VIII

DU JOLI MONSIEUR LEDOUX ET DES FIANÇAILLES QUI AVAIENT LIEU CE SOIR AU DEDANS ET AU DEHORS DE L’AUBERGE DU LION-D’OR.


On se souvient que nos trois coquins, l’Anglais Rogue, le juif portugais Salva et leur digne patron Piètre Gadoche avaient entendu des rires et l’agitation d’une besogne joyeuse, à l’intérieur de l’auberge du Lion-d’Or, pendant qu’ils tenaient conférence au coin du feu. C’est qu’on avait travaillé, en effet, cette après-dînée, et gaîment. Il y avait du monde à la cuisine, autour des fourneaux brûlants, et du monde aussi dans la chambre de la grande Hélène, où se confectionnaient les robes blanches, parures semblables des deux sœurs pour la fête du soir. Dans la grange, valets et servantes nouaient des branches de buis vert pour faire des guirlandes. La grande fille du bonhomme Olivat était un petit peu rude parfois, et il ne fallait point lui tenir tête, mais on l’aimait parce qu’elle avait un charitable cœur, malgré ses vanteries d’égoïsme, et chacun contribuait de son mieux à faire belle et brillante la fête de ses épousailles.

Le fatout lui-même, en soupirant gros, avait abouté plus de dix aunes de guirlandes.

Dès que la retraite du faux pèlerin et de ses compagnons avait laissé libre la salle commune, ç’avait été une bruyante irruption de tous les gens de la maison. La porte était close désormais pour tous ceux qui n’étaient point de la noce. On ne se marie pas tous les jours, et, par cette froidure, les voyageurs étaient rares. En un clin d’œil, les sombres murailles de la salle commune furent couvertes de riants feuillages et de rubans de laine, arrangés en belles touffes pour remplacer les fleurs. Il y en eut partout, Dieu merci, jusque dans le pauvre escalier qui montait à la soupente où le père Olivat dormait ou souffrait, sur la paillasse, pleine de ses écus.

La nuit tombée, les amis et voisins, invités de la noce, commencèrent à venir, qui à pied, qui en carriole. À Bar-le-Duc, on avait un peu tourné le dos au bonhomme Olivat à l’époque de sa ruine ; personne n’avait pleuré bien amèrement sur le malheur de ce vieux soudard, enrichi par plaies et bosses ; mais à Bar-le-Duc comme ailleurs, les économies, mêmes cachées, ont une voix argentine qui s’entend de très loin. On regardait mieux le bonhomme Olivat à mesure que grossissait sa tirelire.

Si bien que, parmi ses amis d’autrefois, petits bourgeois, petits fonctionnaires, gros tisseurs de cotonnades ou fabricants de confitures de groseilles, fortune et renom de cette vieille ville de Bar, personne n’avait refusé l’invitation.

Les gens de la noce arrivèrent pour la fin des préparatifs et y mirent la main de bon cœur. Tout le monde était d’humeur charmante et de grand appétit. On s’étonnait seulement de l’absence de Nicaise, le fatout, premier ministre de la grande Hélène, et qu’on aurait dû rencontrer dans tous les coins.

Où pouvait être Nicaise à cette heure solennelle ? Hélène l’avait déjà dix fois demandé. Seule la gentille Mariole aurait pu répondre à cette question, mais elle n’avait garde.

Ce n’était pas à proprement parler un repas. La coutume lorraine était et est encore de célébrer les épousailles par une sorte de bal, entouré de tables toujours servies, où chacun, entre les danses, mange à sa volonté. Les choses étaient très bien faites. Il y avait abondance de bonne soupe, de viande rôtie et bouillie, une véritable cocagne de gâteaux de toutes sortes. Le vin de Moselle coulait à discrétion. Deux ménétriers, debout sur des cuves retournées sens dessus-dessous, faisaient siffler le fifre et grincer le violon. Les hommes étaient gais de boire, les femmes de danser ; tout allait pour le mieux.

À ceux qui demandaient des nouvelles du bonhomme Olivat, la grande Hélène répondait, laissant rire ses yeux mouillés.

— Le père a sa part de la fête. Il s’est fait mettre une chemise blanche de fine toile. Il mange sa soupe et boit son vin miellé à votre santé.

La tante Catherine avait sa part de la fête aussi, pauvre vieille femme, et aussi les quatre petits. La tante Catherine mangeait, buvait, bavardait, fière d’un immense bonnet qui était le cadeau de noce. Les quatre bambins criaient comme des aigles et se jetaient, turbulent troupeau, entre les jambes des danseurs.

Il y avait là bien des gens qui ne l’avaient jamais regardée, la grande Hélène, et qui s’étonnaient de la trouver si belle. De fait, vous n’auriez pas rencontré à dix lieues à la ronde un plus glorieux brin de fille. Sa robe de cotonnade blanche lui allait comme un charme. Mariole, avec le goût naturel qui vient on ne sait comme à ces chères créatures, avait coiffé les magnifiques cheveux noirs de sa grande sœur où des graines de houx, rouges comme du corail, perlaient l’opulence des longues tresses. Hélène était gaie, elle était heureuse et savez-vous de quoi ?

De Mariole, habillée de blanc aussi, mais dont la robe était plus fine, de Mariole dont les cheveux blonds s’enroulaient, nattés avec un mince ruban bleu ciel, de Mariole qui était jolie comme les anges et qu’on eût prise pour la fiancée.

Hélène ne le disait point ; elle ne disait guère ce qu’elle éprouvait, cette grande fille, et sa préoccupation était plutôt de cacher les larges tendresses de son cœur ; mais elle songeait à l’heure où cette chère enfant à son tour, prendrait aussi le voile des épousées. Cela ne pouvait tarder. Voici qu’elle était grande et jolie.

Il y avait une remarque qui cependant sautait aux yeux de chacun : les rôles semblaient intervertis entre la grande Hélène et sa Poupette.

D’ordinaire, Hélène avait l’aspect rude et presque soucieux, tandis que la Poupette, toujours joyeuse, souriait à tous et chantait comme un oiseau du bon Dieu. Aujourd’hui le visage soucieux de la Poupette faisait ombre par intervalles à la joie paisible qui rayonnait autour du front d’Hélène. Un soir de danse ! elle qui n’avait encore jamais dansé !

Était-elle jalouse ? ou quoi ? car on ne sait jamais quand il s’agit d’une fillette. En attendant, Hélène dansait avec son promis, M. Ledoux. Nous avons gardé celui-ci pour le dernier, parce qu’il était le vrai lustre et le principal succès de la fête.

Vrai, il y avait de quoi être jalouse. Il était propre, ce M. Ledoux, frisé, frais, rose, grassouillet ; il avait un pourpoint vert-pomme qui lui allait comme un gant et des souliers à boucle qui reluisaient mieux que deux miroirs. Il dansait à miracle ; personne ne savait sauter comme lui la gigue champenoise ni mener la courante de Soissons. Ah ! certes, la grande Hélène pouvait être fière ! Tant de talent ! tant d’agréments ! et collecteur des gabelles avec cela !

Je ne sais si la grande Hélène était, au fond, bien éprise de ce rayonnant M. Ledoux, mais elle était assurément flattée, et, en somme, elle se mariait avec plaisir.

Quand M. Ledoux lui parlait à l’oreille, elle rougissait et tout le monde de sourire ! Que lui disait-il ? D’autres fois, pendant que M. Ledoux causait, la grande Hélène fronçait tout à coup le sourcil. Que lui disait-il encore ? Nous ne répéterons rien des propos véritablement aimables que M. Ledoux glissait à l’oreille de sa fiancée, mais nous confierons au lecteur ce qui, dans son entretien, amenait un froncement aux sourcils de la grande Hélène. M. Ledoux avait déjà dit plusieurs fois et sans paraître y attacher d’importance :

— Où donc est cet innocent de Nicaise ?

Et il avait ajouté par manière d’acquit :

— Voyez donc, ma promise, comme cette petite Mariole a l’air triste, ce soir !

Hélène ne le voyait que trop.

— Mariole est toute diote par la timidité de son âge, répondait-elle, pourtant et ce bêta de Nicaise nous prépare, je parie bien, quelque surprise à son idée.

— C’est égal, concluait le joli M. Ledoux, je ne sais pas qu’en dire, mais il y a quelque chose d’étonnant dans la maison, à cette heure !

Malgré elle Hélène partageait au fond l’avis de son épouseur.

— Qu’as-tu donc, petiote ? demanda-t-elle une fois en arrêtant Mariole au passage.

— Rien, ma sœur, répondit la Poupette, qui se força de sourire.

Et ce fut tout. Vers huit heures, au plus fort de la danse, on vit paraître enfin cet innocent de Nicaise ou ce bêta, au choix du lecteur. Il avait la figure un peu bouleversée, les habits en désordre et les cheveux tout mouillés par le givre qui allait fondant, mais il faisait de son mieux pour se donner une apparence tranquille.

Son trouble n’étonnait point trop les convives, parce que chacun était habitué à le voir assez embarrassé de sa personne. Ce qui eût étonné si quelqu’un l’avait remarqué, ç’aurait été le regard aigre que lui jeta le joli M. Ledoux.

Mariole, qui était en train de sauter une gavotte, s’arrêta court à sa vue et devint plus pâle que la blanche étoffe de sa robe. Fuis le rouge lui monta au front, parce que les yeux du fatout lui avaient parlé.

— D’où viens-tu, innocent ? s’écria la grande Hélène en riant et en saisissant Nicaise par le bras. Je te croyais mangé aux loups.

— Ah ! demoiselle, répliqua Nicaise, peu s’en est fallu, et aux serpents ! Avez-vous ouï d’ici le coup de mousquet ? Que Dieu nous protège ! Il y a de quoi avoir peur dans la forêt, bien sûr !

— Et pourquoi as-tu été dans la forêt ?

— Pourquoi, demoiselle ? C’est drôle, allez ! ah ! ah ! ah !

Il essaya de rire et resta bouche béante à regarder Mariole, qui se coulait du côté de la cuisine.

— Elle a compris, la petiote, pensa-t-il.

Hélène lui secoua le bras.

— Répondras-tu, méchant idiot ! fit-elle. J’ai été inquiète.

— De vrai ? Vous avez bien de la bonté, demoiselle… Ah ! les bandits !… J’avais donc été un petit peu me promener, voir le temps qu’il faisait.

— Un jour comme aujourd’hui ! s’écria Hélène. Tu as un secret, fatout !

La figure de Nicaise exprima une horreur si naïve qu’Hélène éclata de rire.

— Oh ! demoiselle ! dit-il avec des larmes dans la voix. Moi, un secret ! Par exemple !

— Eh bien, après ? Tu as l’âge peut-être !

— Oh ! non, demoiselle… quoique… mais vous ne saurez jamais ça !

— Quoi donc, innocent ?

— Des bêtises, demoiselle… quoique… Ah ! voyez-vous, jamais !

En même temps il pensait :

— N’empêche que la petiote est partie !

Hélène le lâcha, de guerre lasse, et il poussa un soupir capable de faire tourner un moulin à vent.

— D’où vient-il ? demanda M. Ledoux en reprenant le bras de sa fiancée.

— De courir le guilledou, vraiment. En danse !

— En danse !… Voilà qui est drôle, dites donc. L’innocent revenu, Mariole est envolée !

Hélène s’arrêta et promena son regard inquiet tout autour de la salle. La Poupette avait, en effet, disparu.

— Que veut dire ceci ? murmura-t-elle.

— En danse ! répéta M. Ledoux, mais c’est certain qu’il y a quelque chose d’étonnant ici, ce soir.

Pour la première fois depuis que la fête était commencée, Hélène ne dansa point de bon cœur. Elle se disait : « Je suis folle ! la petiote est quelque part dans la maison. » Mais son cœur se serrait.

Au dehors, Mariole, qui était sortie par la porte de derrière, rencontra Raoul sur la route, à quelques pas de la maison. Le froid l’avait saisie, mais c’était surtout la frayeur qui la faisait grelotter. Raoul voulut la couvrir de son manteau, elle le repoussa.

— Je ne sais pas si je fais mal, dit-elle ; mais Dieu me pardonnera, car je n’ai pas d’autre pensée que de prévenir un grand malheur. Je vous remercie d’être venu, monsieur Raoul.

— Eussé-je été à cent lieues de vous, répondit le braconnier, je serais accouru !

Elle semblait se recueillir et chercher ses paroles. Le vent avait chassé les nuages. Un rayon de lune tombait sur son front. Raoul joignit les mains et murmura :

— Oh ! Mariole, quand viendra pour nous aussi le jour des fiançailles !

— Au nom de Dieu qui nous voit, monsieur Raoul, répondit la fillette gravement, ne me parlez pas ainsi. Je sais que vous êtes un gentilhomme.

Raoul fit un geste d’étonnement. Elle poursuivit :

— Les gentilshommes n’épousent pas de pauvres filles comme moi. Vous m’avez trompée, monsieur Raoul.

La lune frappait aussi le jeune et loyal visage du vicomte qui mit sa main sur son cœur.

— Au nom de Dieu qui nous voit Mariole, répondit-il je vous ai dit la vérité. Les pieuses enfants telles que vous meurent quand elles sont trompées ; je sais cela, et je donnerais mille fois ma vie pour la vôtre. Je suis gentilhomme, il est vrai, un pauvre gentilhomme, car, si je descends de haut, je n’ai plus que mon épée. Hier, Mariole, je n’étais pas ambitieux ; aujourd’hui je veux que mon épée vous gagne la fortune et la noblesse. Ceux de mon pays ne mentent point, mon déguisement n’était pas pour vous tromper, mais pour accomplir un grand devoir auquel, avant de vous connaître, j’avais dévoué ma vie. Mariole, j’aime votre vertu autant que mon propre honneur. C’est soir des fiançailles ici, voulez-vous être ma fiancée ?

Un bruit de pas se fit entendre sur la route au loin. Ils se reculèrent sous l’ombre d’un arbre. La maison du Lion-d’Or éclatait de lumière et de rires.

Les pas approchaient. C’étaient deux hommes qui allaient, suivant cauteleusement la lisière du chemin. L’un d’eux boitait. Tous deux avaient le chapeau rabattu et des lambeaux de manteau autour des reins.

— C’est ici, dit le boiteux en s’arrêtant au bout de la haie qui fermait le petit jardin du Lion-d’Or. Il nous faut entrer par la porte de derrière.

— Du diable si je n’aimerais pas mieux danser ou dormir comme un honnête homme, répondit l’autre avec la voix de pharynx qui distingue les Portugais. On croit que les voleurs travaillent pour s’amuser…

Ils tournèrent l’angle du jardin et disparurent. Raoul avait fait tous ses efforts pour les reconnaître, mais la lune était en ce moment sous un nuage. Il voulut reprendre l’entretien là où l’approche des deux inconnus l’avait interrompu. Mariole lui coupa la parole.

— Monsieur Raoul, dit-elle résolument, je ne suis pas venue ici pour parler de notre mariage ; je vous en prie, laissez-moi vous dire le danger qui vous menace…

— Je vis de danger, Mariole, voulut répliquer Raoul.

— Et qui menace aussi, poursuivit la fillette, celui que vous servez.

Raoul se tut aussitôt et devint attentif.

— Malheureusement, reprit Mariole, je ne peux pas vous dire des choses bien claires ni bien précises, car l’entretien était commencé quand j’ai surpris ces hommes.

— Quels hommes ? demanda le vicomte.

— Ceux qui étaient avec vous ce matin au Lion-d’Or.

— Rogue et Salva ?

— Et un troisième.

— Ah ! ah ! un troisième ?

— Je ne sais pas son nom. Je n’ai même pas vu son visage. Il était déguisé en vieux pèlerin… Mais c’est un jeune homme, j’en suis sûr !

— Ah ! ah ! fit encore Raoul. C’est un jeune homme… et il était déguisé en vieillard !

— Que Dieu me pardonne, murmura Mariole, un doute me poursuit depuis l’instant où j’ai vu cela… Ma sœur, ma pauvre sœur Hélène, si bonne, si noble !… mais c’est folie ! et à confesse, je m’accuserai de cela comme d’un péché mortel, car M. Ledoux est un honnête homme !

— Je ne connais pas ce M. Ledoux, dit Raoul.

Mariole secoua sa blonde tête, comme si elle eût voulu chasser l’obsession d’une importune pensée.

— C’est folie ! répéta-t-elle. Ce dont je suis sûre, c’est que vos deux compagnons vous trahissent, et que le troisième leur a promis de l’argent pour assassiner le… le…

— Le roi, acheva Raoul.

— Ma grande sœur Hélène dit que ce n’est pas un roi, murmura Mariole.

— Il le sera, répliqua le vicomte en souriant, et, dès qu’il le sera, je vous promets que de sa main royale il signera notre contrat de mariage !

— Est-ce possible ? s’écria Mariole.

— Vous venez de lui sauver la vie, prononça gravement Raoul. Achevez, dites-moi tout : vous avez raison, il n’est pas temps, cette nuit, de songer à soi.

Mariole fit appel à ses souvenirs pour rapporter tout ce qu’elle avait vu et entendu ; Raoul l’écoutait avec une attention profonde. Quand elle eut achevé, Raoul interrogea.

— Êtes-vous bien sûre, demanda-t-il, de n’avoir entendu prononcer aucun nom ?

— Vos deux compagnons appelaient le faux pèlerin « patron », répondit la Poupette.

— Ils n’ont pas laissé échapper le nom de Piètre Gadoche ?

Mariole recula toute tremblante.

— Seigneur Dieu ! s’écria-t-elle, ce monstre est-il dans le pays ? Ah ! ce nom-là, fût-il murmuré tout bas, s’entend ici de bien loin, monsieur Raoul ! C’est Piètre Gadoche qui brûla autrefois notre maison, quand M. Olivat était riche…

Raoul l’interrompit et dit :

— Mariole, vous avez gagné, cette nuit, notre bonheur à tous deux. Ne craignez rien du bandit Piètre Gadoche. S’il est dans le pays, il n’y restera pas longtemps : nous allons l’entraîner sur nos traces, en partant cette nuit.

— Mais vous alors, mais vous ! s’écria Mariole, savez-vous que ce Piètre Gadoche est un assassin par métier !

Le regard de Raoul était presque paternel. Il entr’ouvrit son manteau et son pourpoint pour arracher, en rompant la petite chaîne d’or de son cou une médaille qu’il portait cachée sur sa poitrine.

— Voici, dit-il avec lenteur en étendant le bras comme on fait pour prêter un solennel serment, voici l’image de la vierge miraculeuse de Combourg, que je porte en souvenir de ma bien-aimée mère. À l’heure où nous sommes, en effet, ma vie ne tient qu’à un fil, vous l’avez deviné Mariole. Que ceci soit notre gage : en partant, je vous confie cette médaille sainte comme à la fille de ma mère, en signe que vous et moi nous sommes promis l’un à l’autre devant Dieu. Au revoir, ma chère fiancée. Je reviendrai réclamer votre foi, qui est mon plus cher bien en ce monde. Si je ne reviens pas c’est que je serai mort. Il détacha son cheval et bondit en selle en répétant :

— Au revoir et priez pour moi !

— Oh ! ne bravez pas le danger ! s’écria Mariole, ne partez pas ! Si je suis venue, sainte Vierge ! c’était pour vous dire : Ne partez pas ! ne partez pas !

Sa voix s’éteignit : elle se laissa tomber à genoux sur la terre glacée. La fête riait et dansait toujours dans la maison du Lion-d’Or, étouffant sous ses bruits joyeux le galop du cheval de Raoul, qui allait déjà se perdant dans le lointain.