La Chanson française du XVe au XXe siècle/Le Roi d’Yvetot

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 226-227).


LE ROI D’YVETOT

Mai 1813
Air : Quand un tendron vient en ces lieux.


Il était un roi d’Yvetot
    Peu connu dans l’histoire,
Se levant tard, se couchant tôt,
    Dormant fort bien sans gloire
Et couronné par Jeanneton
D’un simple bonnet de coton,
                Dit-on.
Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !
Quel bon petit roi c’était là !
                La, la.

Il faisait ses quatre repas
    Dans son palais de chaume,
Et sur son àne, pas à pas,
    Parcourait son royaume.
Joyeux, simple et croyant le bien,
Pour toute garde il n’avait rien
                Qu’un chien.
Oh ! oh ! oh ! oh ! etc.


Il n’avait de goût onéreux
   Qu’une soif un peu vive ;
Mais en rendant son peuple heureux.
   Il faut bien qu’un roi vive.
Lui-même, à table et sans suppôt,
Sur chaque muid levait un pot
                D’impôt.
Oh ! oh ! oh ! oh ! etc.

Aux filles de bonnes maisons
    Comme il avait su plaire,
Ses sujets avaient cent raisons
    De le nommer leur père :
D’ailleurs il ne levait le ban
Que pour tirer quatre fois l’an
                Au blanc.
Oh ! oh ! oh ! oh ! etc.

Il n’agrandit point ses États,
    Fut un voisin commode,
Et, modèle des potentats,
    Prit le plaisir pour code.
Ce n’est que lorsqu’il expira
Que le peuple qui l’enterra
                Pleura.
Oh ! oh ! oh ! oh ! etc.

On conserve encor le portrait
    De ce digne et bon prince ;
C’est l’enseigne d’un cabaret
    Fameux dans la province.
Les jours de fête, bien souvent,
La foule s’écrie en buvant
                Devant :
Oh ! oh ! oh ! oh ! etc.

Béranger.