L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre quatrième/12

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 316-318).


CHAPITRE XII.

QU’ON DOIT SE PRÉPARER AVEC UN GRAND SOIN A LA SAINTE COMMUNION.
Voix du bien-aimé.

1. Je suis l’ami de la pureté, et c’est de moi que vient toute sainteté.

Je cherche un cœur pur, et là est le lieu de mon repos.

Préparez-moi un grand Cénacle, et je célébrerai chez vous la Pâque avec mes disciples[1].

Si vous voulez que je vienne à vous, et que je demeure en vous, purifiez-vous du vieux levain[2], et nettoyez la maison de votre cœur.

Bannissez-en les pensées du siècle et le tumulte des vices.

Comme le passereau qui gémit sous un toit solitaire[3], rappelez-vous vos péchés dans l’amertume de votre âme.

Car un ami prépare toujours à son ami le lieu le meilleur et le plus beau ; et c’est ainsi qu’il lui fait connaître avec quelle affection il le reçoit.

2. Sachez cependant que vous ne pouvez, quels que soient vos propres efforts, vous préparer dignement, quand vous y emploieriez une année entière, sans vous occuper d’autre chose.

Mais c’est par ma grâce et ma seule bonté qu’il vous est permis d’approcher de ma table, comme un mendiant invité au festin du riche, et qui n’a pour reconnaître ce bienfait que d’humbles actions de grâces.

Faites ce qui est en vous, et faites-le avec grand soin. Recevez, non pour suivre la coutume ou pour remplir un devoir rigoureux, mais avec crainte, avec respect, avec amour, le corps du Seigneur bien-aimé, de votre Dieu, qui daigne venir à vous.

C’est moi qui vous appelle, qui vous commande de venir : je suppléerai à ce qui vous manque ; venez et recevez-moi.

3. Lorsque je vous accorde le don de la ferveur, remerciez-en votre Dieu ; car ce n’est pas que vous en soyez digne, mais parce que j’ai eu pitié de vous.

Si vous vous sentez, au contraire, aride, priez avec instance, gémissez et ne cessez point de frapper à la porte, jusqu’à ce que vous obteniez quelque miette de ma table, ou une goutte des eaux salutaires de la grâce.

Vous avez besoin de moi, et je n’ai pas besoin de vous. Vous ne venez pas à moi pour me sanctifier ; mais c’est moi qui viens à vous pour vous rendre meilleur et plus saint.

Vous venez pour que je vous sanctifie, et pour vous unir à moi, pour recevoir une grâce nouvelle, et vous enflammer d’une nouvelle ardeur d’avancer dans la vertu.

Ne négligez point cette grâce ; mais préparez votre cœur avec un soin extrême, et recevez-y votre bien-aimé.

4. Mais il ne faut pas seulement vous exciter à la ferveur avant la Communion, il faut encore travailler à vous y conserver après ; et la vigilance qui la doit suivre n’est pas moins nécessaire que la préparation qui la précède : car cette vigilance est elle-même la meilleure préparation pour obtenir une grâce plus grande.

Rien, au contraire, n’éloigne davantage des dispositions où l’on doit être pour communier, que de se trop répandre au dehors en sortant de la Table sainte.

Parlez peu, retirez-vous dans un lieu secret, et jouissez de votre Dieu.

Car vous possédez celui que le monde entier ne peut vous ravir.

Je suis celui à qui vous vous devez donner sans réserve ; de sorte que, dégagé de toute inquiétude, vous ne viviez plus en vous, mais en moi.

RÉFLEXION.

La préparation à la Pâque nouvelle comprend deux choses : il faut purifier le Cénacle, il faut l’orner ; c’est-à-dire que, pour recevoir dignement le corps et le sang de Jésus-Christ, l’âme doit être avant tout exempte de souillures, elle doit avoir été lavée dans les eaux de la pénitence, et ensuite s’être exercée à la pratique des vertus, qui la rendent agréable à Dieu. Ce qui plaît au Seigneur, ce qui attire ses grâces, c’est une profonde humilité[4], un souverain mépris de soi-même, une foi vive, un abandon parfait à ses volontés, le détachement de la terre et le désir des biens célestes, la charité qui est douce, patiente, qui n’est point jalouse, qui n’agit point témérairement, qui ne s’enfle point d’orgueil, qui n’est point ambitieuse, qui ne cherche point ses intérêts, qui ne s’aigrit de rien, ne soupçonne point le mal, ne se réjouit point de l’injustice, mais se réjouit de la vérité ; qui souffre tout, croit tout, espère tout, supporte tout[5] : charité vraiment divine, et, selon la doctrine du grand Apôtre, préférable à tout ce qu’il y a de plus élevé. Quand je parlerais toutes les langues des hommes et le langage des Anges, si je n’ai point la charité, je suis comme un airain sonnant, ou une cymbale retentissante. Et quand j’aurais le don de prophétie, quand je pénétrerais tous les mystères, et que je posséderais toute science, quand j’aurais la foi parfaite jusqu’à transporter les montagnes, si je n’ai point la charité, je ne suis rien. Et quand j’aurais distribué tous mes biens pour nourrir les pauvres, et livré mon corps aux flammes, si je n’ai point la charité, tout cela ne me sert de rien[6]. Ame chrétienne, qui aspirez au banquet nuptial, imitez donc les Vierges sages ; prenez de l’huile, allumez votre lampe, pour aller au-devant de l’Époux[7], car celles dont les lampes seront éteintes, entendront cette parole terrible : En vérité, je ne vous connais point[8].

  1. Marc. xiv, 15 ; Luc. xxii, 12.
  2. I Cor. v 7.
  3. Ps. ci, 8.
  4. I Petr. v, 5.
  5. I Cor. xiii, 4-7.
  6. I Cor. xiii, 1-3.
  7. Luc. xxv, 4 et seq.
  8. Luc. xxv, 12.