ai pas manqué non plus, chaque fois que j’en ai trouvé l’occasion dans le cours de ces trois premiers livres, de signaler toutes les consolations dont les méchants comme les bons, au milieu des maux de la guerre, ont été redevables au nom de Jésus-Christ, selon l’ordre de cette providence « qui fait lever son soleil et tomber sa pluie sur les justes et sur les injustes ?[2] »

  1. Voyez l’édition d’Elmenhorst, page 73.
  2. Matt. V, 45.