La Cité de Dieu (Augustin)/Livre III/Chapitre XXIII

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 65).
CHAPITRE XXIII.
DES MAUX INTÉRIEURS QUI AFFLIGÈRENT LA RÉPUBLIQUE ROMAINE À LA SUITE D’UNE RAGE SOUDAINE DONT FURENT ATTEINTS TOUS LES ANIMAUX DOMESTIQUES.

Rapportons maintenant le plus succinctement possible des maux d’autant plus profonds qu’ils furent plus intérieurs, je veux parler des discordes qu’on a tort d’appeler civiles, puisqu’elles sont mortelles pour la cité. Ce n’étaient plus des séditions, mais de véritables guerres où l’on ne s’amusait pas à répondre à un discours par un autre, mais où l’on repoussait le fer par le fer. Guerres civiles, guerres des alliés, guerres des esclaves, que de sang romain répandu parmi tant de combats ! quelle désolation dans l’Italie, chaque jour dépeuplée ! On dit qu’avant la guerre des alliés tous les animaux domestiques, chiens, chevaux, ânes, bœufs, devinrent tout à coup tellement farouches qu’ils sortirent de leurs étables et s’enfuirent çà et là, sans que personne pût les approcher autrement qu’au risque de la vie[1]. Quel mal ne présageait pas un tel prodige, qui était déjà un grand mal, même s’il n’était pas un présage ! Supposez qu’un pareil accident arrivât de nos jours ; vous verriez les païens plus enragés contre nous que ne l’étaient contre eux leurs animaux.

  1. Voyez Orose, Hist., lib. v, cap. 18.