L’intérêt qui nous domine

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 166-167).


L’INTÉRÊT QUI NOUS DOMINE


L’intérêt qui nous domine,
Fait que tout homme, ici-bas,
A l’oreille dure ou fine,
Suivant les différents cas.
Quand il faut qu’il nous en coûte,
Nous sommes presque toujours,
                  Sourds ;
Mais pour toucher, on écoute,
Et le plus sourd entend bien :
                  Tien !

Tircis, par un doux langage,
Vient m’amuser chaque jour ;
Dois-je accepter son hommage ?
Répondrai-je à son amour ?
Si son feu, peu légitime,
N’a pour but qu’un certain point,
                  Point :
Si le respect et l’estime
Règlent les vœux qu’il conçoit,
                  Soit.

Dans le sein de la Victoire
Que vous auriez du plaisir,
Guerriers, si de votre gloire
Vous pouviez longtemps jouir !
Mais, après quelque conquête,
Il vous vient dans l’estomac,
                  Tac,
Une balle malhonnête,
Qui fait faire, sans dire ouf,
                  Pouf.


Pour être chéri des belles,
S’il est de puissants ressorts
A faire agir auprès d’elles,
Ce sont ceux des coffres-forts.
Tous les charmes qu’on possède,
Sans cela sont des trésors
                  Morts ;
Mais fût-on fait comme un zède,
L’argent redresse les corps
                  Torts.

Pannard.