La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XXXVII

, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 149-150).

Chapitre trente-septième.
Ci devise comment on doit aler en queste pour le sanglier.


Le vallet qui est nouvellement fet doit aler en queste pour le senglier en cieu manière, au commencement de la saison des sengliers, qui est, comme j’ay dit, vers la Sainte Croix de septembre, et il ha encore aux champs des demourans des blez et autres fruitz de quieuque condition qu’ilz soyent, là doit il aler pour encontrer le senglier ; quar voulentiers ilz vont aux vinhes et aux pommes soient sauvaiges ou non. Et quant les fruiz de la terre sont recueillis, que on n’en trueve mes sur les champs, ne pommes ne raysins, lors doit il aler ès forès où il ait de glant et de fayne. Et quant la glant et la faine ont passé leur sayson, lors doit aler en queste aux fouges[1] pour les racines qu’ilz mengent et de l’esperge. Et aussi puet il aler en queste aux mares et marrhez et ruysseulz pour encontrer au sueill et au mengier ; quar aucunefois la glant chiée ès ruysseulz et les porcs les y vienent bien querir, quant toutes mengeures leurs sont faillies. Et s’il en encontre, il le doit destourner en cieu manière. Les sengliers, comme j’ay dit, demuerent voulentiers en fort pays ou de boys ou de bruyères ou d’ajoncx, et aucunefois ilz demuerent bien ès hautes fustoyes ; mes que de bas ayt aucun fort.

Et s’il encontre d’un senglier qui li plaise en aucunes questes que jay dit dessus et il entre ès hautes fustoyes, combien qu’il y puisse demourer, poursieve le hardiement, quar s’il l’en fait aler, ne puet trop gréver ; quar il est de bon raprouchier, meilleur que nulle autre beste pour l’ourgueill qu’il ha. Toutesvoyes il y ha bien des sengliers malicieus, que tant tots comme ilz oyent un chien, ilz s’en vont, que jà de tout le jour ne le rapprochera l’en, aussi bien comme si trois chiens ou quatre les chassoyent. Et pour ce je loe pour le mieulz que, s’il encontre d’un senglier, il ne le poursuyve pas trop. Espicialement s’il entre en fort pays ou il li semble que puisse et doyve bien demourer ; mes quant il verra qu’il entrera en bon pays, si face ilec ses brisées et preinhe au tour à tout son limier, ainsi comme j’ay dit en la queste du cerf et s’en revienhe à l’assemblée.

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  1. Voici comment le mot fouge est expliqué par Du Fouilloux, chap. xlviii : « Car il faut entendre que toutes espèces de fruits qu’il peut manger sans fouger, se doivent nommer mangeures ; et toutes autres choses où il lève la terre avec le nez (autrement appelé boutoüer) pour avoir les racines se doivent nommer fouge. »