L’Histoire des théories théosophiques dans l’Inde/Préface

Texte établi par Musée Guimet, Ernest Leroux (Annales du Musée Guimet, volumes 22-23p. i-xii).
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PRÉFACE


On constate dans toutes les civilisations la présence de certaines idées qui se transmettent d’une génération à l’autre comme des vérités qu’il n’est plus besoin de contrôler. Un exemple frappant de la puissance et de la vitalité de ces axiomes traditionnels, c’est la croyance qui s’est si vite établie dans le monde chrétien en une éternité absolue de bonheur ou de peines, servant de sanction à une existence éphémère et relative. Quand Lactance, au commencement du quatrième siècle, enseignait que les hommes qui furent heureux dans cette vie, sont éternellement malheureux dans l’autre, et que ceux qui, épris de justice, ont consenti à être ici-bas honnis, pauvres et persécutés, sont récompenses dans le ciel par une félicité sans limites, sa pensée ne s’est pas arrêtée un instant sur l’énorme disproportion du mérite et de la rémunération. Avant et après Lactance, théologiens, hommes d’église, fidèles ont accepté le dogme de l’éternité des joies paradisiaques et des tortures infernales sans être froissés par son injustice et son absurdité, pas plus que la généralité des contemporains de Sophocle n’étaient choqués par l’indécence de la mythologie grecque, ou que les lecteurs des chefs-d’œuvre consacrés par une admiration séculaire ne réfléchissent à ce que les situations et les personnages mis en scène ont souvent de révoltant.

L’histoire religieuse de l’Inde nous offre d’abondants exemples de ces idées qu’on respire avec l’air dans lequel on vit, et qui sont en quelque sorte entrées dans la substance de l’âme collective. Une fois qu’elles ont reçu droit de cité, on les retrouve, altérées quelquefois, le plus souvent immuables, jusque dans des créations qui semblent à première vue tout à fait originales. Ce que furent ces idées, comment elles ont pris naissance, comment elles ont évolué, comment elles ont passé d’un système à l’autre, parfois pour le plus grand dommage de la cohérence et de la logique des doctrines, comment enfin elles ont lentement façonné une mentalité qui nous paraît à la fois singulièrement attirante et lointaine, telles sont les questions qu’à la lumière des textes originaux, je me propose d’examiner dans les pages qui suivent.

Ces idées directrices de la civilisation hindoue, ai-je eu raison de les appeler théosophiques ?

Il y a longtemps que ce mot de théosophie met en défiance les esprits pondérés et prudents. Son discrédit est devenu tout particulièrement grand en ces dernières années, où l’on vit ce pavillon couvrir les plus étranges marchandises : un alliage de mysticisme et de charlatanerie, et des prétentions thaumaturgiques qui venaient, d’une manière fort inattendue, s’associer à un souci presque puéril d’appliquer aux choses transcendantes la méthode et la terminologie scientifiques.

Or, comme on sait, les apôtres du nouvel évangile occultiste ont affecté de demander à l’Inde la solution des problèmes de la vie et de la mort. En leur personne, l’occident s’est une fois de plus assis aux pieds des docteurs orientaux, demeurés, disait-on, les fidèles dépositaires d’une sagesse profonde et surhumaine. Du moment que, pour se renouveler, la théosophie prétendait se rattacher par un lien de filiation directe aux enseignements des Upaniṣad et des Sûtra bouddhiques, l’Inde devait nécessairement recevoir quelques éclaboussures de la défaveur railleuse qu’encouraient à juste titre les étranges doctrines prêchées par Mmes  Blavatsky et Besant.

Aussi n’est-ce pas sans hésitation que je me suis arrêté au titre que j’ai donné à cet ouvrage. Il semble, en effet, légitimer les prétentions de nos théosophes occidentaux, et, par conséquent, pourrait exposer à de fâcheuses promiscuités les doctrines dont j’entreprends de faire l’histoire. Je n’ai pu cependant me résoudre à chercher pour elles une étiquette moins compromettante. Le mot de théosophie me parait, en effet, convenir fort bien à cet ensemble de théories et d’espérances qui sont inspirées surtout par la préoccupation de l’au-delà, et qui, sans être proprement philosophiques ni religieuses, tiennent cependant et de la religion et de la philosophie. Or, c’est là précisément le caractère des idées qui ont pour une large part déterminé le développement de la pensée hindoue.

Il ressortira de mon exposé, je l’espère du moins, que le rapport de filiation que l’on voudrait établir entre les vieux dogmes de l’Inde brahmanique et bouddhique et certaines formes de l’occultisme, est beaucoup plus apparent que réel. Ce n’est pas de l’Inde, mais de la tradition antique, du judaïsme et de la renaissance que viennent, pour ce qu’elles ont d’essentiel, les conceptions théosophiques modernes. En quête d’autorités qui parussent décisives, ce que nos théosophes ont demandé à l’Inde, c’est la confirmation de théories qu’ils avaient déjà. Il est vrai qu’ils lui ont emprunté aussi une grande partie de leur nomenclature ; encore n’est-il pas sûr qu’ils emploient toujours à bon escient les termes sanscrits dont ils font un si copieux usage[1].

L’évolution théosophique de l’Inde couvre un nombre considérable de siècles, et chacune de ses grandes phases est représentée dans la littérature religieuse par des témoins à la fois nombreux et loquaces. L’abondance des matériaux n’a pas empêché pourtant qu’il ne soit extrêmement difficile de reconstituer les étapes de cette pensée. On sait même qu’il y a bien peu d’espoir que nos constructions historiques correspondent jamais d’une façon complète à la succession réelle des idées et des faits.

La faute, pour une très grande part, en est aux habitudes de l’esprit hindou. Les monuments littéraires nous ont été transmis tout classés et tout étiquetés, et les cadres confectionnés par la tradition, s'imposent bon gré mal gré à l’historien. Comme le respect de la chronologie a été le moindre souci de ceux qui ont établi ces catégories, et que trop souvent les écrits ne fournissent aucune donnée positive sur leur âge, l’ordre dans lequel il convient de les disposer dans les cadres, et celui de ces cadres eux-mêmes deviennent extraordinairement incertains. Il en résulte que tous les arrangements auxquels on pourrait songer, risquent de paraître inadéquats et artificiels à quiconque tiendra à se placer à un point de vue strictement historique. Il n’est point démontré, par exemple, que parmi les Upaniṣad que nous possédons, même les plus anciennes aient précédé la venue du Bouddha. Le bouddhisme, de son côté, est postérieur à plusieurs des systèmes de la philosophie orthodoxe ; mais rien ne prouve que les textes qui représentent pour nous ces systèmes soient antérieurs aux écritures canoniques de la Triple Corbeille. Quant aux deux grandes religions sectaires, le vichnouisme et le sivaïsme, si, littérairement, elles sont sans doute plus récentes que la grande masse des écrits brahmaniques, leurs origines, en tout cas, plongent dans un passé très reculé.

À cela s’ajoute que, dans l’histoire religieuse de l’Inde, tout se tient, tout s’enlace d’une manière souvent inextricable. Les divers groupes n’y sont point simplement juxtaposés. Sans doute, dans le développement de la pensée théosophique, ils représentent des moments caractérisés par des facteurs sensiblement différents. Mais il s’en faut que tous constituent autant de blocs homogènes. Il en est qui, très archaïques par certains de leurs éléments, sont à d’autres égards débiteurs de systèmes qui, dans l’ensemble, nous apparaissent comme plus récents. Plus d’une fois on sera dans l’incertitude sur l’ordre qu’il convient d’adopter pour eux. L’hésitation s’aggrave quand il s’agit d’une religion qui, comme le bouddhisme, a eu une très longue histoire, et qui, au cours des siècles, a subi des influences très diverses. Doit-on placer les systèmes philosophiques avant ou après le bouddhisme ? Et n’y aurait-il pas de sérieux avantages à traiter des religions sectaires avant de parler du bouddhisme ? De quelque manière qu’on se décide, on se heurte à des difficultés et l’on s’expose à des objections. Il faut en prendre son parti, et se dire, qu’en définitive, le plus plausible des classements ne correspond qu’approximativement à la déconcertante complexité des faits.

La théosophie n’a pas régné sans partage sur la pensée hindoue. L’Inde a aussi connu des religions et des philosophies très réalistes ; et l’idéalisme lui-même ne doit pas être confondu avec la théosophie. Ne fût-ce que pour circonscrire l’objet de notre étude, il nous faut déterminer ce que nous appelons théosophie, et ne tenir compte que des systèmes qui, au moins dans leurs éléments essentiels, répondent à notre définition.

1o  Comme la religion, la théosophie veut résoudre les énigmes de la vie et de l’univers. À la différence des religions qui, pour résoudre ces énigmes, admettent l’intervention merveilleuse de la divinité dans la vie humaine et dans la marche de l’univers, la théosophie, écartant toute idée de miracle et de surnaturel, prétend être une science, mais une science basée sur la connaissance de lois et de forces autres que celles que nous atteignons par nos moyens vulgaires d’investigation.

2o  Comme la philosophie, la théosophie vise à ramener à l’unité d’essence l’infinie multiplicité des êtres et des phénomènes. À la différence de la philosophie, elle cherche à pénétrer les secrets de la nature et de la vie, non par voie d’observation et d’analyse, d’induction et de déduction, mais par une méthode infiniment plus rapide, l’intuition ou l’illumination. Il est vrai que seuls les hommes parvenus à un haut degré de sagesse sont capables de cette clairvoyance spontanée. Heureusement pour les autres, la connaissance de la vérité est fidèlement conservée par des initiés qui la transmettent aux adeptes par voie de révélation.

3o  La théosophie n’est pas seulement une méthode et une science, elle est aussi une puissance. Comme il y a parallélisme, interdépendance de l’homme et de l’univers, connaître les forces occultes de la nature, c’est aussi pouvoir en disposer à son gré : les grands initiés se sont mis en harmonie avec le principe central de l’univers ; ils ont pénétré tous les secrets du macrocosme, et, par conséquent, ils sont soustraits aux limitations ordinaires de la vie humaine. Réciproquement, leurs facultés exceptionnelles sont alléguées comme la preuve expérimentale de leur science supérieure ; elles garantissent la vérité de leurs enseignements.

4o  En fait, sinon de propos délibéré, la théosophie se trouve en conflit avec la religion établie ; ses tendances sont individualistes, pour ne pas dire nettement ésotériques. Elle n’a donc que mépris et répugnance pour l’organisation populaire et officielle des grandes églises. Elle aussi, sans doute, cherche à appuyer ses affirmations sur d’anciennes autorités ; mais la tradition qu’elle invoque n’est pas, en général, celle qui sert de base à la religion ambiante.

Révélation des lois occultes de la vie et de la nature, — méthode intuitive. — pouvoirs surhumains, — hostilité à l’égard de la tradition religieuse, nous trouverons ces divers éléments dans la théosophie de l’Inde. Ils n’y ont pas tous été également apparents dans chacune de ses phases, mais prise dans l’ensemble de son histoire, elle les a tous présentés, conjointement ou successivement.

Un de ces caractères, le second, a été de tous le plus stable : les théosophes hindous ont été des voyants. Cela étant, on se demandera sans doute comment il se fait que des doctrines qui procèdent de brusques illuminations puissent être étudiées historiquement, c’est-à-dire dans la succession et l’enchaînement de leurs diverses manifestations. Une illumination, une révélation, n’est-elle pas quelque chose d’absolu et de définitif ? Et n’est-ce pas quand elle est acquise douloureusement à l’aide des procédés de la logique ordinaire, que la vérité, par le fait même qu’elle est toujours relative et provisoire, se laisse ramener à des séries évolutives ?

Les documents dont nous disposons répondent d’eux-mêmes à ces questions. Nous reconnaîtrons que les révélations de Kṛṣṇa dans la Bhagavad-Gîtâ n’ont guère fait que reproduire, sous une forme particulièrement émouvante, des idées qui sont beaucoup plus anciennes que ce poème ; — nous verrons que le bouddhisme n’a pas été très original en fait de doctrines, et qu’il est redevable aux philosophies brahmaniques des principaux éléments de son système ; — nous trouverons l’origine des thèses les plus caractéristiques des vieilles Upaniṣad dans le développement très naturel d’idées qui sont à la base de la théologie védique. L’intuition, dans ces écritures, consiste essentiellement dans la tranquille intrépidité avec laquelle on y juxtapose les affirmations les plus contradictoires ; dans le désordre d’une pensée qui procède par bonds ; dans le mélange continuel des conceptions les plus sublimes et des rêveries les plus absurdes ; dans la merveilleuse richesse des images et des comparaisons qui, souvent saisissantes et parfois vraiment évocatrices, se substituent presque partout au raisonnement ; enfin, dans la création de formules admirablement frappées qui ont concentré, comme dans un foyer intense, des idées dès longtemps jetées dans la circulation. Quant au contenu de ces formules, de ces conceptions, de ces affirmations, c’est l’évolution de la pensée hindoue qui l’a produit de la manière la plus naturelle. Si nous rencontrons aujourd’hui dans les écrits de certains théosophes contemporains des théories où se reflètent le criticisme de Kant ou l’évolutionnisme de Darwin, nous ne doutons pas un instant, qu’en dépit de leurs moyens supérieurs d’investigation, ces théosophes n’aient dû attendre l’élaboration des systèmes de Kant et de Darwin, pour les approprier à leur usage. Il en a été de même des théosophes hindous. Ils ont ramassé et isolé pour les mettre en un relief plus puissant les idées nées du travail progressif d’une pensée qui se mouvait suivant les voies ordinaires de l’esprit humain.

Notre tâche consiste précisément à retrouver, si possible, les antécédents, à reconstituer la genèse et la succession de ces conceptions qui, à première vue, semblent jaillir spontanément dans l’âme des voyants. Je ne me fais point illusion sur la difficulté de cette entreprise. D’importants anneaux manquent à la chaîne qu’il s’agit de renouer ; dans le développement de la pensée religieuse de l’Inde, on voit, à certains moments, surgir des facteurs nouveaux dont l’origine est obscure. Au moins en savons-nous assez, dès maintenant, pour n’avoir aucun doute sur le caractère logique et naturel de cette évolution. Nous commencerons par recueillir dans les plus anciennes écritures brahmaniques les germes lointains des spéculations théosophiques. De ces germes se développe peu à peu une riche végétation d’idées et de croyances ; ce sera le sujet de notre deuxième partie. Nous verrons dans la troisième comment ces idées se sont organisées et groupées en systèmes. La quatrième et la cinquième partie nous montreront les concepts théosophiques sortant des écoles et agissant sur les masses, soit qu’ils se transforment eux-mêmes en une religion, le bouddhisme, — ou qu’ils pénètrent les religions populaires existantes : l’hindouisme.

J’ai écrit pour des lecteurs qui, sans être sanscritistes, sont curieux des choses de l’Inde. Un livre qui s’adresse à ce public doit, autant que possible, se suffire à lui-même. Sera-ce le cas de celui-ci ?

Je ne me dissimule nullement les difficultés de la tâche que j’ai entreprise. À aucun moment de leur évolution, les idées théosophiques n’ont formé dans l’Inde un système parfaitement homogène et autonome. Toujours, elles nous apparaissent mêlées à des éléments d’un autre caractère. Les isoler artificiellement des combinaisons dont elles ont fait partie, c’est se condamner à ne comprendre ni leur histoire, ni l’influence, qu’elles ont exercée sur la pensée hindoue. D’autre part, la théosophie s’est montrée suffisamment envahissante, sans que son historien lui annexe encore des domaines qui ne lui appartiennent pas.

J’ai essayé d’éviter ce double écueil. Il m’est arrivé de toucher incidemment à des théories et des croyances qui ne tiennent pas directement au sujet propre de cet ouvrage. Mais aussi, je me suis appliqué à n’en parler que dans la mesure où elles semblaient jeter quelque lumière sur les conditions dans lesquelles les concepts théosophiques ont pris naissance et se sont développés.

Je devais cette explication à ceux de mes lecteurs qui trouveront que mon livre dit trop ou trop peu.


PRONONCIATION ET TRANSCRIPTION

DES MOTS SANSCRITS ET DES MOTS PALIS


I. Prononciation.

a) Voyelles :

u, û sont prononcés comme le français ou dans rousse, douze.

se prononce à peu près comme la syllabe ri ; ṛgveda, prononcez rigvéda.

e, o, qui sont historiquement des diphtongues (a + i ; a + u), sont en fait prononcés comme des voyelles simples, longues et fermées. Il en résulte que l’e de veda sonne comme en allemand ee dans Seele ; et l’o de om comme notre o dans rose.

ai, au sont des diphtongues qui se prononcent comme les diphtongues des mots allemands Hain et Bau.

b) Consonnes :

g a toujours le son de notre g dans gai.

c et j sont des palatales qui faut prononcer tch, dj, comme le c et le g dans les mots italiens certo, gentile. La nasale palatale ñ est semblable à notre n mouillée : jñāna, à peu près comme jnyāna.

, et sont des linguales qui se forment quand la langue, au lieu de s’appuyer contre les dents (comme elle fait pour les dentales t, d, n), se replie en arrière pour s’appuyer contre la voûte du palais.

ś, la sifflante palatale, que manuscrits et inscriptions confondent souvent avec s et , peut être prononcée soit comme un s dur : Śiva = Siva, soit comme ch (Chiva).

, la sifflante linguale, a le son de notre ch : Viṣṇu, prononcez Vichnou.

h est, comme en allemand et en anglais, une forte aspiration ; prononcer par conséquent mahā– (grand) comme en allemand daheim, et bhagavat–, comme en allemand Reibhiolz. Devant une consonne, h a presque la valeur d’une gutturale : brahman, à peu près comme en allemand acht.

(visarga), employé surtout à la fin des mots, est une légère aspiration qui accompagne l’émission de la voyelle finale.

(anusvāra) 1o  dans l’intérieur des mots, et devant y, v, les sifflantes et h, est une résonance nasale semblable à celle que nous avons en français dans le mot bon : saṁyama, saṁskāra, prononcez san-yama, san-skāra ; 2o  dans l'intérieur des mots et devant une explosive, tient lieu de la nasale de même ordre que l’explosive : ahamkāra, prononcez ahan-kāra (avec n guttural) ; 3o  à la fin des mots, peut être considéré comme un équivalent de m.

II. Transcription.

Pour éviter d’affubler de terminaisons françaises des mots qui ne peuvent être correctement transcrits qu’à l’aide de signes diacritiques, les mots isolés, sanscrits ou palis, ont été laissés sous la forme où ils se présentent dans le dictionnaire, et cela au pluriel comme au singulier. On ne s’étonnera pas par conséquent de lire : les Upaniṣad (Oupanichad), les ṛṣi (richi). Il n’a été fait d’exception que pour quelques mots que l’on peut considérer comme devenus français : Rigvéda, Bouddha et Bouddhas, ou qui se passent sans inconvénient de signes diacritiques : Védanta. On aura donc à la fois Śiva et sivaïte ; Viṣṇu et Vichnouisme.

Devant une gutturale, le n est nécessairement guttural ; on s’est donc abstenu de le pourvoir d’un signe diacritique. Prononcer par conséquent anga, comme le grec ἄγγελος et l’allemand lange. Dans les cas où la nasale gutturale provient de l’assimilation d’une gutturale devant m, elle a été notée  : vāṅmaya.

  1. Ils les emploient du moins et les ont jetés dans la circulation. Grâce à eux, beaucoup de mots sanscrits ont cessé de sonner étrangement aux oreilles occidentales. Cela me permettra de m’en servir à mon tour sans trop de scrupule. Si le lecteur trouvait que j’ai forcé la dose, et disait comme l’interlocuteur fictif que met en scène un traité fameux de philosophie hindoue : « À quoi bon nous effrayer inutilement avec ces mots inconnus et monstrueux, empruntés aux dialectes du Carnatic et du Bengale ? », — je lui répondrais avec l’auteur de cet ouvrage : « Je ne le fais pas pour vous épouvanter, mais pour vous rendre service en vous expliquant ces termes étranges. » (Sarvadarś., p. 178). — On trouvera d’ailleurs, à la fin de l’ouvrage, un petit lexique donnant l’explication de tous les termes sanscrits employés dans ces pages.