La Chèvre angora en Amérique

LA CHÈVRE ANGORA EN AMÉRIQUE

Les journaux américains s’occupent beaucoup actuellement d’une acclimatation nouvelle, destinée à prendre encore une importance plus considérable : c’est l’élève des chèvres angora dans l’île Guadalupe.

L’île Guadalupe est située à environ 250 kilomètres de la côte occidentale de la Californie mexicaine. Elle a été achetée par une compagnie formée aux États-Unis et reconnue le 25 janvier 1873. La Guadalupe Island Company se livre exclusivement à la production de chèvres à toison, tant par l’élève de la race d’Angora pure, que par l’amélioration de la race indigène au moyen du croisement. Les explications suivantes ont été fournies sur ses travaux et ses résultats par M. Harrison Gray Otis au « Forest and Stream » de New-York.

Aussitôt en possession de son île, la « Guadalupe Island Company » y débarqua une troupe de beaux boucs angora, destinés à produire avec les chèvres indigènes des individus à toison, si faire se pouvait.

Il faut dire avant tout que l’île Guadalupe renfermait, lors de son achat, un nombre considérable de chèvres. Dans les cinq années précédentes, 32 000 avaient été tuées, rien que pour leur peau et leur suif ; il en restait encore environ 20 000. De ces 20 000, la moitié, étant mâles, seront tués, afin d’arrêter la production des individus sans toison. Les 10 000 femelles seront conservées, pour être croisées avec des boucs angora de premier choix.

Quant à la valeur de ces métis, l’expérience est faite. Le troisième croisement, ayant 7/8 d’angora, donne des chèvres à toison magnifique. Par suite du croisement répété, le sang d’angora prendra sans doute de plus en plus la prédominance ; il absorbera la race primitive, il s’y substituera ; et la belle chèvre d’Asie sera ainsi acquise à l’Amérique.

Il y a longtemps que cette conquête est l’objet d’efforts intelligents. M. Landrum, maintenant directeur du Rancho-Guadalupe, avait réussi à faire reproduire la chèvre d’Angora aux États-Unis, il y a déjà douze années ; et, depuis, il ne cessait d’en prêcher l’élève sur la côte de l’océan Pacifique : outre la grande valeur que lui donne sa toison, cette espèce ne perd rien, sous le climat californien, de ses admirables qualités prolifiques ; elle y est aussi robuste et rustique que dans son pays originel.

Veut-on savoir maintenant sur quoi repose l’entreprise de la Guadalupe Island Company ? En calculant sur un accroissement de 25 p. %, c’est-à-dire bien moindre qu’il ne l’est réellement en Californie pour l’espèce caprine, on trouve que 500 chèvres indigènes et quelques centaines de boucs angora représenteront au bout de dix ans, tant en chair, suif, reproductions, qu’en toisons précieuses, un capital de 2 270 990 liv. sterling, soit un peu plus de 56 millions de francs. Or il y a actuellement dans l’île, non pas 5 000, mais 10 000 chèvres, on y a déjà ajouté près d’un millier de chèvres d’Angora, toutes du sang le plus pur ; et, depuis le premier arrivage, des quantités de boucs considérables, de boucs choisis, comme étalons arrivent sans cesse ; il y en a déjà plusieurs centaines, et ils seront prochainement en proportion, remplaçant totalement les boucs indigènes, que l’on tue.

Quant à l’accroissement futur de l’affaire, il est considérable. L’ile Guadalupe offre d’immenses pâturages appropriés aux chèvres : 166 000 acres (environ 80 000 hectares) au moins, d’une terre herbeuse, c’est-à-dire le « Paradis du Pacifique. » Cela peut nourrir le nombre énorme de 75 000 chèvres. L’angora ne coûte pas plus cher là-bas à élever que la chèvre indigène, c’est-à-dire presque rien ; elle est belle, grande, vigoureuse, reproduit beaucoup, et a une inappréciable valeur, par sa fourrure, comparée à ses congénères.

Voilà ce qu’on fait en Amérique !

H. de la Blanchère.