La Bible enfin expliquée/Édition Garnier/Avertissement de Beuchot

La Bible enfin expliquée par plusieurs aumôniers de de S.M.L.R.D.P.Garniertome 30 (p. 1-3).

Il est mention de la Bible enfin expliquée dans les Mémoires secrets, dès le 26 juillet 1776. Il en parut cette année, et sous ce millésime, deux éditions : l’une, in-8o de ii et 550 pages ; l’autre, in-4o. Le tome XXX de l’édition in-4o des Œuvres de Voltaire, qui contient la Bible enfin expliquée, porte la date de 1777 ; il en est de même d’une édition in-8o. Une autre édition in-8o sous la même date, et qui est intitulée troisième (quoiqu’elle soit au moins la cinquième), est la première qui ait un Avertissement de l’auteur, mais en un seul alinéa.

Cet Avertissement prouve que c’est à des aumôniers du roi de Pologne que Voltaire voulait attribuer le commentaire sur la Bible. La première idée des lecteurs avait été d’interpréter les initiales L. R. D. P. par Le Roi De Prusse ; et quoique cette opinion soit erronée, comme on voit, elle était tellement répandue que souvent encore, en citant la Bible enfin expliquée, on nomme les aumôniers du roi de Prusse.

Voltaire suppose que quatre commentateurs ont travaillé successivement à la Bible enfin expliquée. Le travail du premier ne va guère au delà de la moitié de la Genèse. Le second commentateur a fourni une plus longue carrière, mais il n’a pas achevé le second chapitre du troisième livre des Rois. Le troisième s’étend jusqu’à la fin des Prophètes. Le quatrième commence au premier livre des Machabées.

Frédéric écrivait à d’Alembert, le 25 janvier 1777 :

Voltaire n’a fait que recueillir les sentiments de quelques Anglais et leurs critiques de la Bible… Les commentaires sur la Bible sont moins forts qu’une infinité d’autres ouvrages qui font crouler tout l’édifice, en sorte qu’on aura de la peine à le relever.

Mme  du Chàtelet s’était aussi exercée sur la Bible. Son travail n’a pas vu le jour ; mais le manuscrit autographe existait encore en 1829. Il n’y a pas, ce me semble, grande témérité à croire que Voltaire n’avait pas été étranger à cet écrit de Mme  du Chàtelet ; et il ne serait pas étonnant que les deux ouvrages continssent quelquefois les mêmes remarques[1].

Les Mémoires secrets des 22 octobre et 7 novembre 1776 annoncent que la Bible enfin expliquée a été achetée à Paris par le nonce du pape, pour être envoyée à Rome ; l’ouvrage n’avait pas besoin de cela pour y parvenir. Cependant la Bible expliquée n’est pas dans le Catalogue des livres mis à l’index.

Il n’est pas moins singulier que le parlement, si prodigue de condamnations, n’ait pas fait brûler ce livre. L’avocat général Seguier préparait un réquisitoire, si l’on s’en rapporte aux Mémoires secrets du 10 novembre ; mais je n’ai rien trouvé qui prouvât que ce projet eût eu des suites. M. Peignot, dans son Dictionnaire des livres condamnés, dit (tome II, page 191) que l’ouvrage de Voltaire a été condamné et supprimé, sans indiquer la date de la condamnation. L’auteur des Recherches sur les ouvrages de Voltaire, 1817, in-8o, n’en dit mot.

Il y avait six ans que la Bible enfin expliquée avait paru ; il y en avait quatre que Voltaire était mort, lorsqu’un chanoine de Rouen fit imprimer l’Authenticité des livres tant du Nouveau que de l’Ancien Testament démontrée, et leur véridicité défendue, ou Réfutation de la Bible enfin expliquée de V***, Paris, Moutard, 1782, in-8o ; une réimpression corrigée est intitulée Réfutation de la Bible enfin expliquée, par M. l’abbé Clémence, chanoine de Rouen, mise dans un nouvel ordre, et augmentée d’une foule de preuves dirigées contre les attaques d’autres auteurs impies qui ont aussi combattu les livres saints, par l’abbé Marguet, chanoine de Nancy ; Nancy, Hæner, 1826, in-12.

J’avais eu quelque temps l’idée d’imprimer en petits caractères le texte, objet du commentaire ; et en plus gros caractères les commentaires ou notes, qui, dans les Œuvres de Voltaire, sont texte d’auteur. Mais j’y ai renoncé, non sans motif. Dans la plus grande partie du volume, Voltaire donne une analyse, un résumé, et non une traduction. Le nombre des passages réellement traduits est très-petit comparativement au reste de l’ouvrage, qui, texte et notes, par sa rédaction appartient à Voltaire. Les indications des livres, chapitres et versets de la Bible, qui ont été ajoutées dans des éditions données depuis la mort de Voltaire sont mises entre deux crochets.

B.

  1. Au temps où Voltaire habitait avec la belle Emilie le château de Cirey, on lisait tous les matins, pendant le déjeuner, un chapitre de la Bible, sur lequel chacun faisait ses réflexions à sa manière. Voltaire et Mme  du Chàtelet prirent note de ces commentaires impromptus ; il en résulta deux manuscrits. Celui de la marquise est encore inédit ; quant à celui de Voltaire, il servit de noyau à la Bible enfin expliquée, qui fut publiée au milieu de l’année 1776, c’est-à-dire trente ans après les propos de table du château. (G. A.)