Almanach du Père Peinard 1897
Le Père Peinard (p. 11).

almanach du père peinard


L’HIVER


L’HIVER s’amène officiellement le 20 décembre, — mais le charognard n’a pas attendu jusque-là pour nous geler les arpions et le bout du nez, — fichtre non !

Nous voici à la saison où le soleil a grise mine, il a des gueules de papier mâché et n’est pas plus faraud qu’un fromage blanc. Comme chaleur, il ne nous envoie guère plus qu’un glaçon et ça, parce qu’au lieu de nous servir ses rayons d’aplomb, l’animal ne nous les expédie qu’en biseau — de sorte qu’ils se tireflutent par la tangente, sans se donner la peine de dégeler nos abattis.

C’est aussi l’époque de l’année où les jours sont les plus courtauds et où les mouches blanches font leur apparition.

Le populo ne rigole pas de tout ça ! Pour lui, c’est une sacrée rallonge à la mistoufle. Les croquemorts en savent quelque chose ; le turbin abonde, — les fosses communes s’emplissent !

Ce qu’il en défile, des prolos, quand vient l’hiver ! Malheur de malheur, si on en connaissait la litanie complète, notre sang ne ferait qu’un tour.

Et on aurait bougrement raison de se fiche en colère car, y a pas à tortiller, y a mèche de s’aligner pour éviter ce déquillage.

Il suffirait que chacun ait des godillots qui ne soient pas à soupape, des frusques chaudes, une tenue galbeuse et du bon frichti pour se garnir le fusil.

C’est-il impossible ?

Non pas ! rien de plus simple que d’arriver à ça : il s’agit de le vouloir !

Du coup, les croquemorts pourraient se rouler les pouces ; leur clientèle diminuerait en un clin d’œil !

C’est en hiver, — un jour quelconque, choisi au hasard de la fourchette par des pantouflards de la haute, — que s’amène le commencement de l’année crétine : le premier Janvier, en style esclave.

Il tombe moins de mouches blanches en tout l’hiver qu’il ne se débite de faussetés ce jour-là.

On se rend des visites à contre-cœur, on s’expédie des bouts de carton en ronchonnant et on s’écrit des babillardes jésuitiques où le sucre et la pâte de guimauve cachent le fiel.

C’est la journée des mensonges, des fourberies, des hypocrisies et des reniements.