L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre deuxième/06

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 102-104).


CHAPITRE VI.

DE LA JOIE D’UNE BONNE CONSCIENCE.

1. La gloire de l’homme de bien est le témoignage de sa conscience[1].

Ayez la conscience pure, et vous posséderez toujours la joie.

La bonne conscience peut supporter beaucoup de choses, et elle est pleine de joie dans les adversités.

La mauvaise conscience est toujours inquiète et troublée.

Vous jouirez d’un repos ravissant, si votre cœur ne vous reproche rien.

Ne vous réjouissez que d’avoir fait le bien.

Les méchants n’ont jamais de véritable joie, ils ne possèdent point la paix intérieure, parce qu’il n’y a point de paix pour l’impie’, dit le Seigneur.

Et s’ils disent : Nous sommes dans la paix, les maux ne viendront pas sur nous ; et qui oserait nous nuire ?[2] ne les croyez pas : car la colère de Dieu se lèvera soudain, et leurs œuvres seront réduites à rien, et leurs pensées périront.

2. Se faire un sujet de gloire de la tribulation, n’est pas difficile à celui qui aime : car se glorifier ainsi, c’est se glorifier dans la Croix de Jésus-Christ[3]. La gloire que les hommes donnent et reçoivent est courte. La tristesse accompagne toujours la gloire du monde. La gloire des bons est dans leur conscience, et non dans la bouche des hommes.

L’allégresse des justes est de Dieu et en Dieu, et leur joie vient de la vérité.

Celui qui désire la gloire véritable et éternelle dédaigne la gloire du temps.

Et celui qui recherche la gloire du temps, et ne la méprise pas de toute son âme, montre qu’il aime peu la gloire éternelle.

Il jouit d’une grande tranquillité de cœur, celui que n’émeut ni la louange ni le blâme.

3. Il sera aisément en paix et content, celui dont la conscience est pure.

Vous n’êtes pas plus saint parce qu’on vous loue, ni plus imparfait parce qu’on vous blâme.

Vous êtes ce que vous êtes ; et tout ce qu’on pourra dire ne vous fera pas plus grand que vous ne l’êtes aux yeux de Dieu.

Si vous considérez bien ce que vous êtes en vous-même, vous vous embarrasserez peu de ce que les hommes disent de vous.

L’homme voit le visage, mais Dieu voit le cœur[4]. L’homme regarde les actions, mais Dieu pèse l’intention.

Faire toujours bien et s’estimer peu, c’est le signe d’une âme humble.

Ne vouloir de consolation d’aucune créature, c’est la marque d’une grande pureté et d’une grande confiance intérieure.

4. Quand on ne cherche au dehors aucun témoignage en sa faveur, il est manifeste qu’on s’est entièrement remis à Dieu.

Car ce n’est pas celui qui se recommande lui-même qui est approuvé, dit saint Paul, mais celui que Dieu recommande[5].

Avoir toujours Dieu présent au dedans de soi, et ne tenir à rien au dehors, c’est l’état de l’homme intérieur.

RÉFLEXION.

Nul repos pour celui qui ne le trouve pas en soi. Le cœur inquiet, qui cherche au dehors dans les créatures la paix dont il est privé intérieurement, se fait une grande illusion ; elle n’est pas là. Pour qui vous tromper vous-même ? La mer soulevée par les tempêtes n’est pas plus agitée que le monde ; et vous lui dites : Apaise mon trouble ! Il n’y a de joie que dans la conscience pure. Les plaisirs distraient, les passions enivrent un moment ; mais ce moment passé, que reste-t-il ? Et encore que d’ennui souvent et que d’amertume pendant sa durée ! Vous représentez-vous, au contraire, une félicité comparable à celle qui accompagne l’innocence ; quelque chose qui, dès ici-bas, ressemble plus au ciel, que l’état d’une âme détachée de la terre, et tranquille sous la main de Dieu qu’elle possède déjà par l’espérance et par l’amour ? Eh bien donc, que cet état devienne le vôtre ; venez et goûtez combien le Seigneur est doux[6] ; faites un effort, veuillez seulement : celui qui donne le bon vouloir vous donnera aussi de l’accomplir.

  1. II Cor. i, 12.
  2. Jer. v, 12.
  3. Rom.v, 3 ; Gal. vi, 14.
  4. I Reg. xvi, 7.
  5. II Cor. x,18.
  6. Ps. xxxiii, 9.