La Chanson française du XVe au XXe siècle/XVIIIe siècle/Notice

XVIIIe siècle : Notice
La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 141-142).


XVIIIe SIÈCLE


Les tendances si diverses qui se partagent l’âme française au XVIIIe siècle s’expriment avec une curieuse netteté dans la chanson. À l’époque de la Régence nous assistons à une énorme floraison de chansons bachiques ou galantes, célébrant tour à tour ou en même temps le vin et les amours faciles. Sans doute l’ « air à boire » existait bien avant ; c’était depuis longtemps un genre essentiellement français. Mais il devient alors plus fréquent que jamais, et surtout il prend une légèreté et parfois une élégance tout à fait caractéristiques. Et quand il se corse de galanterie, quand il y apparaît quelque « bergère ivre », nous avons cette étrange espèce de chanson que les recueils du temps désignent couramment sous le nom de tendresse bachique.

Sous le règne de Louis XV, la même tradition se continue, mais une note nouvelle s’y ajoute, le trait d’esprit perpétuel, signe de sécheresse et de scepticisme sentimental. C’est le temps de la première société du Caveau où Piron, Collé, Gallet et Pannard rivalisent de gaîté et de verve malicieuse.

Peu à peu se fait jour l’âme « sensible » des contemporains de Louis XVI. C’est l’âge d’or de la romance, née de la chanson narrative et de l’ancien air de cour, mais dont l’allure langoureuse et le sentiment un peu fade sont si éloignés du genre de la chanson véritable. Nous en avons donné quelques exemples à cause de son importance historique.

Enfin l’enthousiasme populaire de la Révolution déborde dans les chants de la fin du siècle. Explosion soudaine, inattendue. Libertins, buveurs et paillards se sont découvert une foi. Les refrains frivoles se taisent pour un temps : la France tout entière chante la Marseillaise.