La Cité de Dieu (Augustin)/Livre I/Chapitre XXXVI

La Cité de Dieu
Texte établi par RaulxL. Guérin & Cie (Œuvres complètes de Saint Augustin, tome XIIIp. 24-25).
CHAPITRE XXXVI.
DES SUJETS QU’IL CONVIENDRA DE TRAITER DANS LES LIVRES SUIVANTS.

Mais avant d’aborder cette entreprise, j’ai encore quelque chose à répondre à ceux qui rejettent les malheurs de l’empire romain sur notre religion, sous prétexte qu’elle défend de sacrifier aux dieux[1]. Il faut pour cela que je rapporte (autant du moins que ma mémoire et le besoin de mon sujet le permettront) tous les maux qui sont arrivés à l’empire ou aux provinces qui en dépendent avant que cette défense n’eût été faite : calamités qu’ils ne manqueraient pas de nous attribuer, si notre religion eût paru dès ce temps-là et interdit leurs sacrifices impies. Je montrerai ensuite pourquoi le vrai Dieu, qui tient en sa main tous les royaumes de la terre, a daigné accroître le leur, et je ferai voir que leurs prétendus dieux, loin d’y avoir contribué, y ont plutôt nui, au contraire, par leurs fourberies et leurs prestiges. Je terminerai en réfutant ceux qui, convaincus sur ce dernier point par des preuves si claires, se retranchent à soutenir qu’il faut servir les dieux, non pour les biens de la vie présente, mais pour ceux de la vie future. Ici la question, si je ne me trompe, devient plus difficile et monte vers les régions sublimes. Nous avons affaire à des philosophes, non pas aux premiers venus d’entre eux, mais aux plus illustres et aux plus excellents, lesquels sont d’accord avec nous sur plusieurs choses, puisqu’ils reconnaissent l’âme immortelle et le vrai Dieu, auteur et providence de l’univers. Mais comme ils ont aussi beaucoup d’opinions contraires aux nôtres, nous devons les réfuter et nous ne faillirons pas à ce devoir. Nous combattrons donc leurs assertions impies dans toute la force qu’il plaira à Dieu de nous départir, pour l’affermissement de la cité sainte, de la vraie piété et du culte de Dieu, sans lequel on ne saurait parvenir à la félicité promise. Je termine ici ce livre, afin de passer au nouveau sujet que je me propose de traiter.

  1. La prohibition du culte païen date de Constantin. Elle fut poursuivie par Valentinien et consommée par Théodose. Voyez Eusèbe, Vit. Const., lib. ii, cap. 43, 41, et lib. iv, cap. 23 ; Nicéphore, lib. vii cap. 46 ; Théodoret, Hist. Eccl., lib. v, cap. 21, et saint Augustin, De Cons. Evang., lib. i, n. 42.