L’esclavage en Afrique/Appendice

Texte établi par Letouzey et Ané, Letouzey et Ané (p. 497-506).

APPENDICE


Nous sommes heureux de pouvoir enregistrer ici le succès remporté par le R. P. Dorgère au Dahomey. La paix est assurée, entre Béhanzin et la France, aux conditions suivantes :

1° Reconnaissance par le Dahomey du protectorat français sur Porto-Novo ; 2° cession de Kotonou à la France ; 3° maintien de tous les traités antérieurs.

Pendant son séjour à la Cour de Béhanzin, le R. P. Dorgère a obtenu tout d’abord la mise en liberté des émissaires envoyés à Abomey parle commandant Fournier ; l’amiral de Cuverville a porté ce fait à la connaissance des troupes de terre et de mer placées sous son autorité. Nous extrayons le passage suivant de cet ordre du jour :

« Le contre amiral commandant en chef les forces de terre et de mer, faisant fonctions de gouverneur dans le golfe de Bénin, est heureux de porter à la connaissance des troupes et des divers services relevant de son autorité la conduite patriotique et le courageux dévouement avec lesquels le R.P. Dorgère, aumônier de la colonne expéditionnaire, s’est acquitté du message dont il était chargé près le roi du Dahomey.

« Quelle que puisse être l’issue finale d’une mission qui n’avait point pour objet d’implorer une paix que nous pouvons dicter, mais bien celui d’éclairer le roi sur une situation qu’il semblait méconnaître, deux résultats importants ont été obtenus :

« 1° La mise en liberté immédiate des messagers du commandant Fournier et de celle de vingt-sept agents indigènes des factoreries retenus prisonniers depuis le 25 février ;

« 2° L’affirmation de notre vieille loyauté française, qui est la meilleure des diplomaties, car rien n’est habile comme la droiture.

« Le contre-amiral, commandant en chef, rend également hommage à la fidélité avec laquelle M. Bernardin Durand a rempli la mission qui lui a coûté un si long internement.

« A bord de la Naïade. »

Le 10 octobre, le Journal Officiel a publié un décret nommant au grade de chevalier de la Légion d’honneur :

Le Révérend Père Dorgère, de la Congrégation des Missions Africaines, aumônier provisoire du corps expéditionnaire. Services exceptionnels : mission au Dahomey.

Si jamais la formule : « Services exceptionnels » a été motivée, c’est assurément dans le cas présent.

Les résultats obtenus feront oublier au missionnaire et à l’amiral les attaques violentes et ineptes dirigées contre eux par la presse franc-maçonne écumant de rage à la pensée que les affaires de la France étaient confiées à un prêtre catholique et à un marin qui avait osé, en prenant possession de son commandement, faire inscrire, en breton, sur le vaisseau-amiral, cette sublime devise : Dieu et Patrie !

La République courait les plus grands dangers, aussi les oies du Capitole s’empressèrent elles d’ouvrir le bec pour donner l’alarme.

Durant l’impression de cet ouvrage, le colonel Archinard est reparti pour le Soudan français, en même temps que les capitaines Ménard (qui, passant par le Grand-Bassam, va refaire en sens inverse, une partie du voyage du capitaine Binger et confirmer les traités conclus avec certains chefs de l’intérieur) et Monteil (cet officier remontera le Sénégal, gagnera le Niger à Bamakou et de là explorera la bouche formée par ce grand fleuve que le traité anglo-français a placé dans la sphère d’influence française ; il est accompagné par M. Rosnoblet, ancien élève de l’Ecole des langues orientales et d’un ancien sous-officier d’infanterie de marine).

L’administrateur colonial Cholet vient de remonter la Sangha, affluent de droite du Congo, jusqu’au-dessus du 4° latitude nord et jusqu’au 13° de longitude. M. Cholet a accompli celte exploration sur la canonnière le Ballay, et il a pénétré dans les pays situés entre le Cameroun allemand et le Congo français.

La limite entre les deux colonies allemande et française est fixée, on le sait, par le protocole du 24 décembre 1885, approuvé par les Chambres, et qui trace une ligne de démarcation suivant le parallèle passant par la rivière Campo à son embouchure, et se poursuivant jusqu’en un point situé sur le 12e degré 40 de longitude est. Cette ligne laissait ouverte à l’activité des deux pays la région s’étendant à l’est de cette longitude.

Au cours de son exploration, M. Cholet a passé, avec les souverains indigènes, des traités qui ont pour effet de placer sous la domination française toute une région à l’ouest de la Sangha. Les Allemands avaient en vain essayé de s’y frayer un chemin, mais ils n’avaient pu y parvenir, étant données la distance et l’hostilité des indigènes, devant laquelle la maison Wœrmann avait même dû retirer plusieurs de ses comptoirs. C’est la prise de possession de cette région que l’administrateur colonial Cholet a accomplie en utilisant le cours de l’affluent du Congo, la Sangha, que Ton supposait avec raison remonter vers le nord, parallèlement au Congo et à l’Oubanghi. M. Cholet a trouve un cours d’eau navigable malgré la mauvaise saison. Il était accompagné par les représentants d’une maison de commerce qui ont trouvé, paraît-il, les éléments de fructueuses affaires dans ces contrées jusqu’alors inexplorées.

Les traités signés par M. Cholet ouvrent définitivement à la colonie du Congo, sur la Sangha, une route vers le nord, parallèle à celle que nous occupons déjà sur l’Oubanghi. Le Congo français s’étend donc actuellement, à l’ouest, jusqu’à la limite fixée par la convention franco-allemande.

L’explorateur Crampel a quitté, le 22 août, Brazzaville, en route pour l’Oubanghi, qu’il doit remonter en partie avant de se diriger vers le nord. Le personnel de sa mission était en bonne santé.

M. Fourneau, un de nos agents du Congo, connu par ses travaux géographiques au Congo, est parti de son côté avec une chaloupe pour la rivière Sangha afin de continuer les travaux si bien commencés par M. Cholet.

M. de Brettes, l’explorateur du Sud-Américain, a l’intention de se rendre au Grand Bassam (comme le capitaine Ménard) ; de là, il essaiera d’atteindre Baroua, sur le lac Tchad, an étudiant la frontière de la contrée confirmée à la France par le traité anglo-français. M. de Boze, peintre distingué, voyagera avec M. de Brettes.

Enfin, le capitaine Trivier est sur le point d’entreprendre une nouvelle expédition dans l’Afrique Australe. Il doit quitter la France vers le 18 novembre.

Tous ces efforts ne peuvent qu’être utiles à la civilisation, à la campagne anti-esclavagiste, et l’on ne saurait trop féliciter et louer ceux qui les tentent.

Nous avons fait ressortir (pages 374 et 373) l’importance considérable de l’influence du Sultan de Zanzibar sur les peuples de l’Afrique Orientale, l’Allemagne qui l’a parfaitement comprise, cherchée se l’approprier ; voici une dépêche qui ne laisse aucun doute à ce sujet :

Berlin, 17 octobre.

Le Moniteur de l’Empire annonce que le gouvernement allemand et le sultan de Zanzibar ont conclu une entente en vertu de laquelle ce souverain s’engage à céder à l’Allemagne, moyennant une indemnité de 4 millions de marcs, les droits de suzeraineté qu’il possède sur la partie de la côte du continent africain qui est affermée à la Société allemande de l'Afrique orientale.

Si l’expédition Kunzel a été massacrée à Vitu, on télégraphie d’Aura (Côte d’Or) quo les chefs des Crippis ont envoyé une députation au gouvernement anglais de la Côte d’Or pour protester contre la cession de leur pays à l’Allemagne.

Les tribus des Crippis se sont opposées à l’occupation de leur territoire et ont obligé les Allemands à se retirer, après leur avoir blessé plusieurs hommes.

D’autres mesures de résistance se préparent.

On mande de Londres que le gouvernement britannique a télégraphiquement ordonné à un vaisseau de guerre d’aller de Zanzibar à Vitu, afin de faire une enquête sur le massacre des Allemands[1].

Le major Wissmann, Commissaire général dans l’Est-Africain, va rentrer en activité de service et réunir de nouveaux éléments nécessaires pour continuer l’assimilation des territoires africains à l’Empire Allemand.

Divers personnages en vue lui seront adjoints, notamment le docteur Peters. Un certain nombre de volontaires doivent également s’embarquer avec lui.

Le nouveau personnel colonial comprendra des fonctionnaires civils. C’est dire que les pouvoirs jusqu’ici presque illimités de M. Wissmann seront diminués.

L’expédition emportera un navire démontable, qui va être mis sur les chantiers Jansen et Schmilinsky et qui sera destiné à la navigation sur le lac Nyanza.

Les négociations entamées entre l’Angleterre et l’Italie au sujet de l’occupation de Kassala, capitale de la Nubie, sont rompues. Le Temps le constate et dit :

« Or il se trouve que la France et l’Angleterre, cet été, n’ont point eu de peine à trouver la formule d’un accord satisfaisant pour les deux parties au sujet de questions litigieuses et délicates qui touchaient à l’Afrique presque entière. Il se rencontre, au contraire, que l’Angleterre et l’Italie n’ont pu s’entendre sur une question strictement limitée. »

Cette citation montre l’aberration du Temps, Nous avons suffisamment éclairé nos lecteurs sur les conséquences néfastes du traité anglofrançais pour qu’ils sachent comment on doit accueillir le langage de ce journal.

Ne quittons pas l’Égypte sans dire que les Madhistes, reprenant l’offensive, sont arrives à Handoub, d’où ils menacent d’attaquer Souakim,

Qu’on nous permette de reproduire encore les deux dépêches suivantes :

Londres, 18 septembre 1890.

On mande de Zanzibar, au Times, que mercredi vers minuit, les embarcations du stationnaire britannique Conak ont donné la chasse à une dhow qui avait des allures suspectes. La poursuite, assez longue, a été des plus émouvantes : le bâtiment indigène a fini par être atteint.

Le capitaine arabe, faisant mine de se défendre, a été tué raide. Le reste de l’équipage s’est jeté à la mer et a pu s’échapper, grâce à la nuit.

À bord de la dhow, on a trouvé cinquante esclaves,


Londres, 18 septembre 1890.

Un télégramme de Capetown signale l’arrivée dans ce port du vapeur portugais Roi-de-Portugal et ajoute que de nombreux esclaves indigènes, venant de Mozambique, sont détenus à bord pour être transportés sur la côte occidentale, leur recours devant les tribunaux n’ayant pas été admis. Quatorze ont réussi à s’échapper. Le vapeur est reparti hier matin.

Le Daily News s’émeut de la nouvelle et déplore que les tribunaux n’aient pu, pour des causes de pure forme, prononcer la mise en liberté de ces esclaves.

Le Daily News invite lord Salisbury à ne pas se laisser arrêter par de futiles questions de procédure, à passer à travers ces toiles d’araignées et à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette honte de la traite des noirs.

Nous sommes très heureux de pouvoir encore ajouter, ici, que le Président du Comité Antiesclavagiste français, M. Keller, vient d’être créé Comte Romain héréditaire, par Sa Sainteté le Pape Léon XIII.

Le comte Keller, nos lecteurs le savent parfaitement, possède, dans leur plénitude, les qualités et les vertus qui sont l'apanage du catholique, par conséquent de l’homme de bien.

  1. Une dépêche de Zanzibar au Times annonce que plusieurs villages du Sultanat de Vitu ont été bombardés et brûlés et que l’amiral Freemantle s’est empare de Vitu avec un millier d’hommes.