L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/43

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 223-225).


CHAPITRE XLIII.

CONTRE LA VAINE SCIENCE DU SIÈCLE.

I. J.-C. Mon fils, ne vous laissez pas émouvoir au charme et à la beauté des discours des hommes ; car le royaume de Dieu ne consiste pas dans des discours, mais dans des œuvres[1].

Soyez attentif à mes paroles, qui enflamment le cœur, éclairent, attendrissent l’âme, et la remplissent de consolation.

Ne lisez jamais pour paraître plus savant ou plus sage.

Étudiez-vous à mortifier vos vices ; cela vous servira plus que la connaissance des questions les plus difficiles.

2. Après avoir beaucoup lu et beaucoup appris, il en faut toujours revenir à l’unique principe de toutes choses.

C’est moi qui donne à l’homme la science, et qui éclaire l’intelligence des petits enfants, plus que l’homme ne le pourrait par aucun enseignement.

Celui à qui je parle est bientôt instruit, et fait de grands progrès dans la vie de l’esprit.

Malheur à ceux qui interrogent les hommes sur toutes sortes de questions curieuses, et qui s’inquiètent peu d’apprendre à me servir !

Viendra le jour où Jésus-Christ, le maître des maîtres, le Seigneur des anges, apparaîtra, pour demander compte à chacun de ce qu’il sait, c’est-à-dire pour examiner les consciences.

Et alors, la lampe à la main, il scrutera Jérusalem[2] : les secrets des ténèbres seront dévoilés[3], et toute langue se taira.

3. C’est moi qui, en un moment, élève l’âme humble, et la fais pénétrer plus avant dans la vérité éternelle, que ne le pourrait celui qui aurait étudié dix années dans les écoles.

J’enseigne sans bruit de paroles, sans embarras d’opinions, sans faste, sans arguments, sans disputes.

J’apprends à mépriser les biens de la terre, à dédaigner ce qui passe, à rechercher et à goûter ce qui est éternel, à fuir les honneurs, à souffrir les scandales, à mettre en moi toute son espérance, à ne désirer rien hors de moi, et à m’aimer ardemment et par-dessus tout.

4. Quelques-uns, en m’aimant ainsi, ont appris des choses toutes divines, dont ils parlaient d’une manière admirable.

Ils ont fait plus de progrès en quittant tout, que par une profonde étude.

Mais je dis aux uns des choses plus générales ; aux autres, de plus particulières. J’apparais à quelques-uns doucement voilé sous des ombres et des figures ; je révèle à d’autres mes mystères au milieu d’une vive splendeur.

Les livres parlent à tous le même langage ; mais il ne produit pas sur tous les mêmes impressions, parce que moi seul j’enseigne la vérité au dedans, je scrute les cours, je pénètre les pensées, j’excite à agir, et je distribue mes dons à chacun, selon qu’il me plaît.

RÉFLEXION.

Plusieurs se fatiguent et se tourmentent pour acquérir la science, et j’ai vu, dit le Sage, que cela aussi était vanité, travail et affliction d’esprit[4]. À quoi vous servira de connaître les choses de ce monde, quand ce monde même aura passé ? Au dernier jour, on ne vous demandera pas ce que vous avez su, mais ce que vous avez fait et il n’y a plus de science dans les enfers, vers lesquels vous vous hâtez[5]. Cessez un vain labeur. Qui que vous soyez, vous n’avez que trop cultivé l’arbre dont les fruits donnent la mort. Laissez la science qui nourrit l’orgueil, la science qui enfle, pour vous occuper uniquement d’acquérir celle qui fait les humbles et les saints, la charité qui édifie[6]. Apprenez à vous humilier, à connaître votre néant et votre corruption. Alors Dieu viendra vers vous ; il vous éclairera de sa lumière, il vous enseignera, dans le secret du cœur, cette science merveilleuse dont Jésus a dit : Je vous bénis mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, parce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et les avez révélées aux petits[7].

  1. I Cor. iv, 20.
  2. Soph. i, 12.
  3. I Cor. iv, 5.
  4. Eccli. i, 17.
  5. Eccli. ix, 10.
  6. I Cor. viii, 1.
  7. Luc. x, 21.