J’ai vu la Paix descendre sur la terre,
Semant de l’or, des fleurs et des épis.
L’air était calme, et du dieu de la guerre
Elle étouffait les foudres assoupis.
« Ah ! disait-elle, égaux par la vaillance,
« Français, Anglais, Belge, Russe ou Germain,
« Peuples, formez une Sainte-Alliance,
« Et donnez-vous la main.
« Pauvres mortels, tant de haine vous lasse ;
« Vous ne goûtez qu’un pénible sommeil.
« D’un globe étroit divisez mieux l’espace ;
« Chacun de vous aura place au soleil.
« Tous attelés au char de la puissance,
« Du vrai bonheur vous quittez le chemin.
« Peuples, formez une Sainte-Alliance,
« Et donnez-vous la main.
« Chez vos voisins vous portez l’incendie ;
« L’aquilon souffle, et vos toits sont brûlés ;
« Et quand la terre est enfin refroidie,
« Le soc languit sous des bras mutilés.
« Près de la borne où chaque État commence,
« Aucun épi n’est pur de sang humain.
« Peuples, formez une Sainte-Alliance,
« Et donnez-vous la main.
« Des potentats, dans vos cités en flammes,
« Osent, du bout de leur sceptre insolent,
« Marquer, compter et recompter les âmes
« Que leur adjuge un triomphe sanglant.
« Faibles troupeaux, vous passez, sans défense,
« D’un joug pesant sous un joug inhumain.
« Peuples, formez une Sainte-Alliance,
« Et donnez-vous la main.
« Que Mars en vain n’arrête point sa course ;
« Fondez les lois dans vos pays souffrants ;
« De votre sang ne livrez plus la source
« Aux rois ingrats, aux vastes conquérants.
« Des astres faux conjurez l’influence ;
« Effroi d’un jour, ils pâliront demain.
« Peuples, formez une Sainte-Alliance,
« Et donnez-vous la main.
« Oui, libre enfin, que le monde respire ;
« Sur le passé jetez un voile épais.
« Semez vos champs aux accords de la lyre ;
« L’encens des arts doit brûler pour la paix.
« L’espoir riant, au sein de l’abondance,
« Accueillera les doux fruits de l’hymen.
« Peuples, formez une Sainte-Alliance,
« Et donnez-vous la main. »
Ainsi parlait cette vierge adorée,
Et plus d’un roi répétait ses discours.
Comme au printemps la terre était parée ;
L’automne en fleurs rappelait les amours.
Pour l’étranger, coulez, bons vins de France :
De sa frontière il reprend le chemin.
Peuples, formez une Sainte-Alliance,
Et donnez-vous la main.
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