CCIV

STATUE D’OR
LES TROIS JEUNES GENS JETÉS DANS LA FOURNAISE

(570 ans avant J.-C.)



Nabuchodonosor, après avoir reconnu le vrai Dieu, le Dieu d’Israël, n’en conserva pas moins son orgueil. Il voulut un beau jour que tout le monde l’adorât comme un Dieu. Il fit faire pour cela une statue tout en or, qui avait soixante coudées, c’est-à-dire trente mètres de haut, et six coudées ou trois mètres de large, et il la fit placer dans la plaine de Dura, près de Babylone.

Il fit ensuite rassembler tous les satrapes ou gouverneurs de provinces, les juges, les magistrats, les officiers de l’armée, les grands seigneurs qui avaient des charges. Ils se tenaient tous debout devant la statue que le roi avait fait placer sur un piédestal ; et les hérauts, c’est-à-dire les crieurs d’édits, criaient : « Peuples, tribus et gens de toutes nations, quand vous entendrez le son de la trompette et les concerts des musiciens, prosternez-vous devant la statue du grand roi Nabuchodonosor, et adorez-la. Si quelqu’un ne se prosterne pas et n’adore pas cette statue, il sera jeté aussitôt dans les flammes de la fournaise. »

Aussitôt donc qu’on entendit le son de la trompette, tous se prosternèrent et adorèrent la statue.

Après la cérémonie, les Chaldéens, jaloux de la faveur des Juifs, s’approchèrent du roi et lui dirent : « Ô Roi, vivez à jamais. Vous avez fait une ordonnance, afin que chacun se prosterne devant votre statue et l’adore ; vous avez proclamé que celui qui n’obéirait pas à cette ordonnance serait aussitôt jeté dans les flammes de la fournaise. Et voilà trois Juifs auxquels vous avez donné de grands pouvoirs, Sidrach, Misach et Abdénago, qui méprisent votre ordonnance, et n’adorent pas votre statue. »

Nabuchodonosor, plein de fureur, fit amener aussitôt devant lui les trois accusés, et leur ordonna avec colère de se prosterner devant sa statue et de l’adorer. « Si vous ne le faites, dit-il, vous serez jetés au moment même dans la flamme de la fournaise. Et, alors, quel est le Dieu qui pourra vous sauver de mes mains ? »

Sidrach, Misach et Abdénago répondirent : « Notre Dieu, le Dieu que nous adorons, pourra certainement nous sauver des flammes de la fournaise, et nous délivrer, ô Roi, d’entre vos mains. S’il ne veut pas le faire, nous vous déclarons néanmoins, ô Roi, que nous ne voulons pas adorer votre statue, et que nous n’honorons pas vos dieux. »

Nabuchodonosor fut rempli d’une telle fureur, que son visage changea et que ses yeux, en regardant les trois jeunes gens, lançaient comme des flammes. Il commanda que le feu de la fournaise fût sept fois plus ardent qu’il n’était.

Il ordonna aux plus forts soldats de sa garde de lier les pieds et les mains de Sidrach, Misach et Abdénago, et de les jeter dans la fournaise tout habillés.

Les soldats les lancèrent dans la fournaise ; et les trois jeunes gens tombèrent dans le milieu des flammes. Le feu était si ardent, que les soldats qui les y avaient jetés tombèrent morts, suffoqués et brûlés.

Les liens de Sidrach, Misach et Abdénago furent consumés en un clin d’œil ; mais eux se promenaient dans la fournaise, chantant les louanges du Seigneur. L’Ange du Seigneur était descendu près d’eux ; il écartait les flammes, et il avait formé au milieu de la fournaise un vent doux et frais, de sorte que la chaleur ne les incommoda pas un seul instant.

Nabuchodonosor criait toujours qu’on jetât dans le feu tout ce qui pouvait le rendre plus violent, de l’étoupe, de la poix, du sarment de vigne, du bitume. La flamme s’éleva à quarante-neuf coudées au-dessus du four ; et, s’étant élancée dehors, elle brûla ceux des Chaldéens qui étaient les plus proches de l’ouverture.

Mais les jeunes Israélites chantaient toujours leur beau cantique qui est connu sous le nom de Cantique des trois jeunes gens dans la fournaise. Il se trouve dans la sainte Bible.

Nabuchodonosor et tout le peuple étaient frappés d’étonnement. Nabuchodonosor se leva tout à coup, et dit aux grands de sa cour : « N’avons-nous pas fait jeter trois hommes liés dans la fournaise ?

— Oui, Seigneur, répondirent-ils.

— J’en vois pourtant quatre, reprit Nabuchodonosor, qui ne sont pas atteints par les flammes, qui marchent au milieu du feu, qui n’ont pas de liens, et dont le quatrième est semblable à un Dieu. »

Alors Nabuchodonosor, s’approchant un peu de la fournaise, dit : « Sidrach, Misach et Abdénago, serviteurs du Dieu très-haut, sortez et venez. » Les jeunes gens sortirent du feu. Le roi et les gens qui l’entouraient, s’approchèrent, les touchèrent, regardèrent attentivement leurs vêtements, leurs chaussures ; ils ne trouvèrent aucune brûlure ; aucun de leurs cheveux même n’avait été atteint, et n’avait aucune odeur de feu ou de fumée.

Le roi, étant comme hors de lui, s’écria : « Béni soit leur Dieu, le Dieu de Sidrach, Misach et Abdénago, qui a envoyé son Ange et a délivré ses serviteurs qui ont cru en lui, qui ont résisté à mes commandements, et qui ont abandonné leurs corps pour n’adorer aucun autre Dieu que le Dieu d’Israël.

« Et voici l’ordonnance que je fais : « Que tout homme, de quelque peuple qu’il vienne, quelque langue qu’il parle, qui aura proféré un blasphème contre le Dieu de Sidrach, Misach et Abdénago, périsse, et que sa maison soit détruite. Car il n’y a d’autre Dieu sauveur que celui-là. »

Armand. Qu’il est bizarre ce Nabuchodonosor ! Tantôt il ne croit qu’à ses idoles, tantôt il ne croit plus qu’en notre bon Dieu ; et toujours il veut faire mourir ceux qui ne croient pas comme lui.

Grand’mère. Il fait comme tous les hommes, et surtout les rois absolus qui se laissent aller à toutes leurs passions du moment, et qui ne veulent pas supporter qu’on les contredise.