L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre quatrième/07

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 299-302).


CHAPITRE VII.

DE L’EXAMEN DE CONSCIENCE ET DE LA RÉSOLUTION DE SE CORRIGER.
Voix du bien-aimé.

1. Sur toutes choses, il faut que le prêtre qui se dispose à célébrer les saints mystères, à toucher et à recevoir le corps de Jésus-Christ, s’approche de ce Sacrement avec une profonde humilité de cœur, un respect suppliant, une pleine foi et une pieuse intention d’honorer Dieu.

Examinez avec soin votre conscience, et, autant que vous le pourrez, purifiez-la par une contrition véritable et par une humble confession ; de sorte que, délivré du poids de vos fautes, exempt de trouble et de remords, vous puissiez librement venir à moi.

Ayez une vive douleur de tous vos péchés en général ; déplorez en particulier ceux que vous commettez chaque jour ; et, si le temps vous le permet, confessez à Dieu, dans le secret du cœur, toutes les misères qui sont le fruit de vos passions.

2. Affligez-vous et gémissez d’être encore sous l’empire de la chair et du monde :

Si peu occupé de mourir à vos inclinations ; si agité par les mouvements de la concupiscence :

Si peu exact à veiller sur vos sens ; si souvent séduit par de vains fantômes :

Si enclin à vous répandre au dehors ; si négligent à rentrer en vous-même :

Si porté au rire et à la dissipation ; si dur, quand vous devriez verser des larmes de componction :

Si prompt à vous livrer au relâchement et à la mollesse ; si lent à embrasser une vie austère et fervente :

Si curieux de nouvelles, et de ce qui attire les regards par sa beauté ; si plein de répugnance pour ce qui abaisse et humilie :

Si avide de beaucoup avoir, si avare pour donner, si ardent à retenir :

Si inconsidéré dans vos discours ; si impuissant à vous taire :

Si déréglé dans vos mœurs ; si indiscret dans vos actions :

Si intempérant dans le manger et le boire, si sourd à la parole de Dieu :

Si convoiteux de repos ; si ennemi du travail :

Si éveillé pour des récits frivoles : si appesanti par le sommeil durant les veilles saintes, si pressé d’en voir la fin, si peu attentif en y assistant :

Si dissipé en récitant l’office divin, si tiède en célébrant, si aride dans la Communion.

Si aisément distrait ; si rarement bien recueilli :

Sitôt ému de colère ; si prompt à blesser les autres :

Si enclin à juger le mal ; si sévère à le reprendre :

Si enivré de joie dans la prospérité ; si abattu dans l’adversité :

Si fécond en bonnes résolutions, et si stérile en bonnes œuvres.

3. Après avoir confessé et déploré avec une grande douleur et un vif sentiment de votre faiblesse ces défauts et tous les autres qui peuvent être en vous, formez un ferme propos de vous corriger et d’avancer dans la vertu.

Offrez-vous ensuite, avec une pleine résignation et sans aucune réserve, sur l’autel de votre cœur, comme un holocauste perpétuel, en l’honneur de mon nom, m’abandonnant entièrement le soin de votre corps et de votre âme, afin d’obtenir ainsi la grâce de célébrer dignement le saint Sacrifice, et de recevoir avec fruit le Sacrement de mon corps.

4. Car il n’est point d’oblation plus méritoire, ni de satisfaction plus grande pour les péchés, que de s’offrir soi-même sincèrement à Dieu, en lui offrant, à la Messe et dans la Communion, le Corps de Jésus-Christ.

Si l’homme fait ce qui est en lui et s’il a un vrai repentir toutes les fois qu’il s’approche de moi pour demander grâce et miséricorde : J’en jure par moi-même, dit le Seigneur, je ne me souviendrai plus de ses péchés, et ils lui seront tous pardonnés ; car je ne veux point la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive[1].

RÉFLEXION.

Il n’est rien de plus utile en soi, ni de plus indispensable pour approcher dignement de l’autel, que de descendre en sa conscience, et d’en scruter, avec une sévérité salutaire, les tristes profondeurs. Nous avons en nous-mêmes comme une image du royaume des ténèbres : là vit, et croît, et se propage l’innombrable famille des vices, nés de la triple concupiscence[2] qui a infecté la vie humaine dans sa source. Quiconque examine sérieusement son cœur, y trouve le germe de tout ce qui est mauvais ; un orgueil tantôt hardi et violent, tantôt plein de déguisements et de ruses, une curiosité effrénée, des convoitises ardentes, la haine qu’accompagnent l’injure, l’outrage et la calomnie, l’envie mère du meurtre, l’avarice qui dit sans cesse : Apporte, apporte[3], la dureté d’âme, les joies coupables de l’esprit ; et bien que ces semences de mort ne se développent pas dans chaque homme au même degré, tous les ont en eux-mêmes, et la grâce seule les étouffe plus ou moins. Tel est, depuis la chute originelle, le partage des enfants d’Adam. Qui, dans son effroi, ne crierait vers Dieu du fond de cette immense misère[4], pour implorer de lui secours et miséricorde ? Il délaisse ceux qui cachent leurs crimes, et pardonne à ceux qui s’accusent[5]. Touché de pitié pour les pécheurs, Jésus-Christ a institué le sacrement de pénitence, qui les régénère dans le sang de l’Agneau, et les revêt de l’innocence primitive. Voilà la robe nuptiale nécessaire pour assister au festin de l’Époux. Vous qui portez avec douleur le poids de vos péchés, hâtez-vous donc, allez pleins de repentir, de foi, d’espérance et d’amour, déposer cet accablant fardeau aux pieds de celui qui tient, dans le tribunal sacré, la place du Fils de Dieu même : allez et humiliez-vous, allez et pleurez : une main divine essuiera vos larmes, et, rétablis en grâce avec Dieu, en paix avec vous-même, vous chanterez dans l’allégresse l’hymne du pardon : Heureux ceux dont les iniquités ont été remises, et les péchés couverts ! Heureux celui à qui le Seigneur n’a point imputé son péché, dont le cœur a été sans fraude ! Parce que j’ai tu mon crime, il a vieilli dans mes os, et crié dans mon sein pendant tout le jour. Car votre main s’est appesantie sur moi le jour et la nuit : Je me suis tourné et retourné dans mon angoisse, tandis que l’épine perçait mon cœur. Alors je vous ai déclaré mon péché : Je n’ai point caché mon injustice. J’ai dit : Je confesserai contre moi mon iniquité au Seigneur ; et vous, Seigneur, vous m’avez remis l’impiété de mon péché. C’est pour cela que vos serviteurs vous invoqueront dans le temps propice ; et le déluge des grandes eaux n’approchera point d’eux[6].

  1. Ezech. xxiii, 22 ; xxxiii, 11.
  2. Joann. i, 11, 16.
  3. Prov. xxx, 15.
  4. Ps. cxxix, 1.
  5. Prov. xxviii, 13.
  6. Ps. xxx, 1-6.