La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XIII

, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 77-78).

Chapitre treizième.
Du chat et de toute sa nature.


Chat est assés commune beste ; si ne me convient jà dire de sa faisson ; quar pou de gens sont qui bien n’en ayent veuz. Toutesvoyes y a il de diverses manières de chatz sauvaiges, espicialment il en y a uns qui sont grans comme liépardz et ceulx appellent aucuns lous serviers et autres chatz lous ; et c’est mau dit, quar ils ne sont ne lous cerviers ne chatz lous. On les pourroit mieulx apeler chatz liépars que autrement ; quar ils trayent plus près à liépard que à autre beste. Ilz vivent de ce que autres chatz vivent fors tant qu’ils prenent des gelines et des oves, et une chièvre ou une brebis s’ilz la truevent toute seule ; quar ils sont einsi grans que un lou, et ont auques la forme d’un liépard, mes qu’ils n’ont pas si longue queue ; un lévrier tout seul ne se pourroit prendre à riestenir un de ceuls chatz. Il prendroit et tendroit ferme plustost un lou qu’il ne feroit luy ; quar ils ont les ongles comme un liépart et en oultre très male morsure.

On les chasse pou se n’est d’aventure, et quant chiens le truevent d’aventure il ne se fet pas longuement chassier, mes se met tantost en defense, ou il monte sur un arbre ; et pource qu’il ne fet point longue fuyte, en parleray je pou ; quar la chasse de luy n’a guères de mestrise. Ils portent et sont en amour comme une autre chat, mes ils ne font de leurs chatons fors que deux. Ils demeurent ès caves des arbres et font ilec leur lit de fouchières et d’erbes, et le chat masle aide à nourrir ses chatons en la forme que fet un lou.