L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre premier/17

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 61-62).


CHAPITRE XVII.

DE LA VIE RELIGIEUSE.

1. Il faut que vous appreniez à vous briser en beaucoup de choses, si vous voulez conserver la paix et la concorde avec les autres.

Ce n’est pas peu de chose de vivre dans un monastère ou dans une congrégation, de n’y être jamais une occasion de plainte, et d’y persévérer fidèlement jusqu’à la mort.

Heureux celui qui, après une vie sainte, y a heureusement consommé sa course !

Si vous voulez être affermi et croître dans la vertu, regardez-vous comme exilé et comme étranger sur la terre.

Il faut, pour l’amour de Jésus-Christ, devenir insensé selon le monde, si vous voulez vivre en religieux.

2. L’habit et la tonsure servent peu ; c’est le changement des mœurs et la mortification entière des passions qui font le vrai religieux.

Celui qui cherche autre chose que Dieu seul et le salut de son âme, ne trouvera que tribulation et douleur.

Celui-là ne saurait non plus demeurer longtemps en paix, qui ne s’efforce point d’être le dernier de tous, et soumis à tous.

3. Vous êtes venu pour servir, et non pour dominer : sachez que vous êtes appelé pour souffrir et pour travailler, et non pour discourir dans une vaine oisiveté.

Ici donc les hommes sont éprouvés comme l’or dans la fournaise.

Ici nul ne peut vivre, s’il ne veut s’humilier de tout son cœur à cause de Dieu.

RÉFLEXION.

Qu’est-ce qu’un bon religieux ? c’est un chrétien toujours occupé de tendre à la perfection. La vie religieuse n’est donc qu’une vie pour ainsi dire, plus chrétienne ; et l’abnégation de soi-même est l’abrégé de tous les devoirs qu’elle impose. Or ces devoirs sont aussi les nôtres, puisque ce n’est pas seulement à quelques-uns, mais à tous, que Jésus-Christ a dit : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait[1]. Pour remplir cette grande vocation, renonçons à nous-mêmes ; unissons-nous pleinement au sacrifice de notre divin chef ; aimons surtout la dépendance, les humiliations, les mépris. Le salut est un édifice qui ne s’élève que sur les ruines de l’orgueil.

  1. Matth. v, 48.