L’Idylle vénitienne/L’Épisode de Paolo et de Francesca

Georges Crès et Cie, Éditeurs (p. 89-92).


XIII

L’ÉPISODE DE PAOLO
ET DE FRANCESCA


Bravant le sourire du lift et des caméristes, je m’étais, au sortir du lunch, faufilé dans sa chambre… Un petit rhume, depuis la veille, la tenait couchée… Comment vivre un jour, sans la voir !

— Partez vite !… Je vous en supplie, partez vite ! hoquetait-elle, tandis que je baisais son front, ses cheveux, ses tempes… Partez vite !… Il n’est allé qu’à Padoue, en auto… Il a dû prendre, à Mestre, pour rentrer, le train de deux heures… Il arrivera dans cinq minutes !


Mais je m’étais assis au bord de son lit, je furetais dans ses dentelles, je lui parlais à voix basse…

— Écoute… Écoute… chuchotais-je. Écoute… Laisse-moi t’expliquer…

— Vous n’y pensez pas ! Vous devenez fou !… Ici ?… ici ?… Vous auriez cette audace ? D’ailleurs, le voilà… le voilà ! J’entends du bruit dans le couloir !

Et l’on a frappé à la porte.


— Un télégramme, signora ! criait un groom dans la serrure…


* *

La dépêche ouverte, le bambino reparti, elle a battu des mains, joyeuse ; elle a mis ses bras autour de mon cou ; elle a posé ma tête sur l’oreiller, contre la sienne…

— Regardez… regardez !… disait-elle… C’est de lui… C’est de mon mari… Regardez : « Une panne. Ne rentrerai que… »


Et nous ne lûmes pas plus avant.