L. Hachette et Cie (p. 205-206).

LXXIV

MORT DE MOÏSE

(Même année, 1357 ans avant J.-C.)



Après avoir remis son cantique à Josué, Moïse monta sur le mont Nébo. C’était là qu’il devait mourir. Le Seigneur lui fit voir du haut de cette montagne toute la Terre promise ; il la contempla quelque temps ; ensuite, le Seigneur lui apparut dans sa gloire, voulant jusqu’à la fin lui donner des preuves de son affection ; et Moïse mourut. La sainte Bible dit que le Seigneur l’ensevelit lui-même, et que personne n’a jamais su où était son corps, ni ce qu’il était devenu.

Petit-Louis. Pauvre Moïse ! Quel âge avait-il ?

Grand’mère. Il avait cent vingt ans. La sainte Bible dit qu’en mourant il avait conservé la vue comme dans sa jeunesse, et qu’il n’avait perdu aucune de ses dents.

Valentine. Comme il était doux et bon, ce pauvre Moïse !

Armand. Cela me fait de la peine qu’il soit mort sans avoir fait entrer son peuple dans la Terre promise.

Henriette. C’est vrai. Ce pauvre Moïse s’était donné tant de peine pendant quarante ans, il avait eu tant de fatigues, il avait tant souffert de l’ingratitude de ce méchant peuple ; et voilà qu’au moment d’arriver, Dieu le fait mourir.

Louis. Je trouve que c’était dur de lui faire voir la Terre promise sans lui permettre d’y entrer.

Jacques. Et pour une si petite faute encore ! Aaron fait un veau d’or, il lui offre un sacrifice comme à un dieu, et il n’a aucune punition ; et ce pauvre Moïse, pour une si petite négligence, est condamné à une punition si sévère !

Jeanne. Écoute, Jacques ; je ne crois pas que Moïse ait été malheureux de mourir : il savait que le bon Dieu l’aimait beaucoup ; il allait le voir pour ne jamais le quitter ; et il aimait beaucoup mieux cela que de continuer à s’éreinter avec ces méchants Juifs.

Marie-Thérèse. Et ces Juifs ne voulaient jamais lui obéir ! Ils grognaient pour tout, ils se révoltaient sans cesse ; moi, je trouve qu’ils étaient réellement insupportables, et que Moïse a dû être très-heureux de se trouver débarrassé d’eux.

Paul. Mais non, il n’était pas content, puisque le bon Dieu le fait mourir pour le punir. C’est très-désagréable d’être puni.

Grand’mère. Mes chers enfants, je comprends très-bien que vous plaigniez Moïse ; malgré tout son amour pour le bon Dieu, il eût certainement été très-heureux de faire entrer ce peuple, auquel il était attaché, dans ce magnifique pays promis depuis quatre cent cinquante ans aux enfants d’Abraham. Il eût été plus heureux encore de n’avoir pas mérité la punition que lui infligeait le bon Dieu ; mais il sentait qu’elle était juste ; que sa faute était grande pour lui, chef de tout ce peuple, lui que le bon Dieu avait nommé son ami, auquel il avait donné toute sa confiance : les plus petites fautes de Moïse étaient grandes, parce qu’elles venaient d’un manque de confiance en Dieu.

Au reste, que ceux d’entre vous qui plaignent ce saint homme se consolent par la pensée du bonheur qu’il a trouvé dans le sein de Dieu depuis l’instant de sa mort, bonheur dont il jouit encore et dont il jouira éternellement. Je crois que Jeanne et Marie-Thérèse ont raison, et que Moïse aimait bien mieux se réunir à Dieu que de rester avec ces Israélites qui ne lui donnaient que de la peine et des ennuis.