Calmann Lévy, éditeur (3 volumesp. 165-194).



XVII


M. Goefle venait à peine de porter son valet de chambre sur son lit qu’il appela Christian.

— Écoutez ! lui dit-il. C’est par notre chambre que l’on vient. On frappe à cette porte.

— Qui va là ? dit Christian en armant son fusil et en se plaçant devant la porte de la chambre de garde, qui donnait, on s’en souvient, sur la galerie intérieure du préau.

— Ouvrez, ouvrez, c’est nous ! répondit en dalécarlien une grosse voix.

— Qui, vous ? dit M. Goefle.

Et, comme on ne répondait plus, Christian ajouta :

— Avez-vous peur de vous nommer ?

— Est-ce vous, monsieur Waldo ? répondit alors une voix douce et tremblante.

— Marguerite ! s’écria Christian en ouvrant la porte et en apercevant la jeune comtesse et une autre jeune personne qu’il avait vue au bal, mais dont il ne se rappelait pas le nom, escortées du fidèle domestique Péterson.

— Où sont-ils ? demanda Marguerite en tombant, oppressée et défaillante, sur un fauteuil.

— Qui donc ? De qui parlez-vous ? lui dit-il, effrayé de sa pâleur et de son émotion.

— Du major Larrson, du lieutenant et des autres militaires, répondit l’autre jeune fille, tout aussi essoufflée et non moins émue que Marguerite. Est-ce qu’ils ne sont pas arrivés ?

— Non… Ils doivent venir ici ?

— Ils sont partis du château il y a plus de deux heures.

— Et… vous craignez qu’il ne leur soit arrivé quelque accident ?

— Oui, répondit Martina Akerstrom, car c’était elle ; nous avons craint… Je ne sais pas ce que nous avons craint pour eux, puisqu’ils sont partis tous ensemble ; mais…

— Mais pour qui craigniez-vous alors ? dit M. Goefle.

— Pour vous, monsieur Goefle, pour vous, répondit avec vivacité Marguerite. Nous avons découvert que vous couriez ici de grands dangers. Ne vous en doutiez-vous pas ? Si fait, je vois que vous êtes armés. Est-on venu ? Vous a-t-on attaqués ?

— Pas encore, répondit M. Goefle. Il est donc certain que l’on doit nous attaquer ?

— Oh ! nous n’en sommes que trop sûres !

— Comment ! on me menace aussi, moi ? reprit M. Goefle sans aucune intention malicieuse. Répondez donc, chère demoiselle : vous en êtes sûre ? Cela devient fort étrange !

— Je ne suis pas sûre de ce dernier point, dit Marguerite, dont la pâleur se dissipa tout à coup, mais dont les yeux évitèrent ceux de Christian.

Alors, reprit M. Goefle, sans, vouloir remarquer l’embarras de la jeune fille, c’est à lui, c’est bien à lui qu’on en veut ?

Et il montrait Christian, que Marguerite s’obstinait à ne pas voir et à ne pas nommer, ce qui ne l’empêcha pas de répondre :

— Oui, oui, c’est bien à lui, monsieur Goefle. On veut se défaire de lui.

— Et le major avec ses amis, en sont-ils sûrs aussi ? Comment ne viennent-ils pas ?

— Ils en sont sûrs, dit Martina, et, s’ils n’arrivent pas, c’est qu’ils auront fait comme nous, ils se seront perdus dans le brouillard, qui va toujours augmentant.

— Vous vous êtes perdues dans le brouillard ? dit Christian, ému de la sollicitude généreuse de Marguerite.

— Oh ! pas bien longtemps, répondit-elle : Péterson est du pays, il s’est vite retrouvé ; mais il faut que ces messieurs aient pris une rive du lac pour l’autre.

— Mettons une lumière sur la fenêtre de la salle de l’ourse, dit M. Goefle, cela servira à les diriger.

— Oh ! oui-da, dit Péterson, ils ne la verront pas plus qu’on ne voit les étoiles.

— N’importe, essayons toujours, dit Martina.

— Non, ma chère, répondit Marguerite ; les assassins sont probablement égarés aussi, puisqu’ils ne sont pas encore venus. Ne les aidons pas à se retrouver avant que MM. les officiers…

— MM. les officiers seront les bienvenus, à coup sûr, reprit M. Goefle ; mais, à présent, nous voilà trois hommes bien armés : je connais Péterson, c’est un vigoureux compère… Et puis, chères demoiselles, n’auriez-vous pas pris des curieux pour des assassins ? Où les avez-vous vus ?

— Racontez, Martina, dit Marguerite ; racontez ce que nous avons entendu !

— Oui, oui, écoutez, monsieur Goefle, reprit Martina en prenant un petit air d’importance plein d’ingénuité. Il y a deux heures… deux heures et demie peut-être, le jeune monde du château, comme on nous appelle là-bas, jouait à se cacher dans les bâtiments de l’enceinte du château neuf. J’étais avec Marguerite et le lieutenant ; on avait tiré au sort, et puis deux femmes, nous eussions eu trop peur pour courir dans des corridors sombres et dans des chambres que nous ne connaissions pas ; il nous fallait bien un cavalier pour nous accompagner ! Le lieutenant ne connaissait pas plus que nous la partie du château où nous nous étions aventurés. C’est si grand ! Nous avions traversé une longue galerie déserte et descendu au hasard un petit escalier presque tout noir. Le lieutenant marchait le premier, et, ne trouvant rien d’assez embrouillé dans cet endroit-là pour nous bien cacher, il allait toujours, si bien qu’on ne voyait plus du tout, et que nous commencions à craindre de tomber dans quelque précipice, quand il nous dit :

» — Je me reconnais, nous sommes devant la grosse tour qui sert de prison. Il n’y a pas de prisonniers, car voici la porte ouverte. Si nous descendions dans les cachots, je vous réponds qu’on aurait de la peine à nous trouver là.

» Mais l’idée de s’enfoncer dans les souterrains, qu’on dit si grands et si affreux, fit peur à Marguerite.

» — Non, non, n’allons pas plus loin, dit-elle ; restons à l’entrée. Voilà une petite embrasure masquée par des planches, restons là et ne parlons plus, car vous savez bien qu’il y a des joueurs qui trichent et qui rôdent pour avertir les autres.

» Nous avons fait comme voulait Marguerite ; mais à peine étions-nous là que nous avons entendu venir, et, pensant qu’on était déjà sur nos traces, nous nous retenions de rire et même de respirer. Alors nous avons entendu les propres paroles que je vais vous redire. C’étaient deux hommes qui sortaient de la tour et qui s’en allaient par la galerie qui nous avait amenés là. Ils parlaient bas, mais, quand ils ont passé devant nous, ils ont dit :

» — Est-ce que je vais encore être de faction pour garder l’Italien ? Ça m’ennuie.

» — Non, tu viens avec nous au vieux château. À présent l’Italien est des nôtres.

» — Ah ! qu’est-ce qu’il y a donc à faire ?

» Alors l’autre a répondu des mots que nous n’avons pas compris et que je ne pourrais pas vous redire, des mots de brigand, à ce qu’il paraît ; mais on a dit le nom de Christian Waldo à plusieurs reprises, et on a parlé aussi de l’avocat, en disant :

» — L’avocat, ça ne fait rien ; un avocat, ça se sauve !

— C’est ce que nous verrons ! s’écria M. Goefle. Et après ?

» — Après, on a parlé d’un âne, d’une coupe d’or, d’une querelle à engager, c’était de plus en plus incompréhensible. Et puis ces deux hommes, qui s’étaient arrêtés pour s’expliquer, s’en allaient en disant :

» — C’est à huit heures, sur le lac, le rendez-vous.

» — Mais s’il ne passe pas ? disait l’autre.

» — Eh bien, on ira au Stollborg ; nous aurons des ordres.

» Aussitôt que ces deux coquins ont été partis, le lieutenant nous a fait sortir de notre cachette en nous disant tout bas :

» — Pas un mot ici !

» Et avec précaution il nous a ramenées dans la grande galerie des chasses, en nous disant alors :

» — Permettez-moi de vous quitter et de courir chercher le major.

» Le lieutenant avait compris l’argot de ces bandits : on devait attaquer M. Christian Waldo en l’accusant d’avoir volé quelque chose, l’emmener à la tour, le tuer même, s’il se défendait, et on avait ajouté :

» — Ce serait le mieux !

» Le lieutenant était indigné. Il nous disait en nous quittant :

» — Tout cela vient peut-être de plus haut qu’on ne pense… Il y a de la politique là-dessous, il faut que Christian Waldo ait quelque secret d’État.

— Ah ! je vous jure que non ! répondit Christian, que la simplicité du lieutenant fit sourire.

— Je ne vous le demande pas, monsieur Christian, reprit l’ingénue et bonne Martina : ce que je sais, c’est que le lieutenant et le major, ainsi que le caporal Duff, ont juré de faire leur devoir et de vous protéger, quand même cela déplairait beaucoup à M. le baron ; mais ils ont pensé qu’il fallait agir avec beaucoup de prudence, et, nous recommandant le plus profond secret, ils sont partis à pied, bien armés, sans bruit, et séparément, en se donnant rendez-vous ici, afin de se cacher et de s’emparer des assassins et de leur secret.

» — Continuez les jeux, nous ont-ils dit ; tâchez que l’on ne s’aperçoive pas de notre absence.

» En effet, nous avons fait semblant de les chercher, Marguerite et moi, jusqu’au moment où l’on s’est séparé pour aller faire la toilette du soir ; mais, au lieu de songer à nous faire belles, nous n’avons pensé qu’à regarder par la fenêtre de ma chambre et à tâcher de voir à travers le brouillard ce qui se passait sur le lac. Hélas ! c’était bien impossible ; on ne distinguait pas seulement la place du Stollborg. Alors nous écoutions de toutes nos oreilles : dans le brouillard épais on entend quelquefois les moindres bruits ; mais on faisait, au château et autour des fossés, un vacarme de fanfares et de boites d’artifice, comme si on eût voulu justement nous empêcher d’entendre les bruits d’une querelle ou d’une bataille. Et le temps s’écoulait… lorsque tout à coup la peur a pris Marguerite…

— Et vous aussi, chère Martina, dit Marguerite confuse.

— C’est vous, chère amie, qui m’avez communiqué cette peur-là, reprit la fiancée du lieutenant avec candeur. Enfin, comme deux folles, nous voilà parties avec Péterson, persuadées que nous rencontrerions le major et ses amis qui nous rassureraient, et que, grâce à Péterson, qui ne se perd jamais, nous les remettrions sur la route du vieux château, s’ils l’avaient perdue. Nous sommes donc venues à pied, et nous n’avons pas trop erré au hasard, si ce n’est que nous nous sommes trouvées arriver par le côté du gaard, au lieu de pouvoir marcher droit par celui du préau. Péterson nous a dit :

» — C’est égal, nous entrerons bien par ici.

» Et, en effet, nous voilà, sans trop savoir par où nous sommes entrées ; mais dans tout cela nous n’avons rencontré personne, et, rassurées sur votre compte, nous devons, je crois, commencer à nous inquiéter sérieusement du major… et des autres officiers.

— Ah ! Marguerite ! dit Christian bas à la jeune comtesse, pendant que M. Goefle, Martina et Péterson se consultaient pour savoir ce qu’il y avait à faire, vous êtes venue ainsi…

— Devais-je, répondit-elle, laisser assassiner un homme comme M. Goefle, sans essayer de lui porter secours ?

— Non, certes, reprit Christian, dont la reconnaissance était trop sincère et trop vive pour manquer à la délicatesse par un mouvement de fatuité, vous ne le deviez pas ; mais votre courage n’en est pas moins grand. Vous pouviez les rencontrer, ces bandits ! Bien peu de femmes auraient poussé le dévouement, l’humanité… jusqu’à venir elles-mêmes…

— Martina est venue avec moi, répondit vivement Marguerite.

— Martina est la fiancée du lieutenant, reprit Christian. Elle n’aurait peut-être pas pu se résoudre à venir pour… M. Goefle ?

— Je vous demande pardon, monsieur Christian, elle serait venue pour… n’importe qui, du moment qu’il s’agit de la vie de son semblable ! Mais occupez-vous donc de savoir si ces messieurs arrivent, car enfin je ne vois pas que le danger soit passé.

— Oui, oui, dit Christian, rassemblant ses idées, il y a du danger. J’y songe à présent que vous êtes ici. Mon Dieu ! pourquoi êtes-vous venue ?

Et le jeune homme, en proie à des sentiments contraires, était à la fois bien heureux qu’elle fût venue et bien tourmenté de la voir exposée à quelque scène fâcheuse. D’ailleurs, la présence de ces deux jeunes filles au Stollborg n’était-elle pas faite pour aggraver la situation sous un autre rapport ? Ne pouvait-elle pas précisément servir de prétexte à une invasion déclarée ? La comtesse Elvéda, toute mauvaise gardienne qu’elle était de sa nièce, pouvait bien s’apercevoir, ou s’être déjà aperçue de son absence, la faire chercher ou l’avoir fait suivre. Que savait-on ?

— Ce qu’il y a de certain, se disait Christian, c’est qu’il ne faut pas qu’elle soit vue ici.

Il pensa bien à la conduire avec sa compagne au gaard de Stenson, où personne n’aurait sans doute l’idée de la chercher ; mais la demeure de Stenson servait peut-être, en ce moment, de poste d’observation à l’ennemi… Au milieu de toutes ces perplexités, Christian, qui ne répondait qu’avec distraction aux interpellations agitées de M. Goefle, prit une résolution dont il ne fit part à personne. Ce fut de sortir de l’appartement et d’aller, soit dans les cours du vieux château, soit sur le lac, affronter des périls dont, en somme, il était l’unique point de mire. Dans ce dessein, il se munit d’une lumière, afin de se faire voir autant que possible dans le brouillard, et sortit sans rien dire, espérant que M. Goefle ne ferait pas attention tout de suite à son absence ; mais, avant qu’il eût franchi la porte principale de la chambre de l’ourse, Marguerite se leva en s’écriant :

— Où allez-vous donc ?

— Où allez-vous, Christian ? s’écria aussi M. Goefle en s’élançant vers lui. Ne sortez pas seul !

— Je ne sors pas, répondit Christian en se glissant rapidement dehors ; je vais voir si la seconde porte, celle qui ouvre par ici, sur le préau, est fermée.

— Que fait-il ? dit Marguerite à M. Goefle ; vous ne craignez pas… ?

— Non, non, répondit l’avocat, il m’a promis d’être prudent.

— Mais je l’entends qui tire les verrous de la seconde porte ; il les ouvre !

— Il les ouvre ? Ah ! nos amis arrivent !

— Non, non, je vous jure qu’il s’en va !

Et Marguerite fit le mouvement involontaire de suivre Christian. M. Goefle l’arrêta, et, faisant signe à Péterson de ne pas quitter les femmes, il voulut s’élancer sur les traces de Christian. Déjà celui-ci avait fermé la porte en dehors pour l’empêcher de le suivre, et il courait vers la porte extérieure du préau, appelant Larrson à haute voix, et se tenant prêt à se défendre, s’il réussissait à attirer à lui les assassins, lorsqu’une balle dirigée sur lui vint faire sauter de sa main le flambeau qu’il tenait et le replonger dans les blanches ténèbres que ne pouvait percer l’éclat de la lune, et qui formaient comme un linceul sur la terre.

Au bruit du coup de pistolet, M. Goefle, épouvanté pour son jeune ami, laissa échapper un juron terrible ; Martina fit un cri, Marguerite tomba sur une chaise ; Péterson courut à M. Goefle. Leurs efforts combinés eussent peut-être réussi à ouvrir la porte ; mais ils ne s’entendirent pas. Péterson, tout dévoué à sa jeune maîtresse, ne songeait qu’à empêcher les malfaiteurs d’entrer, et ne soupçonnait pas que M. Goefle voulût au contraire sortir pour voler au secours de Christian.

Durant ce malentendu, où le bon avocat se donnait à tous les diables, Christian, enchanté d’avoir enfin la liberté d’agir, s’était élancé sur le premier qui s’était trouvé devant lui ; mais celui-ci, qui, trompé par le brouillard, ne le croyait sans doute pas si près, prit la fuite, et Christian le poursuivit en le bravant et en l’injuriant, tandis qu’un autre bandit le suivait rapidement sans rien dire. Christian entendit derrière lui le bruit sec des pas de l’assassin sur la neige durcie, et il lui sembla entendre aussi, à travers le sang que la colère faisait gronder dans ses oreilles, d’autres pas et d’autres voix venant sur lui à droite et à gauche. Il comprit rapidement qu’il était traqué, et, conservant assez de présence d’esprit pour savoir ce qu’il faisait, il s’acharna à la poursuite du premier assaillant, jugeant qu’il ne devait pas se retourner avant de s’être débarrassé de celui-ci, qui pouvait venir l’attaquer par derrière lorsqu’il aurait à faire face aux autres. En outre, il ne perdait pas de vue sa résolution d’éloigner l’affaire du Stollborg.

Christian descendit ainsi le roidillon du préau, dont il trouva la porte ouverte, et, à vrai dire, la pente rapide que ses pieds rencontrèrent fut le seul indice certain qu’il pût avoir de la direction qu’il prenait. Mais, au moment où il se sentit sur la glace unie du lac, d’autres détonations partirent de derrière lui, des balles sifflèrent à son oreille, et il vit tomber à deux pas devant lui l’homme qu’il poursuivait. Le fugitif avait été pris pour lui par ses complices, ou bien ceux-ci avaient tiré au hasard sur tous deux, sans se soucier d’atteindre celui qui avait lâché pied.

L’homme que les balles venaient d’atteindre était Massarelli ; Christian reconnut sa voix, qui exhalait un rugissement d’agonie, au moment où il enjamba son cadavre. Il courut encore, afin de se donner le temps de se reconnaître pendant que les assassins ramasseraient ou tout au moins regarderaient Massarelli pour savoir qui ils avaient abattu. Puis il s’arrêta pour écouter, et il entendit seulement ces mots :

— Laissez-le là ; il est bien.

De quoi s’agissait-il ? Prenait-on Massarelli pour lui, et les assassins allaient-ils se retirer ? ou bien avait-on reconnu la méprise et allait-on continuer la poursuite ? En faisant de rapides zigzags dans le brouillard, Christian espéra se défaire d’eux un à un. Il essayait de compter les voix et les pas. Il avait un immense avantage, qui était d’avoir gardé, sans y songer, les bottes de feutre sans couture et sans semelle qu’on lui avait prêtées le matin pour la chasse. Cette souple chaussure ne gênait pas plus ses mouvements que s’il eût couru nu-pieds, et lui permettait en outre de ne faire sur la neige qu’un bruit extrêmement léger, tandis qu’il entendait le moindre pas de ses adversaires chaussés avec moins de luxe et de précaution.

Il écouta encore. On venait à lui, mais on ne le voyait pas ; la marche était incertaine. Il entendit à dix pas de lui, ces mots rapides :

— Hé ? c’est moi !

Les bandits se rencontrant inopinément dans le brouillard, leur ordre était rompu. Rien de plus facile désormais que de leur échapper. Christian n’y songea pas. Il avait la rage au cœur ; il ne voulait pas que ces scélérats pussent retourner le chercher au Stollborg. Il les appela d’une voix forte en se nommant et en les défiant, reculant peu, mais courant comme des bordées pour les irriter et les désunir, espérant en joindre un, sans se laisser envelopper par tous. Sa présence d’esprit était si complète, qu’il put bientôt les compter ; ils étaient encore trois, Massarelli avait été le quatrième.

Malgré cette étonnante possession de lui-même, Christian éprouvait une surexcitation violente, mais qui n’était pas sans mélange d’un plaisir âpre comme l’ivresse de la vengeance. Aussi fut-il presque désappointé lorsque d’autres pas se firent entendre derrière lui, des pas aussi moelleux que les siens, et qui lui firent tout de suite reconnaître les bottes de feutre dont étaient chaussés ses compagnons de chasse. Il craignait que les bandits ne prissent la fuite sans combattre. Il courut au-devant de ses amis, et leur dit bas et rapidement :

— Ils sont là, ils sont trois, il faut les prendre !… Suivez-moi et taisez-vous !

Et aussitôt, se retournant en droite ligne à la rencontre des ennemis, il s’arrêta au lieu où il les jugea à peu près rassemblés en se nommant de nouveau et en raillant leur maladresse et leur poltronnerie. À l’instant même, un des bandits l’atteignit au bras d’un coup de poignard, et tomba à ses pieds, étourdi et suffoqué par un coup du manche du couteau norvégien, que Christian lui porta en pleine poitrine. Christian n’avait été que blessé légèrement, grâce à sa veste de peau de renne ; il remercia le ciel de n’avoir pas cédé au désir d’éventrer le bandit comme il avait éventré l’ours de la montagne. Il était très-important de prendre vivant un des bravi du baron. Les deux autres, le croyant mort, jugèrent qu’avec leur chef ils avaient perdu la partie, et, se rapprochant l’un de l’autre à l’instant même, ils échangèrent, en un seul mot de leur argot, la formule désespérée du sauve qui peut ; mais ils avaient compté sans le major et le lieutenant, qui les guettaient et qui s’emparèrent de l’un, tandis que l’autre prenait la fuite.

— Pour l’amour du ciel ! êtes-vous blessé, Waldo ? dit le major, que Christian aidait à désarmer les bandits.

— Non, non, répondit Christian, qui ne sentait sa blessure qu’à la chaleur du sang qui remplissait sa manche. Avez-vous des cordes ?

— Oui, certes, de quoi les pendre tous, si nous en avions le droit. Nous avions bien compté les faire prisonniers, ces beaux messieurs ! Mais, si vous n’êtes pas trop essoufflé, Christian, donnez donc un son de trompe pour tâcher d’amener ici nos autres amis que nous attendons et cherchons depuis une heure. Tenez, voici l’instrument.

— Mieux vaut décharger vos armes, dit Christian.

— Non pas ; il y a eu assez de coups de feu comme cela ; sonnez la trompe, vous dis-je.

Christian fit ce qu’on lui demandait ; mais on ne fut rejoint que par le caporal.

— Voyez-vous, dit le major à Christian, il faut que ceci ait l’air d’une partie de promenade durant laquelle nous nous serions perdus et retrouvés.

— Je ne vous comprends pas.

— Il faut qu’il en soit ainsi, vous dis-je, pendant quelques heures, afin que le baron ne se doute pas trop tôt de l’issue de l’affaire et ne soit pas en mesure de mettre sur pied, contre nous ? les autres coquins qu’il a sans doute en réserve. Quant à lui, ajouta-t-il en baissant la voix, son tour viendra, soyez tranquille !

— Son tour est tout venu, répondit Christian ; je m’en charge.

— Doucement, doucement, cher ami ! vous n’avez pas mission pour cela. Ce soin me regarde, et je suis bien décidé à sévir, maintenant que nous avons une certitude et des preuves. Seulement, nous ne pouvons agir contre un noble et un membre de la diète qu’en vertu d’ordres supérieurs ; nous les obtiendrons, n’en doutez pas. Ce que nous avons à faire pour le moment, c’est que vous m’obéissiez, mon ami, car je vous requiers, au nom des lois et au nom de l’honneur, de me prêter main-forte comme je l’entends et selon les ordres que j’aurai à vous donner. En ce moment, M. Goefle accourait tête nue, le flambeau d’une main, l’épée de l’autre. Il avait fait le tour par la porte de la chambre à coucher, après avoir décidé, non sans peine, les deux femmes à se tenir enfermées sous la garde de Péterson, car toutes deux montraient un égal courage pour elles-mêmes et une égale sollicitude pour les absents.

— Christian ! Christian ! s’écria-t-il, est-ce ainsi que vous gardez votre parole ?

— J’ai tout oublié, monsieur Goefle, répondit Christian à voix basse : c’était plus fort que moi… Pouvais-je attendre que l’on vînt enfoncer les portes et tirer sur les femmes ?… Tenez, nous sommes délivrés ; retournez auprès de Marguerite, rassurez-la.

— J’y cours, répondit l’avocat en éternuant, d’autant plus que je m’enrhume affreusement… J’espère, ajouta-t-il tout haut, que ces messieurs vont venir nous voir !

— Oui, certes, c’était convenu, répondit le major ; mais il nous faut d’abord vaquer à nos devoirs.

M. Goefle alla rassurer les dames, et les autres hommes procédèrent à l’enlèvement du cadavre de Massarelli, que l’on fit transporter par les deux prisonniers, le pistolet sur la gorge, dans un des celliers du gaard. Ceux-ci, bien liés, furent conduits ensuite dans la cuisine de Stenson, où le lieutenant et le caporal rallumèrent le feu et s’installèrent pour les garder à vue, tandis que le major se préparait à les interroger en confrontation avec Christian.

Christian s’impatientait de voir procéder si régulièrement dans une affaire que le major paraissait connaître mieux que lui-même ; mais le major, qui lui parlait en français, lui fit comprendre qu’avec un adversaire comme le baron, il n’était pas aussi facile qu’il le pensait de prouver même un fait patent et avéré.

— Et puis, ajouta-t-il, je vois avec regret que nous manquons un peu de témoins. M. Goefle n’a rien vu, que le résultat de l’affaire. On ne retrouve ici ni M. Stenson, ni son neveu, ni votre valet. J’espérais que nous serions plus nombreux pour vous défendre à temps et constater les faits de visu. Le sous-lieutenant et les quatre soldats que j’avais envoyé chercher n’ont pas encore paru. Malgré le rapprochement de nos bostœlles et des torps des soldats, il se passera peut-être, grâce au. brouillard, plusieurs heures avant que nous ayons ici huit hommes sous les armes.

— Mais qu’est-il besoin de huit hommes pour en garder deux ?

— Croyez-vous donc, Christian, que le baron, en voyant, pour la première fois, échouer une de ses diaboliques combinaisons, va se tenir tranquille ? Je ne sais pas ce qu’il pourra imaginer, mais à coup sûr il imaginera quelque chose, dût-il essayer de faire mettre le feu au Stollborg. C’est pourquoi je suis résolu à y passer la nuit, afin de m’emparer, avec votre aide, des autres bandits qui nous seront probablement dépêchés soit avec des offres de service, soit autrement. C’est toute une bande de voleurs et d’assassins que la majeure partie de cette valetaille étrangère, et il faut tâcher de les prendre tous en flagrant délit. Alors je vous réponds que la magistrature osera sévir contre le seigneur, réduit à invoquer en vain l’assistance de ses paysans. Si nous ne procédons pas ainsi, soyez sûr que c’est nous qui perdrons la partie. Tout le monde aura peur ; le baron trouvera le moyen de désavouer la responsabilité de l’événement, ou de nous faire enlever les prisonniers. Vous passerez pour un assassin, et nous passerons pour des visionnaires, ou tout au moins pour de jeunes officiers sans expérience, prenant parti pour le coupable et arrêtant les honnêtes gens ; car vous pouvez bien compter que les deux bravi que nous tenons sont bien stylés. Je vais les interroger, et vous verrez qu’ils sauront arranger leur affaire. Je parie bien que la leçon leur est faite on ne peut mieux.

En effet, les deux bandits répondirent avec impudence qu’ils étaient venus, par l’ordre du majordome, avertir l’homme aux marionnettes, qui était en retard pour la représentation ; que celui-ci, en voyant parmi eux un de ses anciens camarades, à qui il en voulait, s’était élancé à sa poursuite, et l’avait tué. Il avait ensuite injurié et provoqué les autres, et celui qui avait blessé Christian jura qu’il l’avait blessé par mégarde en voulant s’emparer d’un furieux.

— Tellement furieux, ajoutait-il, qu’il m’a enfoncé la poitrine et que je crache le sang !

— Vous verrez dit Christian au major, que c’est moi qui ai manqué d’égards envers monsieur en ne me laissant pas assassiner !

— Et vous verrez, répondit Larrson que les assassins se sauveront de la corde ! Nos lois n’appliquent la peine capitale qu’aux criminels qui avouent. Ceux-ci le savent bien, et, quelque absurde que soit leur défense, ils s’y tiendront. Votre cause sera peut-être moins bonne que la leur. Voilà pourquoi, de notre côté, nous tiendrons ferme pour vous et auprès de vous, Christian, n’en doutez pas.

— Oh ! la cause de Christian est très-bonne ! dit M. Goefle, qui était venu écouter l’interrogatoire, et qui ramenait ses hôtes vers ce qu’il appelait son manoir de l’ourse. Nous aurons bien des armes contre le baron, si nous pouvons venir à bout de délivrer le vieux Stenson, qui a été emmené, bon gré mal gré, au château. Il faut, messieurs, que vous en trouviez le moyen avec nous.

— Quant à cela, monsieur Goefle, dit le major, il n’y faut pas songer. Le châtelain est justicier sur son domaine, et, par conséquent, dans sa propre maison. J’ignore ce que l’affaire de M. Stenson peut avoir de commun avec celle de Christian, mais mon avis n’est pas de compliquer celle-ci. Avant tout, je voudrais savoir si, en effet, Christian a trouvé dans le bât de son âne un gobelet d’or, que le baron avait ordonné de glisser là, comme autrefois Joseph voulant éprouver ses frères, mais, je suppose, dans des intentions beaucoup moins pacifiques.

— Ma foi, dit Christian, je n’en sais rien. Venez avec moi vous en assurer.

On se porta à l’écurie, où l’on trouva Puffo dans un coin, pâle et demandant grâce. On le fouilla ; le gobelet d’or était sur lui. Il se confessa à sa manière. Il avait vu, une heure auparavant, maître Johan apporter là cet objet précieux dans des intentions qu’il avait devinées, et, ne se croyant pas surveillé, il avait résolu de s’en emparer pour le reporter au château, disait-il, et empêcher que l’on n’accusât son maître d’un vol dont il était innocent ; mais, au moment où il allait fuir, il s’était trouvé enfermé dans l’écurie, dont la porte avait résisté à tous ses efforts, lorsqu’au bruit du combat il avait essayé de porter secours à Christian. En raison de ces aveux forts suspects, le major fit lier maître Puffo comme les autres, et on le conduisit au gaard, où Péterson, requis de prêter main-forte, fut chargé de seconder le caporal dans le soin de garder les trois prisonniers. La coupe d’or fut portée en triomphe par M. Goefle sur la table de la salle de l’ourse.

Cependant Martina Akerstrom était accourue au-devant de son fiancé, sans la moindre crainte du qu’en dira-t-on, et sans éprouver aucun embarras de la présence du major et du caporal. La bonne et candide personne ne se tourmentait plus que de deux choses : l’inquiétude que son absence devait commencer à inspirer à ses parents, et le manque de sucre pour offrir le thé « à ces pauvres messieurs qui devaient avoir si froid ! » Elle demandait à envoyer quelqu’un au château neuf pour rassurer les auteurs de ses jours et pour rapporter du sucre. Quant au dernier point, Nils, que le mouvement fait autour de lui avait réveillé, et que la présence des officiers rassurait, put satisfaire la bonne Martina, vu qu’il savait très-bien, et pour cause, où se trouvait la provision de sucre apportée par Ulphilas le matin ; mais, quant au premier, on manquait de courriers, et le major tenait, d’ailleurs, à enregistrer, séance tenante, la déposition de Martina avec celle du lieutenant Osburn, relativement aux paroles des bandits, entendues, deux heures auparavant, à l’entrée de la tour du château neuf. Comme pour lui tout le nœud de l’affaire était là, il se fit rendre un compte détaillé du fait, écrivant à mesure, et regrettant que le troisième témoin, la comtesse Marguerite, ne fût pas présente pour y apposer sa signature.

Marguerite était dans la chambre de garde, où Christian l’avait à la hâte priée de rentrer, pour qu’elle ne fût pas vue des jeunes officiers, vis-à-vis desquels elle n’avait pas l’excuse, plausible et sacrée en Suède, d’être venue par sollicitude pour les jours d’un fiancé ; mais la comtesse, qui se tenait près de la porte, entendit que l’on réclamait son concours, et, s’étant assurée, à l’audition des voix, qu’elle n’avait rien à craindre de la médisance des personnes présentes, elle ouvrit vivement et se montra. Elle avait à cœur de jurer et de signer, elle aussi, que le vol infâme imputé à Christian, dans les conseils et desseins du baron, avait été annoncé d’avance devant elle.

En la voyant, le major et le lieutenant ne purent retenir une exclamation de surprise ; mais M. Goefle, avec sa présence d’esprit accoutumée, se chargea de tout expliquer.

— Mademoiselle Akerstrom, dit-il, n’eût pas pu venir seule. Elle n’avait personne pour l’accompagner, et vous lui aviez tellement recommandé le silence, qu’elle ne pouvait choisir d’autre escorte que le domestique de la comtesse Marguerite, initiée au même secret. Naturellement, la comtesse Marguerite a voulu accompagner son amie, à laquelle Péterson eût peut-être fait quelques objections sur le mauvais temps… M. Goefle trouva encore de bonnes raisons pour démontrer combien le fait s’était naturellement accompli. Martina eût pu dire, avec sa simplicité primitive, que les choses ne s’étaient pas absolument passées comme les expliquait M. Goefle, et elle était si loin de soupçonner la prédilection de Marguerite pour Christian, qu’elle n’y eût même pas manqué, si elle n’eût été absorbée par le soin de servir le thé et même le gruau avec Nils, qui avait, en outre, découvert au gaard les mets destinés par Ulphilas absent au souper de son oncle et des hôtes du Stollborg. La lugubre salle de l’ourse offrait donc en ce moment une de ces scènes tranquilles que, par suite des nécessités de la nature et des éternels contrastes de la destinée, notre vie présente à chaque instant : tout à l’heure des angoisses, des luttes, des périls ; l’instant d’après, un intérieur, un repas, une causerie. Cependant M. Goefle et Martina furent les seuls qui s’assirent pour manger. Les autres ne firent qu’avaler debout et à la hâte, attendant avec impatience, ou de nouveaux événements, ou un renfort qui leur permit de prendre de nouvelles résolutions.

Certes, chacun des personnages d’une réunion si insolite avait un vif sujet d’inquiétude. Marguerite se demandait si, à la suite du changement nécessité dans le programme des plaisirs du château neuf par l’absence des burattini, sa tante ne se mettrait pas à sa recherche, et si mademoiselle Potin elle-même ne partagerait pas son étonnement et sa frayeur en constatant l’absence de Martina, avec qui elle l’avait laissée. Martina se tourmentait moins des angoisses de sa famille. Positive en ses raisonnements, elle se disait que le château était bien grand ; que sa mère, parfaitement sûre d’elle et aimant le jeu, n’avait pas l’habitude de la chercher quand elle courait avec ses jeunes compagnes de salle en salle ; qu’enfin, d’un instant à l’autre, l’arrivée des autres officiers allait la délivrer ; mais, quand elle songeait au petit nombre des défenseurs du Stollborg, elle s’inquiétait pour son fiancé et trouvait le secours bien lent à venir.

Christian s’inquiétait pour Marguerite, sans trop songer désormais à sa propre destinée. Le major s’inquiétait pour Christian et pour lui-même ; il ne cessait de répéter tout bas au lieutenant qu’il trouvait l’affaire mal engagée pour être portée devant un tribunal. Le lieutenant s’inquiétait de voir le major inquiet. Quant à M. Goefle, il s’alarmait pour le vieux Stenson, et cela le conduisait à retomber dans ses commentaires intérieurs sur la naissance et la destinée de Christian.

La situation n’était en somme rassurante pour personne, lorsque enfin on entendit sonner et frapper à la porte du préau. Ce pouvait être l’officier avec les soldats attendus ; mais ce pouvait être aussi une nouvelle bande dépêchée pour assister ou délivrer la première. Le major et le lieutenant armèrent leurs pistolets et s’élancèrent dehors, en ordonnant à Christian, avec le droit et l’autorité dont ils étaient revêtus en cette circonstance, de rester derrière eux, et de n’attaquer qu’à leur commandement. Puis Larrson ayant ouvert lui-même résolument la porte du préau sans faire de questions, et au risque de tomber sous les coups de ceux dont il voulait s’emparer, reconnut avec joie le sous lieutenant son ami et les quatre soldats les plus voisins de son cantonnement. Dès lors pour lui tout était sauvé. Il était bien impossible que le baron, ne recevant pas de nouvelles de l’événement, dont il devait attendre l’issue avec impatience, n’envoyât pas une partie de son mauvais monde à la découverte.

Le sous-lieutenant fit son rapport, qui ne fut pas long. Il s’était perdu avec ses hommes ; il n’avait trouvé le Stollborg que par hasard, après avoir longtemps erré dans la brume. Il n’avait rencontré personne, ou, s’il avait rencontré quelqu’un, il n’en savait absolument rien.

— Cependant, ajoutait-il, le brouillard commence à s’éclaircir sur les bords du lac, et, avant un quart d’heure, il sera possible de faire une ronde. Le bruit des fanfares et des boîtes ayant entièrement cessé du côté du château, on pourra désormais se rendre compte des moindres bruits du dehors.

— La ronde sera d’autant plus possible, répondit le major, que nous avons ici un homme du pays, un certain Péterson, qui a le sens divinatoire des paysans, et qui, dès à présent, saurait vous mener partout ; mais attendons encore un peu. Postez-vous autour des deux entrées, dans le plus profond silence et en vous cachant bien. Fermez les portes du pavillon du gaard. Que les prisonniers soient toujours gardés à vue et menacés de mort s’ils disent un seul mot, mais que ce soit une simple menace ! Nous n’avons que trop d’un mort, qui nous sera peut-être bien reproché !…