L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/42

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 221-223).


CHAPITRE XLII.

QU’IL NE FAUT PAS QUE NOTRE PAIX DÉPENDE DES HOMMES.

1. J.-C. Si vous faites dépendre votre paix de quelque personne, à cause de l’habitude de vivre avec elle et de la conformité de vos sentiments, vous serez dans l’inquiétude et le trouble.

Mais si vous cherchez votre appui dans la vérité immuable et toujours vivante, vous ne serez point accablé de tristesse quand un ami s’éloigne ou meurt.

Toute amitié doit être fondée sur moi ; et c’est pour moi que vous devez aimer tous ceux qui vous paraissent aimables et qui vous sont les plus chers en cette vie.

Sans moi l’amitié est stérile et dure peu ; et toute affection, dont je ne suis pas le lien, n’est ni véritable ni pure.

Vous devez être mort à ces affections humaines, jusqu’à souhaiter de n’avoir, s’il se pouvait, aucun commerce avec les hommes.

Plus l’homme s’éloigne des consolations de la terre, plus il s’approche de Dieu.

Et il s’élève d’autant plus vers Dieu qu’il descend plus profondément en lui-même, et qu’il est plus vil à ses propres yeux.

2. Celui qui s’attribue quelque bien, empêche que la grâce de Dieu descende en lui, parce que la grâce de l’Esprit-Saint cherche toujours les cœurs humbles.

Si vous saviez vous anéantir parfaitement, et bannir de votre cœur tout amour de la créature, alors venant à vous, je vous inonderai de ma grâce.

Quand vous regardez la créature, vous perdez de vue le Créateur.

Apprenez à vous vaincre en tout à cause de lui, et vous pourrez alors parvenir à le connaître.

Le plus petit objet désiré, aimé avec excès, souille l’âme et la sépare du souverain bien.

RÉFLEXION.

La religion sanctifie tout, et ne détruit rien, hors le péché ; elle n’interdit pas les affections naturelles : au contraire, il y en a qu’elle commande expressément, et le précepte de l’amour mutuel est un de ceux que l’Évangile inculque avec le plus de soin. Aimons-nous les uns les autres ![1], répète sans cesse l’apôtre saint Jean. Celui qui n’aime point demeure dans la mort[2] ; il ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour[3]. Et, dans la nuit de la Cène, ne voyons-nous pas reposer sur le cœur de Jésus le disciple qu’il aimait ?[4] Mais nos affections, pour être pures, doivent avoir leur principe en Dieu, et leur règle dans sa volonté. Alors ce ne sont plus des sentiments de la terre, qui, en passant, agitent et troublent l’âme, c’est quelque chose de l’éternité, comme elle invariable et calme comme elle. Défiez-vous des attachements qui altèrent la paix du cœur. Nulle créature ne doit être aimée qu’avec une soumission parfaite aux ordres de la Providence. Toujours nous devons être prêts à supporter sans plainte ce qui afflige le plus la nature, l’absence, la séparation, la mort même, nous souvenant de ce que dit l’Apôtre : Nous ne voulons pas, mes frères, que vous soyez dans l’ignorance touchant ceux qui dorment, afin que vous ne vous attristiez pas comme les autres hommes, qui n’ont point d’espérance. Car si nous croyons que Jésus est mort et ressuscité, ainsi Dieu amènera avec Jésus ceux qui se seront endormis en lui. Nous vous disons ceci d’après la parole du Seigneur : nous qui vivons, qui sommes réservés pour son avènement, nous ne préviendrons point ceux qui sont déjà dans le sommeil. Car, au commandement de l’Archange, à sa voix, au son de la trompette de Dieu, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et les morts qui reposent dans le Christ se lèveront les premiers. Ensuite, nous qui vivons et qui serons demeurés jusqu’alors, nous serons enlevés avec eux dans les nuées, au-devant du Christ, au milieu des airs ; et ainsi nous serons à jamais avec le Seigneur. Consolez-vous les uns les autres dans ces paroles[5].

  1. Joann. iv, 7.
  2. Joann. iii, 14.
  3. Joann. iv, 8.
  4. Joann. xiv, 23.
  5. Thessal. iv, 12-17.