La Cité de Dieu (Augustin)/Livre III/Chapitre XXVI

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 66-67).
CHAPITRE XXVI.
DES GUERRES QUI SUIVIRENT LA CONSTRUCTION DU TEMPLE DE LA CONCORDE.

Ils crurent donc, en mettant devant les yeux des orateurs un monument de la fin tragique des Gracques, avoir un merveilleux obstacle contre les séditions ; mais les événements qui suivirent, plus déplorables encore, firent paraître l’inutilité de cet expédient. À partir de cette époque, en effet, les orateurs, loin de songer à éviter l’exemple des Gracques, s’étudièrent à les surpasser. C’est ainsi que Saturninus, tribun du peuple, le préteur Caïus Servilius, et, quelques années après, Marcus Drusus, excitèrent d’horribles séditions, d’où naquirent les guerres sociales qui désolèrent l’Italie et la réduisirent à un état déplorable. Puis vint la guerre des esclaves, suivie elle-même des guerres civiles pendant lesquelles il se livra tant de combats et qui coûtèrent tant de sang. On eût dit que tous ces peuples d’Italie, dont se composait la principale force de l’empire romain, étaient des barbares à dompter. Rappellerai-je que soixante-dix gladiateurs commencèrent la guerre des esclaves, et que cette poignée d’hommes, croissant en nombre et en fureur, en vint à triompher des généraux du peuple romain ? Comment citer toutes les villes qu’ils ont ruinées, toutes les contrées qu’ils ont dévastées ? À peine les historiens suffisent-ils à décrire toutes ces calamités. Et cette guerre ne fut pas la seule faite par les esclaves ; ils avaient auparavant ravagé la Macédoine, la Sicile et toute la côte. Enfin, qui pourrait raconter toutes les atrocités de ces pirates, qui, après avoir commencé par des brigandages, finirent par soutenir contre Rome des guerres redoutables ?