L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre troisième/16

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 164-165).


CHAPITRE XVI.

QU’ON NE DOIT CHERCHER QU’EN DIEU LA VRAIE CONSOLATION.

1. Le F. Tout ce que je puis désirer ou imaginer pour ma consolation, je ne l’attends point ici, mais dans l’avenir.

Quand je posséderais seul tous les biens du monde, quand je jouirais seul de toutes ses délices, il est certain que tout cela ne durerait pas longtemps.

Ainsi, mon âme, tu ne peux trouver de soulagement véritable et de joie sans mélange qu’en Dieu, qui console les pauvres et relève les humbles.

Attends un peu, mon âme, attends la divine promesse, et tu posséderas dans le ciel tous les biens en abondance.

Si tu recherches trop avidement les biens présents, tu perdras les biens éternels et célestes.

Use des uns et désire les autres.

Aucun bien temporel ne saurait te rassasier, parce que tu n’as point été créée pour en jouir.

2. Quand tu posséderais tous les biens créés, ils ne pour raient te rendre ni heureuse ni contente : en Dieu, qui a tout créé, en lui seul est ta félicité et tout ton bonheur.

Bonheur non pas tel que se le figurent et que le souhaitent les amis insensés du monde, mais tel que l’attendent les vrais serviteurs de Jésus-Christ, et tel que le goûtent quelquefois par avance les âmes pieuses et les cours purs, dont l’entretien est dans le ciel[1].

Toute consolation humaine est vide et dure peu.

La vraie, la douce consolation est celle que la vérité fait sentir intérieurement.

L’homme pieux porte avec lui partout Jésus, son consolateur, et lui dit : Seigneur Jésus, soyez près de moi en tout temps et en tout lieu.

Que ma consolation soit d’être volontiers privé de toute consolation humaine.

Et si la vôtre me manque aussi, que votre volonté et cette juste épreuve me soient une consolation au-dessus de toutes les autres.

Car vous ne serez pas toujours irrité, et vos menaces ne seront point éternelles[2].

RÉFLEXION.

Toute créature gémit, dit l’Apôtre[3] ; et de siècle en siècle, le monde entier le redit après lui. Que cherchez-vous donc dans les créatures ? que leur demandez-vous, et que peuvent-elles vous donner ? Toujours agitées, pleines de troubles, ainsi que vous, elles souhaitent le repos, et ne le trouvent point. Comment la paix vous viendrait-elle du sein même de l’angoisse et des orages perpétuellement soulevés par les passions ? Cessez de vous abuser, cessez de dire aux tempêtes : Calmez-moi. Le calme est en Dieu, et n’est que là : en lui seul est le repos, la paix, la joie, la consolation. Tournez vous donc vers le Seigneur votre Dieu[4], et renoncez à tout le reste : alors, seulement alors, vous commencerez à jouir de la vraie félicité. « Rien, non, rien n’est comparable au bonheur de « celui qui, méprisant les sens, détaché de la chair et du monde, “ ne tient plus aux choses humaines que par les seuls liens de la nécessité, converse uniquement avec Dieu et avec lui-même, et, « s’élevant au-dessus des objets sensibles, ne vit que des divines « clartés qu’il conserve en soi toujours pures, toujours brillantes, « sans aucun mélange des ombres de la terre et des vains fantômes « errants ici-bas autour de nous ; qui, réfléchissant comme un miroir céleste Dieu et ses éblouissantes perfections, sans cesse ajoute à la lumière une lumière plus vive, jusqu’au moment où la vérité dissipant tous les nuages, il arrive à la source même de « toute lumière, à l’éternelle fontaine de splendeur, fin bienheureuse « de son être et son immortel ravissement[5]. »

  1. Philipp. ii, 20.
  2. Ps. cii, 9.
  3. Rom. viii, 22.
  4. Osee xiv, 2.
  5. S. Greg. Nazianz. Orat. xxix, in princ.