La Chanson française du XVe au XXe siècle/Le Lavoir

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 241-242).


LE LAVOIR


Tous les jours, moins le dimanche,
On entend le gai battoir
Battre la lessive blanche
Dans l’eau verte du lavoir.

Une rigole en vieux chêne
Au lavoir amène l’eau
De la colline prochaine
Où se tient caché l’écho,
L’écho qui jase et babille
Et redit tous nos lazzis ;
Car nous lavons en famille
Tout le linge du pays.
Tous les jours, etc.

La margelle est une pierre
Aussi lisse qu’un miroir ;
Un vieux toit fourni de lierre
Tient à l’abri le lavoir ;
De l’iris les feuilles vives
Y dardent leurs dards pointus ;
Pour embaumer nos lessives
Sa racine a des vertus.
Tous les jours, etc.

La vieille branlant mâchoire
Qui se souvient de cent ans,
Conte aux jeunes quelque histoire
Aussi vieille que le Temps ;
C’est Satan qui se démène
Dans le corps d’un vieux crapaud,
Ou bien c’est quelque âme en peine
Qui, la nuit, vient troubler l’eau.
Tous les jours, etc.


Tout en jasant la sorcière
Tord son linge à tour de bras ;
Auprès fume une chaudière,
C’est comme aux anciens sabbats.
Mais dans un coin la fillette
Qui veut plaire à son galant,
Mire dans l’eau sa cornette,
Sa ceinture et son bras blanc.
Tous les jours, etc.

Pierre Dupont.