L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/44

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 225-226).


CHAPITRE XLIV.

QU’IL NE FAUT POINT S’EMBARRASSER DANS LES CHOSES EXTÉRIEURES.

1. J.-C. Mon fils, il faut que vous vous teniez dans l’ignorance de beaucoup de choses ; que vous soyez comme mort au monde, et que le monde soit mort pour vous[1].

Il faut aussi fermer l’oreille à bien des discours, et penser plutôt à vous conserver en paix.

Il vaut mieux détourner les yeux de ce qui déplaît, et laisser chacun dans son sentiment, que de s’arrêter à contester.

Si vous prenez soin d’avoir Dieu pour vous, et que son jugement vous soit toujours présent, vous supporterez sans peine d’être vaincu.

Le F. Hélas ! Seigneur, où en sommes-nous venus ? On pleure une perte temporelle, on se fatigue pour le moindre gain ; et l’on oublie les pertes de l’âme, ou l’on ne s’en souvient qu’à peine et bien tard.

On est attentif à ce qui ne sert peu ou point du tout, et l’on passe avec négligence sur ce qui est souverainement nécessaire ; parce que l’homme se répand tout entier au dehors, et que, s’il ne rentre promptement en lui-même, il demeure avec joie enseveli dans les choses extérieures.

RÉFLEXION.

Si vous saviez mourir demain, que vous importeraient les choses de la terre, ce qui se fait, ce qui se dit autour de vous ? Eh bien ! vous mourrez demain ; car la vie est à peine d’un jour. Soyez donc dès ce moment tel que vous voudrez avoir été, quand l’éternité s’ouvrira devant vous. Ni la science, ni la richesse, ni rien de ce qui est du monde ne vous servira au jugement de Dieu : vous n’y porterez que vos œuvres. Il y avait un homme riche dont les terres avaient produit une moisson extraordinaire ; et il pensait en lui-même, disant : Que ferai-je ? car je n’ai point de lieu où recueillir tous ces fruits. Et il dit : Voici ce que je ferai : j’abattrai mes greniers, et j’en bâtirai de plus grands, et j’y amasserai toute ma récolte et tous mes biens ; et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour plusieurs années : repose-toi, mange, bois, fais bonne chère. Mais Dieu lui dit : Insensé, cette nuit même on te redemandera ton âme ; et pour qui sera ce que tu as amassé ? Ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, et qui n’est pas riche devant Dieu[2].

  1. Col. iii, 3. ; Gal. vi, 14.
  2. Luc. xii, 16-21.