L’Ombre des jours/Après l’ondée

Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 63-65).


APRÈS L’ONDÉE


Dieu merci, la pluie est tombée
En de fluides longues flèches,
La rue est comme un bain d’eau fraîche,
Toute fatigue est décourbée.

Les réverbères qui s’allument
Par cette nuit lourde et mouillée
Brillent dans la ville embrouillée
Comme des phares sur la brume.


Un parfum de verdure nage
Dans toute cette eau reversée ;
À petites gouttes pressées
L’été s’évade du naufrage.

On voit des gens à leur fenêtre
Qui, le corps et le rêve en peine,
Respiraient et vivaient à peine
Et que l’ondée a fait renaître.

La journée était moite et lente
Et couvait trop son rude orage,
Maintenant l’esprit calme et sage
Se trempe d’eau comme une plante.

L’âme était sèche, âcre et rampante,
L’éclair y préparait sa course :
L’air est dans l’air comme une source,
D’humides courants frais serpentent,


Tout se repose, tout s’apaise,
Tout rentre dans l’ombre et le somme
Tandis que meurt au cœur de l’homme
Le feu des volontés mauvaises…