L’Enseignement primaire des filles en 1864

L’Enseignement primaire des filles en 1864
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 52 (p. 948-968).


L’Enseignement primaire
des filles en 1864

La France, depuis dix ans, ne ménage guère ses revenus ; les malveillans prétendent même qu’elle entame son capital. Elle a sur pied 400,000 hommes, quelquefois 420,000 ; elle n’entretient pas moins de 259 navires armés au lieu de 188, qui est le chiffre normal ; elle double, triple et quadruple les traitemens de ses grands fonctionnaires ; elle a des flottes en Chine, en Cochinchine, au Mexique, une armée à Rome. Elle fait de sa capitale ce qu’un habile machiniste pourrait faire de la scène de l’Opéra. Nous voilà loin de ces temps de prudence exagérée où la chambre disputait pendant toute une séance pour une économie de 6,000 francs : on ne s’occupe plus aujourd’hui de toute cette monnaie ; la nouvelle unité de compte, en langage législatif, est le million. Nous en versons 300 au Mexique sans sourciller ; nous en avons jeté 26 dans les fondations du nouvel Opéra. Nous trouvons chaque année dans l’inépuisable trésor de la France 1,500,000 fr. pour les théâtres de Paris, 15 millions pour les maisons de détention, 5 millions et davantage pour le pénitentiaire de Cayenne. Puisque les millions ne nous coûtent plus rien, ne pourrions-nous en ajouter 5 ou 6 au maigre budget de l’instruction primaire ?

On fait sonner bien haut les 6 ou 7 millions qu’on lui donne sur les ressources ordinaires de l’état, et ces millions, il faut le reconnaître, font un grand effet quand on les compare aux 50,000 fr. de la restauration et aux 5,000 fr. du premier empire ; mais il ne s’agit pas, dans une matière aussi grave, de savoir si on fait mieux que d’autres : il s’agit de savoir si on fait tout ce qu’on peut faire et tout ce qu’on doit faire. C’est là la véritable question pour des gens sérieux, qui ne se préoccupent ni des intérêts d’une administration, ni de ceux d’une opposition, et qui ont à cœur par-dessus tout les intérêts de l’instruction primaire. Le dernier Exposé de la situation de l’empire déclare que 600,000 enfans ne reçoivent aucune instruction, et que, parmi ceux qui appartiennent nominalement aux écoles, un très grand nombre n’y apprennent rien. Est-ce là un état de choses qu’on puisse accepter pour un pays tel que le nôtre et pour une époque signalée par tant de progrès ? Pendant qu’on fait de très louables efforts pour améliorer l’instruction primaire des garçons, on laisse dans le dénûment les écoles primaires de filles : il suffit, pour s’en convaincre, d’ouvrir les lois de finances. Cette inégalité, maintenue depuis l’empire sous tous les gouvernemens, devrait nous obliger à parler modestement de nous-mêmes. Quand M. Guizot fit adopter en 1833 cette excellente, cette admirable loi sur l’instruction primaire, qui contenait les principes de tous les progrès, la chambre des députés écarta les dispositions relatives à l’enseignement primaire des filles. M. Cousin s’en plaignit hautement, éloquemment devant la chambre des pairs. Ce n’était, disait-on, qu’un ajournement. Il y a trente et un ans qu’on disait cela. Enfin il est permis d’espérer que cette longue injustice touche à son terme.

Tout le monde en ce moment se préoccupe de l’instruction des filles, le gouvernement comme le pays. Chacun s’empresse d’apporter son programme. Ce n’est pas tant d’un programme que nous avons besoin, c’est d’argent. La loi de 1833 a fait pour les écoles de garçons un programme excellent, qu’il faut tout uniment imposer aux écoles communales de filles, en y joignant les travaux de couture. Si les commissions qu’on pourra instituer trouvent moyen d’améliorer le programme de 1833, nous n’y faisons pas d’opposition, quoique nous ayons en général peu de goût pour les programmes ; mais la véritable commission de l’instruction primaire des filles, c’est la commission du budget. Aujourd’hui nous n’avons pas assez d’écoles, et plus de la moitié de ces écoles sont des écoles mixtes, c’est-à-dire des écoles de garçons où les filles sont reçues. Nos écoles de filles proprement dites sont dans une situation tellement précaire que le recrutement des institutrices est impossible. Non-seulement on est obligé de s’adresser presque partout aux religieuses, mais il a fallu introduire dans la loi, une inégalité au moins suspecte, et dispenser les religieuses de la production du brevet de capacité. Pour démontrer la nécessité de créer un budget de l’instruction primaire pour les filles, nous ne voulons faire aucun nous nous bornerons à mettre les faits sous les yeux du public.

Nous avons en France 37,874 écoles publiques de garçons et seulement 13,991 écoles publiques de filles[1], différence en faveur des écoles de garçons, 23,891. 37,500 communes et 13,991 écoles de filles, cela fait, en supposant une seule école de filles par commune, ce qui n’est pas entièrement exact, 23,509 communes où les écoles de filles font défaut. Il est vrai que les filles ont la ressource des écoles mixtes : 18,147 écoles reçoivent à la fois des garçons et des filles. L’instruction est donnée dans ces écoles à environ 360,000 filles. Il est difficile de ne pas le regretter. Dans quelques pays du nord de l’Europe, on accepte volontiers le principe des écoles mixtes ; il n’en saurait être de même chez nous, où les inconvéniens sont nombreux et depuis longtemps signalés. À l’origine même de la révolution, le rapport de M. de Talleyrand témoigne des appréhensions qu’inspiraient les écoles mixtes. L’ancien évêque d’Autun tolère la présence des filles dans les écoles de garçons, mais seulement depuis six ans jusqu’à huit. À peine son rapport était-il déposé, que les maîtres de pension de Paris publièrent un mémoire où ils comparent ces pauvres filles de six à huit ans à des brebis abandonnées au milieu des loups[2]. Ces loups étaient des garçons dont les plus âgés n’avaient que treize ans. On aurait pu demander avec plus de raison au rapporteur ce qu’il faisait des filles après ces deux années d’école, et si c’était bien la peine de violer une règle essentielle pour un résultat si évidemment insignifiant. Malgré les louables efforts de la restauration pour supprimer les écoles mixtes[3], il résulte du rapport de M. Lorain qu’elles étaient fort nombreuses dans les campagnes en 1833, et donnaient lieu à de : grands désordres. Dans le Gantai, des religieuses, appliquant à rebours le principe de M. de Talleyrand, recevaient des garçons de cinq à dix ans dans les écoles de filles[4]. Dans les Ardennes, l’école de Perthes entassait 80 élèves, garçons et filles, dans un espace de douze pieds carrés[5].Dans le Cher, un inspecteur avait trouvé deux filles de seize à dix sept ans enfermées seules dans une chambre avec un jeune homme du même âge pendant que l’instituteur, qui cumulait avec cet emploi celui de sacristain, était allé servir la messe[6]. Dans une commune du canton de Vanves, Eure-et-Loir, la classe était si étroite que les petites filles étaient obligées de monter sur la table pour aller à leur place[7]. Plusieurs instituteurs tenant des écoles mixtes étaient célibataires ; on en citait un qui, à dix-neuf ans, avait des écolières de quatorze[8]. Dans plusieurs communes, on avait été obligé de dissimuler des faits trop affligeans afin d’éviter le scandale[9]. L’administration, constituée sur des bases excellentes par la loi de 1833, s’efforça d’obtenir la séparation des sexes, elle agit constamment dans ce sens ; mais il n’y a qu’un moyen d’assurer ce résultat, c’est l’argent : il faut que l’instituteur soit assez bien payé pour n’avoir pas besoin de la rétribution des filles. On ne fera aucune réforme sérieuse dans l’instruction primaire tant qu’on s’obstinera à la traiter avec cette honteuse parcimonie. Les instituteurs s’opposaient sourdement à une mesure qui leur ôtait la moitié de leurs élèves ; les conseils municipaux résistaient pour le même motif, ne voulant ni augmenter la subvention communale, ni laisser mourir de faim l’instituteur. Aujourd’hui encore, au milieu des réclamations universelles, c’est l’argent qui fait le seul obstacle, et en effet la suppression des écoles mixtes coûterait cher, car il ne peut venir à l’idée de personne de les supprimer sans les remplacer. On comprend bien qu’en dépit de la surveillance la plus attentive il y a dans ces écoles un danger réel pour les mœurs, que l’entrée et la sortie, les absences pendant la durée de la classe, la classe elle-même, offrent mille occasions de désordre, que les précautions, dans une telle matière, sont pour ainsi dire aussi dommageables que l’absence de précautions, que le local est souvent trop étroit et mal disposé, surtout dans les 10,119 communes qui ne sont pas encore propriétaires de leurs maisons d’école. S’il n’y a pas de différences sérieuses dans l’instruction élémentaire pour les deux sexes, il y en a dans l’éducation, et il ne faut pas oublier que quand par malheur la mère est retenue à l’atelier depuis le matin jusqu’au soir, la fille ne reçoit d’autres leçons de décence et de morale que celles de l’instituteur. Cet instituteur peut être célibataire, et s’il dépend à la rigueur des conseils municipaux d’éviter cet inconvénient, l’instituteur peut être veuf. On a pensé à introduire dans les écoles mixtes une maîtresse de couture[10]. C’est bien, c’est un palliatif. On a aussi permis au conseil municipal de faire diriger l’école mixte par une institutrice quand il le jugerait à propos[11]. Il était bon de le permettre, parce qu’il est quelquefois bon d’user de la permission. Cela dépend des mœurs et des habitudes locales, du nombre des élèves, et surtout de l’habileté et de la fermeté de la maîtresse qu’on a sous la main. Sur 18,147 écoles mixtes, 15,407 sont tenues par des instituteurs, et 2,740 seulement par des institutrices. Cette disproportion est indiquée par la nature des choses, et la disette d’institutrices munies de brevets la rendra longtemps inévitable. La question se résume d’un mot ; une fille introduite dans une école de garçons y est bien instruite, mais elle y est mal élevée.

Plusieurs personnes voudraient supprimer à l’instant, par un article de loi ou de règlement, toutes les écoles mixtes. Nous ne saurions admettre qu’on procède ainsi en matière d’instruction. Nous ne sommes pas de ceux qui pensent qu’il vaut mieux n’avoir pas d’école que d’en avoir une mauvaise. Le premier de tous les malheurs assurément, c’est de n’avoir pas d’écoles. Il ne faut jamais supprimer que ce qu’on remplace. Si l’on est en mesure de créer en un clin d’œil 18,147 écoles de filles, il faut sans perdre une minute proscrire toutes les écoles mixtes ; sinon, non. Vainement soutiendrait-on que nos écoles mixtes ne font qu’entretenir le mal en le palliant, et que si on les supprimait, la nécessité urgente d’instruire les filles ferait sortir de terre des écoles. Il n’en est rien : on s’accoutume à l’ignorance ; c’est un commencement d’éducation qui montre la nécessité d’une éducation plus complète. Les 490 commissaires envoyés par M. Guizot en 1833 pour répandre partout les bienfaits de l’instruction rencontrèrent de l’indifférence ou même de l’hostilité dans tous les hameaux où il n’y avait pas d’école. Il en est de même de la presse et de la vie politique ; il importe de garder précieusement ce qu’on a, même quand ce qu’on a est peu de chose ; on ne recule jamais impunément. Il faut donc attendre que les législateurs se décident à ne plus faire d’économies aux dépens de la morale. Jusque-là il sera nécessaire d’améliorer les écoles mixtes et de les tolérer. C’est un premier et très grand malheur de notre organisation actuelle.

Quant à nos 13,991 écoles de filles, elles ne sont pas, tant s’en faut, dans une situation florissante. L’état ne garantit aux institutrices aucun traitement ; elles vivent sur la bonne foi des communes, comme les instituteurs avant la loi de 1833. L’Exposé de la situation de l’empire assure qu’elles ont un revenu moyen de 665 francs 33 cent. Cela leur ferait, à peu de chose près, 1 fr. 85 c. par jour ; n’en croyez rien, elles seraient riches ! Pour établir cette moyenne, on a fait un total de tous les traitemens et on l’a divisé par le nombre des institutrices ; mais on a compté dans le total les revenus relativement très élevés de quelques institutrices de grandes villes, et cette disproportion entre la richesse d’une minorité et le dénûment du très grand nombre à complètement faussé la moyenne. C’est ainsi que dans la Statistique de l’industrie parisienne, publiée en 1851 par la chambre de commerce de Paris, on lit que le salaire le moins élevé des femmes qui décorent la porcelaine est de 1 fr., et le salaire le plus élevé, de 20 francs. Seulement le salaire de 20 francs n’est touché que par une seule artiste sur 996, et presque toutes les autres sont obligées de se contenter d’un salaire inférieur à 1 fr. 50 c.[12]. La statistique a de ces surprises. Si l’on faisait la moyenne du revenu des institutrices dans les petites villes et dans les campagnes en ne tenant pas compte des exceptions, il ne faudrait plus parler de revenus de 600 francs. Ce travail a été tenté ; on ose à peine dire qu’on est arrivé à 100 fr. pour l’allocation municipale, et à 200 francs pour la rétribution des élèves payantes. Ce chiffre peut être contesté, parce qu’il repose sur une classification arbitraire des écoles. Laissons-le de côté. Ce qu’on ne contestera pas, c’est le fait suivant, qui est officiel. Le ministre, dans sa générosité, dans son humanité, a voulu porter à 500 fr. le salaire annuel des institutrices les plus malheureuses ; on a calculé qu’il ne fallait pas, pour y parvenir, moins de 1,600,000 fr. On peut juger par là de l’immensité du mal. La chambre a reculé devant cette dépense d’un ou deux millions : il eût été plus juste et plus habile de la doubler. 4,756 institutrices, qui sont loin d’être les plus malheureuses, ont un revenu flottant entre 400 et 340 fr., c’est-à-dire entre 1 fr. 10 c. et 0,94 c. par jour. Celles qui n’atteignent pas même le chiffre de 340 fr. sont réduites à des journées de 60 on 75 c, qui doivent suffire à leur nourriture, à leurs vêtemens et à leur entretien. Elles ne peuvent pourtant pas mendier, étant institutrices, ni se faire inscrire au bureau de charité : comment vivent-elles ? On ne peut pas s’empêcher de dire qu’en les mettant au-dessus du besoin le pays ne ferait qu’acquitter une dette sacrée.

Il ne faudrait pas qu’on vînt à ce propos nous parler d’économie. Voilà une économie bien meurtrière, qui condamne tant de pauvres femmes à souffrir de la faim. Là encore, le ministre glane où il peut, sur les services mieux dotés, quelques billets de mille francs qu’il distribue en secours ; mais cette sollicitude, dont il faut louer le ministre, est-elle une excuse pour le pays ? Est-ce que le pain de ces 5,000 institutrices chargerait beaucoup notre budget de 2 milliards ? Qu’on y songe, il y a là une question de justice et d’humanité, non-seulement envers ces malheureuses, qui portent le grand nom d’institutrices et remplissent la grande mission de nous élever des citoyennes, mais envers les filles du peuple, à qui l’on donne des maîtresses mal préparées, incapables pour la plupart, qui souffrent de la faim à côté d’elles, et qui gagneraient à quitter leur école pour se faire servantes.

On a fait quelques efforts pour le recrutement des institutrices. On sait que nous avons pour les écoles de garçons 75 écoles normales dirigées par des laïques et contenant 3,094 élèves, 2 écoles normales dirigées par des frères et contenant 77 élèves. Il y faut ajouter quatre cours normaux dirigés par des laïques et contenant 82 élèves, 1 cours normal dirigé par les frères, 1 autre dirigé par un prêtre, réunissant à eux deux 51 élèves : en tout, pour l’enseignement des garçons, 77 écoles normales et 6 cours normaux, renfermant 3,304 élèves. Les écoles de filles sont bien loin de se recruter dans un aussi nombreux personnel d’élèves-maîtresses. Quatre écoles normales laïques renferment 198 élèves, 5 écoles cougréganistes en comptent 142, en tout, pour les 9 écoles normales, 340 élèves. Il y a en outre 44 cours normaux dirigés par des sœurs et réunissant 1,125 élèves, 8 cours normaux dirigés par des institutrices laïques et réunissant 76 élèves ; ce qui porte le nombre des établissemens à 9 écoles normales et 52 cours normaux, et celui des élèves à 1,541.

Plus des deux tiers des élèves-maîtresses sont instruites dans les cours normaux, qui ne sont que des établissemens d’une importance secondaire. On doit souhaiter, on ose à peine espérer la création d’un plus grand nombre d’écoles. Il est clair qu’en matière d’enseignement un bon personnel vaut mille fois mieux que de bons règlemens, et que le plus sûr moyen d’avoir un bon personnel, c’est de le préparer dans des écoles normales ; seulement il ne faut pas oublier qu’une école normale se compose de maîtresses et d’élèves. On aura des maîtresses à la rigueur en faisant de très légers sacrifices, car les institutrices, même les plus capables, ne sont pas très exigeantes ; mais, pour obtenir des élèves, il faut avoir une carrière à leur offrir. Un tiers des institutrices communales gagnent, tout compris, 90 centimes par jour ; ce n’est pas là, on en conviendra, un grand motif d’attraction. Pour gagner ce modeste salaire, il faut enseigner à lire et à écrire à de petits enfans tous les jours pendant six heures ; c’est une occupation assez fatigante. Il n’y a pas d’espoir d’avancement, car une institutrice qui demande une meilleure école a tout juste la même chance de l’obtenir qu’une jeune fille sortant de l’école normale, et même plus elle vieillit, plus ses chances diminuent, car on s’use vite dans cette vie de privation et de labeur. Et pourquoi le conseil municipal donnerait-il la préférence à une maîtresse déjà épuisée ? Sans argent ni avancement, l’institutrice a-t-elle au moins, dans sa pauvre école, la sécurité, la dignité ? Pas du tout : elle dépend de tout le monde, du maire, du curé, de l’inspecteur, des parens. Le curé n’a même pas besoin de provoquer sa destitution ; il n’a qu’à dire un mot pour la ruiner, ou bien encore il peut appeler des sœurs, et c’en est fait de l’école laïque. Telle est la position qu’une fille de vingt ans ira chercher dans un village où elle n’a ni parens ni amis, où peut-être elle ne trouvera personne qui puisse causer avec elle des choses Auxquelles elle s’intéresse, aucune femme qui sache lire ! Il est vrai qu’on lui promet une retraite, comme à l’instituteur, après trente ans de service et soixante ans d’âge. Soixante ans d’âge ! le législateur n’y a pas pensé. Il ne sait pas ce que c’est que de faire l’école pendant trente ans pour dix-huit sous par jour. Et sur quoi sera-t-elle fondée, cette retraite ? Sur un revenu annuel de 340 francs ? Elle ne sera pas de cinq sous par jour.

Qu’arrive-t-il ? C’est que les écoles normales manquent d’élèves, et que les institutrices laïques, ou du moins les institutrices capables, font absolument défaut dans les campagnes. On n’y trouve que de malheureuses femmes que la perte de leur mari et la destruction de leur fortune ont déclassées, qui à grand’peine ont obtenu un brevet du dernier degré, et qui achèvent de mourir en surveillant languissamment quelques élèves illettrées et maladives. La plupart des écoles rurales sont dirigées par des religieuses.

Il y a environ 40,500 religieuses en France[13]. C’est tout un monde, composé des élémens les plus divers et recruté dans toutes les classes de la société. Plusieurs communautés sont riches par elles-mêmes, et ne reçoivent que des personnes bien élevées et en état de payer une forte dot. Vingt-deux maisons, appartenant à des congrégations autorisées, enseignantes ou hospitalières, se partagent une somme de 98,000 francs, inscrite annuellement au budget[14]. Presque toutes les religieuses exercent une industrie pour augmenter leur revenu, et la plupart d’entre elles sont obligées de mener une vie très laborieuse. La couture, la confection des objets de lingerie, les fleurs artificielles, les dentelles, la préparation de diverses sortes de confitures et de dragées, qui ne sont guère dans certains couvens qu’un moyen de varier les occupations de la journée, deviennent pour d’autres une ressource indispensable, et ne suffisent pas toujours à donner aux recluses une modeste aisance. Les principales branches de leur industrie sont le service des hôpitaux et des bureaux de bienfaisance, et l’enseignement. L’enseignement surtout est pour elles une sorte de vocation additionnelle, qui leur vient comme par surcroît avec celle de se consacrer au service de Dieu. Presque toutes les communautés, depuis les plus riches jusqu’aux plus humbles, les religieuses hospitalières, les ordres les plus rigoureusement cloîtrés, les simples associations charitables sans clôture et sans vœux solennels, ont ou un pensionnat ou une école. Quelques religieuses se tiennent, comme les frères des écoles chrétiennes, à la disposition des paroisses, et vont ouvrir école partout où on les appelle. Dans ce cas, elles ne se bornent pas à l’enseignement ; elles visitent les malades, entretiennent le linge, les ornemens, le menu mobilier de l’église, font un peu de pharmacie et se mettent au service du curé pour toute sorte de bonnes œuvres.

Outre le désir d’avoir une école portant en quelque sorte, par la qualité des maîtresses, enseigne de catholicisme, et dont il est le régulateur et le directeur presque souverain, le curé est naturellement charmé d’avoir des sœurs dans sa paroisse. Ce sont en beaucoup de choses d’utiles auxiliaires. Il considère d’ailleurs comme une œuvre pie de rendre service aux communautés besoigneuses, qui ont des sœurs inoccupées. Il est rare qu’une religieuse aille s’établir seule dans une paroisse ; il en faut prendre deux, quelquefois trois ou davantage. Elles ont beau se contenter de peu, ce peu est encore une difficulté pour une commune pauvre. On aurait une maîtresse laïque à meilleur marché ; mais une maîtresse laïque est presque introuvable pour les petites localités. À qui la demander ? Aux élèves-maîtresses de l’école normale ou des cours normaux ? Elles refuseraient. Supposons qu’elles acceptent, c’est en attendant mieux. On ne peut pas non plus prendre une toute jeune fille, si elle n’est pas de la commune. Au-dessus de la question de capacité, il y a les mœurs. Une fille peut se marier, une femme doit suivre la fortune de son mari. Mille raisons obligent les communes à appeler des religieuses ou à se passer d’institutrices. Même dans les communes riches, où l’on peut compter sur beaucoup d’élèves et sur une rétribution mensuelle élevée, il faut l’assentiment du curé pour donner l’école à une maîtresse laïque, car, s’il juge à propos d’appeler des religieuses et de donner un mot d’ordre, l’école communale sera désertée. Et alors que deviendra le conseil municipal ? S’il s’obstine à maintenir l’institutrice qu’il a nommée, il faut qu’il établisse la gratuité absolue pour les élèves, qu’il remplace le produit des rétributions mensuelles par une allocation élevée, et peut-être avec tout cela n’arrivera-t-il qu’à payer très cher une maîtresse qui ne fera rien, et qui verra faire sous ses yeux toute la besogne par ses rivales.

La conséquence de cet état de choses est que les trois quarts des garçons sont élevés par des laïques, et plus de la moitié des filles par des religieuses[15]. Or il faut se souvenir que 360,000 filles à peu près reçoivent l’instruction dans les écoles mixtes, presque toutes dirigées par des instituteurs laïques. Supprimons ces 360,000 enfans, il ne faudra plus dire que les religieuses élèvent la moitié des filles, il faudra dire qu’elles en élèvent les deux tiers. Supposons qu’en fermant aux filles les écoles mixtes, on ouvre immédiatement les 18,147 écoles de filles nécessaires pour les remplacer : il est probable, les mêmes causes agissant, que les nombres seuls seront changés, et que la proportion restera la même. Ainsi, pendant que le quart seulement des garçons recevra l’instruction dans les écoles congréganistes, les deux tiers des filles seront élevés par des religieuses.

Cela paraît assez grave. Les garçons et les filles, que nous voudrions séparer dans leur enfance, sont destinés à être réunis plus tard, et il faut les élever les uns pour les autres. Il importe assurément beaucoup au clergé d’élever les femmes, ou, ce qui revient au même, de les faire élever par des religieuses et dans des sentimens de ferveur religieuse, car si elles arrivent rarement à convertir leurs maris, ce sont elles qui donnent la première éducation à leurs enfans. Dans les pays nominalement catholiques, où l’indifférence religieuse a envahi les hommes de toutes les classes, depuis le philosophe jusqu’à l’ouvrier, tous les enfans sont baptisés et font leur première communion, tous les mariages sont bénis à l’église, on réclame les prières du clergé dans toutes les funérailles. Est-ce inconséquence des hommes ? Non vraiment, c’est le triomphe de l’influence des femmes. Plus cette influence ainsi exercée semble précieuse aux chrétiens fidèles, plus elle doit déplaire à ceux qui, n’ayant pas la même foi, redoutent comme une cause de perturbation pour la famille la différence profonde des doctrines du mari et des croyances de la femme.

Il est vrai que l’éducation religieuse est donnée aussi dans les écoles laïques. La loi en fait même un devoir à tous les instituteurs, et particulièrement aux instituteurs publics ; mais qu’est-ce que la loi ? C’est l’expression de la volonté commune. La loi est stable jusqu’au moment où on la remplace ; la volonté commune est mobile comme l’onde ou comme la nature humaine. S’ensuit-il un désaccord, au moins momentané, entre la légalité et les mœurs ? Oui et non. Le désaccord existe ; il est plus apparent que réel, car il n’y a de loi obéie que celle qui est voulue. Ainsi par exemple la loi ordonne d’enseigner la religion. Soit, on l’enseigne, voilà la loi satisfaite ; mais comment ? C’est ici que les mœurs prennent leur revanche. Partie des maîtres ne croient pas ; parmi ceux qui croient, beaucoup ne comprennent pas. Ils n’enseignent que des lèvres, peine perdue : la foi seule peut engendrer la foi ; c’est un privilège éternellement refusé au scepticisme. Ce n’est rien encore. La loi, dans un pays de liberté religieuse, ne peut préférer aucune religion elle est obligée de s’en rapporter aux familles. Tout est permis en effet aux pères de famille, excepté l’athéisme. Ils ont le droit de choisir entre toutes les religions, à la seule condition d’en avoir une. Il peut donc arriver et il arrive qu’on éteigne deux cultes différens dans la même école. Ce n’est pas certes le même maître, et ce n’est pas non plus le même auditoire ; cependant chaque enfant sait bien qu’à côté de lui on enseigne une doctrine différente, et une doctrine d’autorité, car, si c’était une doctrine de démonstration, il n’y aurait que demi-mal, ou plutôt il n’y aurait pas de mal du tout, le propre de la liberté étant de discuter, comme le propre de l’autorité est d’imposer. Chacun aurait ses raisons, qui lui paraîtraient démonstratives ; mais non, il s’agit tout amplement de la parole de Dieu : c’est au nom de Dieu, de la société et de la famille qu’on enseigne à la fois deux religions qui s’excluent. Pour comprendre que cette contradiction dans les conséquences d’un même principe condamne le principe lui-même, est-il nécessaire d’avoir l’esprit très formé ? Point, cette logique est de tous les âges. Quelle différence de cette école éclectique avec le couvent, où tout est autorité, où l’autorité conclut toujours de la même façon, où tout parle, jusqu’aux murailles, jusqu’à l’habit porté par le maître et aux vœux mêmes qu’il a faits, qui sont éternels et qui semblent mêler un reflet d’éternité à tout ce qu’il fait et à tout ce qu’il dit ! Ou l’éducation n’est rien, ou les âmes ne sortent pas du couvent et de l’école mondaine avec la même empreinte. Cette femme qu’une religieuse a formée et cet homme nourri des doctrines de tolérance, peut-être d’indifférence, mariés ensemble, sont un vivant anachronisme. La femme est du XVIIe siècle, et l’homme de la fin du XVIIIe. Admettons qu’ils vivent en bonne intelligence, elle le croyant damné, lui la jugeant fanatique. Qu’arrivera-t-il quand à leur tour ils enseigneront ? Et ils enseigneront : être père, être mère, c’est enseigner. La mère répétera sa doctrine, puisée au couvent ; le père, par prudence, se taira. Se taira-t-il ? Si même il prend cela sur lui, son silence sera commenté par ses actes. Et que pensera l’enfant de cette contradiction, aussitôt qu’il pensera ? Il condamnera l’un ou l’autre, peut-être l’un et l’autre. Plus il aura l’esprit puissant, plus vite il perdra le respect.

Une modification semble en ce moment se faire dans les mœurs. Au sortir de la restauration, qui avait voulu forcer tout le monde à être catholique, on ne rêvait que tolérance. Si le clergé était tolérant, c’est-à-dire s’il donnait ses bénédictions à tous les mariés et à tous les morts sans acception de doctrines, on lui en faisait un titre d’éloges. De même, quand un philosophe évitait les sujets de controverse avec l’église, Dieu sait au prix de quelles concessions ; quand il distinguait avec subtilité les questions religieuses et les questions philosophiques, quand il prenait grand soin de ne pas empiéter sur le domaine théologique, non par peur assurément, mais par esprit de méthode, rigueur scientifique, amour éclairé de la paix, on applaudissait à cette prudence. Le grand point était de ne pas provoquer de scandale et de faire vivre la religion et la philosophie côte à côte, sans se confondre, mais sans se quereller, en feignant de part et d’autre d’oublier leurs dissentimens. C’était l’ère du pouvoir temporel, des concordats, des religions de la majorité qui ne sont plus des religions d’état, des universités bien pensantes, quoique laïques ; en un mot, c’était l’ère de l’indifférence.

La chose en soi n’est pas bonne ; elle ressemble de trop près à l’hypocrisie. Le résultat le plus clair, c’est d’opérer la paix par la suppression des croyances ; ubi solitudinem fecerunt… Aujourd’hui l’opinion n’est plus aux compromis. Elle veut qu’on se prononce entre la foi et l’incrédulité, entre une foi et une autre. Au lieu de crier contre le clergé qui repousse le mort, elle crie contre le mort qui veut finir son rôle terrestre par un mensonge. Elle ne tourne pas au fanatisme, car elle ne demande ni oppression, ni exclusion ; mais si elle accorde à tout le monde le droit de penser librement, elle impose à chacun le devoir de professer hautement sa doctrine. Bref, elle veut mettre la tolérance par respect à la place de la tolérance par indifférence. Ce changement, de plus en plus marqué, est de bon augure, et semble annoncer une renaissance morale. La révolution est déjà faite dans tous les esprits qui pensent ; elle ne. l’est pas dans les habitudes, parce qu’il y a désaccord entre l’opinion des hommes et celle des femmes. C’est là peut-être une question de quelque intérêt. On passe à côté d’elle sans y regarder, un peu parce qu’il y a du péril à s’en occuper, un peu aussi parce que nous avons vraiment de plus grandes affaires que d’obéir à la logique, de bien élever nos enfans et de sauver le principe sacré de l’autorité paternelle.

Indiquerons-nous du doigt le remède, comme nous avons indiqué le mal ? Le remède ! c’est un grand mot avec lequel on refoule toutes les plaintes. Si vous signalez une misère, au lieu d’y compatir sérieusement et de chercher à la diminuer ou à la guérir, on vous crie de toutes parts : Le remède ! le remède ! Et si vous avouez que vous n’en avez pas, ou même que vous n’avez pas une foi entière, absolue, dans l’efficacité de celui que vous proposez, on vous reproche d’avoir parlé. Il fallait vous taire, il fallait nous laisser dans notre ignorance, dans notre sécurité. Voilà, il faut l’avouer, un sentiment peu philosophique. Ce n’est pas ainsi que pensait Socrate quand il disait que le commencement de la science était de savoir qu’on ne savait rien. Pour nous, nous soutenons d’abord qu’indiquer le mal, c’est commencer à le guérir. Il vaut mieux avouer et même étaler ses ruines que de les plâtrer et de dire : « Admirez ma solidité. » Et quant aux remèdes, il y en a aussi qu’on peut signaler dès à présent, pourvu qu’on se rappelle que les sciences sociales diffèrent de la géométrie, et que les conclusions philosophiques ne se démontrent pas avec la même rigueur que les conclusions mathématiques. C’est la gloire de la philosophie, car c’est la preuve qu’elle a pour matière la liberté humaine, qu’il est impossible de soumettre aux règles du calcul. — Voici donc les remèdes, car il y en a deux. Il faut demander l’un à la loi et l’autre à la science. Demandons à la loi, en matière philosophique et religieuse, de ne pas intervenir, de ne créer d’entraves pour rien, ni de privilèges pour personne. Demandons à la science d’opposer la foi à la foi, c’est-à-dire une force à une force, et non pas l’indifférence à la foi, c’est-à-dire une faiblesse à une force. Il semble à des esprits sans portée que l’indifférence et la foi vivront bien ensemble, parce que l’une exige et que l’autre cède ; mais céder à une croyance sans l’accepter, c’est ne pas être. La paix entre deux âmes est possible quand elle est fondée sur l’identité de foi, elle est encore possible quand elle est fondée sur le respect réciproque d’une foi diverse et sincère ; mais appeler paix cette absence de lutte qui naît de l’indifférence, c’est confondre la paix avec la défaite et la vie avec le néant. Paix dans le monde par la liberté ! paix dans les âmes par la foi, même diverse, et par le respect !

Passer de l’éducation religieuse à l’A B C, c’est descendre, et pourtant il faut bien rechercher aussi ce que vaut l’éducation des couvens au point de vue littéraire et grammatical. Il est bien connu que plusieurs grandes et riches communautés tiennent de beaux pensionnats, bien pourvus d’excellentes maîtresses de toute sorte, où l’on enseigne les arts d’agrément comme dans le monde, et qui ont tout ce qu’il faut pour faire des élèves distinguées et surtout brillantes. Nous ne parlons ici que des petites écoles et des filles du peuple, et par conséquent de ces couvens sans propriété au soleil, sans riches dots, qui se recrutent dans les petites villes et dans les campagnes, où il entre plus de paysannes que de demoiselles, et où l’on vit en paysannes, en ouvrières, en servantes courageuses et infatigables des malades et des pauvres. Quand ce sont des ordres illustres et répandus dans le monde entier, comme l’ordre de Saint-Vincent de Paul, il y entre quelquefois des personnes élevées dans le luxe, et qui ont reçu une éducation brillante ; mais le sacrifice est alors bien plus grand, et ce sont là des exemples très rares, de véritables exceptions. Quant à ces petites associations qui franchissent à peine les limites d’un département, on peut bien, sans manquer au respect qui leur est dû et sans méconnaître les services importans qu’elles peuvent rendre, avouer que la très grande majorité des filles dont elles se composent, très recommandables par leurs vertus et par leur énergie, ont tout juste autant de connaissances qu’il en faut pour suivre les prières de la messe dans leurs paroissiens et tenir tant bien que mal les comptes de la maison. Cependant ces braves sœurs ont à peine prononcé leurs vœux, qui pour beaucoup de communautés sont des vœux annuels, qu’elles sont à la disposition de leurs supérieures pour être gardes-malades ou maîtresses d’école, et la supérieure elle-même a souvent ses raisons pour n’être pas très difficile dans le choix de ces dernières. À Paris même, on ne trouve pas toujours, pour faire la classe dans les ouvroirs, des sœurs bien profondément versées dans les mystères de l’orthographe ; on peut juger par là de ce qu’il en est à deux cents lieues d’ici dans le fond d’un village. Eh ! sans doute, il ne s’agit, guère pour ces pauvres filles de campagne que d’apprendre à lire et à écrire couramment, avec les deux premières règles d’arithmétique, et les quatre pour une éducation très soignée ; mais l’art d’enseigner même les plus petites choses est un grand art, très difficile, qui s’acquiert très lentement, que tout le monde n’est pas à même d’acquérir, et qui suppose dans la maîtresse de bien autres connaissances que celles qu’elle est chargée de transmettre. S’il n’était question que d’enseigner tout juste ce qu’on sait, nous n’aurions besoin ni de cours normaux, ni d’écoles normales. Nous n’aurions pas besoin non plus de commissions d’examen pour, les institutrices, car enfin, s’il suffit de savoir lire et écrire, on ne voit pas qu’il soit très nécessaire d’assembler cinq personnes en cérémonie pour s’assurer de ce qui en est ; tout le village saurait à quoi s’en tenir au bout de huit jours sur une institutrice qui tiendrait son livre à l’envers pendant les offices. Or il faut bien le dire, ce n’est pas sans motif que la loi actuelle dispense les religieuses de subir les examens et de produire un diplôme[16] ; la lettre d’obédience leur suffit, c’est-à-dire leur habit, car au fond la lettre d’obédience n’est que cela : c’est l’ordre donné à une religieuse par sa supérieure d’aller tenir une école. Certaines maisons religieuses ont joui de cette exemption sous la restauration ; on la leur conférait dans l’ordonnance même qui les autorisait comme congrégations religieuses ou comme associations charitables. Toutes ne l’obtenaient pas ; on pouvait donc croire que le ministre ne l’accordait qu’aux plus capables, et cela ressemblait quelque peu à une garantie. En 1828, il fut déclaré que le recteur délivrerait un brevet à tout membre d’association enseignante autorisée sur le vu de la lettre d’obédience, sans examen : exemption redoutable, car, dès qu’on réfléchit, on s’en demande le motif. On l’abolit en 1833, on soumit tout le monde au droit commun, et en vérité cette règle paraît d’une justice élémentaire : ou personne, ou tout le monde. Si l’on disait : Les prêtres, les élèves des écoles spéciales déclarés admissibles dans les services publics sont dispensés de l’examen, à la bonne heure, cela se comprendrait, parce qu’un prêtre est censé en savoir plus long qu’un instituteur de village ; mais une simple religieuse ? On ne passe pas d’examen avant de prononcer ses vœux dans un couvent. Pourquoi, si l’on se sent capable, se refuser aux examens ? Est-ce par orgueil ? Elles n’y pensent guère. Par modestie ? Mais les examens des filles se font à huis clos et seulement en présence des concurrentes[17]. Il est assez difficile de déterminer exactement la capacité des religieuses tenant école, car les rapports des inspecteurs ne sont pas livrés à la publicité ; cependant il est assez connu que beaucoup de leurs écoles sont très faibles et ressemblent plutôt à un gardiennage, à un ouvroir qu’à une école. En droit, il n’y a pas de plus forte présomption d’incapacité que l’importance qu’on a mise pour les religieuses à les dispenser de l’examen. Et ce qui achève la démonstration, c’est qu’un certain nombre d’entre elles passent l’examen et ont un brevet. Pourquoi le passent-elles ? Parce qu’elles se sentent capables. Pourquoi les autres ne le passent-elles pas, puisqu’il est évident par cet exemple que rien ne s’y oppose dans les convenances de leur état ? Parce qu’elles se sentent incapables. 766 sœurs sont pourvues du brevet de capacité ; 12,335 n’ont que des lettres d’obédience. Notons aussi que dans les derniers comptes-rendus 9,852 écoles de filles sont notées comme passables, médiocres ou mauvaises.

Il y aurait donc urgence à revenir aux termes de la loi de 1833 et à demander le brevet de capacité à toutes les personnes qui se livrent à l’enseignement, à moins qu’on ne préfère prendre une mesure plus radicale et le supprimer absolument pour tout le monde ; mais nous sommes bien loin en France de songer à ce dernier parti : il s’en faut bien que la liberté absolue du travail soit dans nos mœurs. Pour ce qui concerne en particulier l’enseignement, loin de songer à supprimer les examens, nous n’en sommes encore qu’à constituer des jurys impartiaux. Il faut avouer d’ailleurs, en le déplorant, que la France est bien ignorante et qu’on aurait grand’peine à trouver dans le fond des campagnes des parens capables d’apprécier la capacité des maîtres. Bornons-nous donc à demander la règle uniforme, le droit commun. C’est en toutes choses un terrain solide. On a le bon sens pour soi, et avec un peu de patience et de persévérance on ne peut manquer de réussir.

Il n’y a point parmi nous de passion plus vivace que la haine de l’influence cléricale. On la retrouve partout, dans les esprits les moins cultivés et dans un monde très supérieur. À certains momens d’affaissement général, où la politique désarme, où chacun ne songe plus qu’à faire des affaires, on se réveille encore dès qu’il s’agit du clergé et de l’église. Ce n’est peut-être pas par excès de philosophie. Le grand nombre connaît mal ce qu’il condamne et donne de pauvres raisons pour expliquer son incrédulité ou sa colère. Le fond est plutôt un dissentiment politique qu’une querelle religieuse. C’est le souvenir de ce clergé riche, privilégié, puissant, qui, en 1762, d’après les calculs de l’abbé Expilly, comptait 406,482 personnes engagées par des vœux religieux, et n’avait pas moins de 120 millions de revenus, et qui, dans les premiers jours de la révolution, se croyait dépouillé quand on lui donnait, pour tenir la place de ses biens, un budget de 134 millions[18]. La restauration, comme on sait, n’avait pas pris les mesures les plus efficaces pour effacer ces souvenirs, et aujourd’hui même nous voyons que le moindre incident les ravive. Plus d’un citoyen, se croyant fort bon libéral, n’hésiterait pas à proscrire la religion, s’il en était le maître, comme l’ont fait les libéraux de 1793, et parmi ceux qui entendent la liberté d’une manière moins dictatoriale, beaucoup voudraient au moins exclure le clergé et les congrégations de l’enseignement. Cela ne ferait pas le compte des vrais libéraux, défenseurs naturels de la liberté de conscience, de la liberté d’association et de la liberté d’enseignement ; mais, s’il ne faut pas d’exception contre le clergé, il n’en faut pas non plus pour lui. Il se compromet en acceptant un véritable privilège. Il compromet ses écoles, bien plus, il compromet jusqu’à la liberté elle-même. Il est cependant bien visible que la protection de l’autorité, qui a fait pendant longtemps la force de la religion, est devenue pour elle, par le progrès des idées, une cause de faiblesse. La seule égide des églises, leur égide inviolable, est désormais le principe de la liberté de conscience, qui implique l’égalité absolue devant la loi.

On s’est demandé si l’on pouvait exiger des religieuses le brevet de capacité sans diminuer immédiatement le nombre des écoles de filles. Il est certain que si les 12,335 religieuses qui n’ont que des lettres d’obédience étaient réduites à se retirer devant le règlement qui les soumettrait à la loi commune de l’examen, on ne trouverait pas d’institutrices laïques pour les remplacer dans les conditions actuelles ; mais peut-on rien dire de plus fort contre ces douze mille écoles ? Sait-on ce que c’est que ce certificat de capacité qu’on n’ose pas exiger des religieuses ? Qu’on prenne la loi de 1850. L’article 46 décide expressément que « l’examen ne portera que sur les matières comprises dans la première partie de l’article 23. » Voici cette première partie de l’article 23 : « l’enseignement primaire comprend l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les élémens de la langue française, le calcul et le système légal des poids et mesures. » C’est là tout, absolument tout. On se demande ce qui dans cette liste effraie les religieuses. Qu’on veuille bien dire clairement, ce qui leur manque. Est-ce l’instruction morale et religieuse ? Ne savent-elles pas lire couramment ? ne savent-elles pas écrire ? Les élémens de la langue française, qu’on ne s’y trompe pas, c’est l’orthographe, pas autre chose. Le calcul, ce sont les quatre règles ; encore les commissions d’examen sont-elles assez faciles au sujet de la division. Mais en vérité, supposons que ces femmes qui tiennent des écoles ne sachent pas faire une division et ne connaissent pas le système légal des poids et mesures, combien leur faudra-t-il de temps pour acquérir ces deux sciences difficiles ? Il faut pour cela un mois à un enfant de huit à neuf ans, de capacité ordinaire. Les 12,000 religieuses qui ne reculent pas devant la pensée de diriger une école vont se retirer, dit-on, devant la nécessité d’apprendre à faire une division ! Et c’est pour les protéger contre une exigence si extraordinaire qu’on fait une loi d’exception en leur faveur ! Et quand une telle déclaration est faite solennellement par les plus ardens défenseurs des écoles congréganistes, on dira que nous avons en France un enseignement primaire des filles sérieusement organisé !

Résumons la situation en quelques mots pour ôter tout prétexte aux illusions.

Il y a infiniment trop peu d’écoles publiques ouvertes aux filles, puisqu’elles en ont beaucoup moins que les garçons, et que les garçons n’en ont pas assez. Parmi les écoles ouvertes aux filles, nous sommes obligés de compter les 18,147 écoles mixtes, qui font beaucoup plus de la moitié du nombre total ; 9,852 écoles de filles sont passables, médiocres ou mauvaises ; 13,101 sont tenues par des religieuses, et dans ce grand nombre d’écoles congréganistes on ne compte que 766 maîtresses munies d’un brevet. M. Michel Chevalier, dans son rapport sur la dernière exposition universelle, s’exprime ainsi : « J’ose affirmer que dans nos campagnes, parmi la population mâle, entre trente et soixante ans, il n’y a pas une personne sur dix qui ouvre de temps en temps un livre pour y apprendre quelque chose. Parmi les femmes, il faudrait dire une sur vingt[19]. » Cette phrase a été écrite en 1862. M. Michel Chevalier par le des personnes de trente à quarante ans. Il est heureusement certain que le nombre des illettrés diminue chaque année, et que la disproportion entre les hommes et les femmes diminue également ; mais cette diminution est d’une lenteur désolante. La statistique des mariages pour 1861 donne les résultats suivans, dont l’optimisme le plus imperturbable ne saurait se contenter : sur 100 mariés, le nombre des hommes qui n’ont pu signer est de 29,27, le nombre des femmes de 44,16. Les chiffres sont encore plus douloureux et la disproportion entre les sexes plus marquée, si l’on ne tient compte que de la campagne. Alors sur 100 mariés il faut compter, en hommes, 32,94 complètement illettrés, près du tiers ; en femmes, 48,09, près de la moitié. Encore doit-on se souvenir que beaucoup de personnes qui ne savent ni lire ni écrire apprennent à tracer leur nom, et qu’un très grand nombre d’autres, capables à la rigueur d’épeler un mot ou d’écrire péniblement une ligne, sont tout à fait hors d’état de lire couramment pour s’instruire ou pour s’amuser. Voilà les faits, et on ne les changera pas tant qu’on ne prendra pas les mesures nécessaires pour avoir partout des institutrices capables. On cherche des carrières pour les femmes : la carrière d’institutrice est celle qui leur convient le mieux ; la nature les y a pour ainsi dire destinées. Elles sont institutrices parce qu’elles sont mères. Pourquoi condamner les parens de 360,000 filles à les faire élever par des hommes et côte à côte avec des garçons ? Ce n’est pas là de l’éducation. Pourquoi tolérer en faveur des congrégations religieuses une exception qui fait peser sur 12,000 écoles une présomption d’incapacité ? Ce n’est pas là de l’instruction. Pourquoi plus d’écoles de garçons que. d’écoles de filles ? Ce n’est pas là de l’équité. Pourquoi un budget de plusieurs millions pour les instituteurs et de quelques centaines de mille francs pour les institutrices ? Pourquoi des institutrices à 0,90 centimes par jour ? Ce n’est pas là de l’humanité. Revenons-nous, en plein XIXe siècle, à l’ancienne théorie de l’infériorité des femmes ? Ont-elles moins de droit que nous ou moins de capacité ? La société -a-t-elle un moindre intérêt à les instruire ? Il est vrai que les femmes de la bourgeoisie ne sont pas destinées à gagner de l’argent ; mais les femmes du peuple ne sont-elles pas, comme leurs maris, des ouvrières ? Et puisqu’elles ont moins de force corporelle, n’est-il pas de toute justice de leur donner au moins les avantages d’une éducation égale ? Même pour les femmes placées dans des conditions meilleures, et dispensées du travail mercenaire, la vie est-elle oisive ? Est-il bon, est-il possible qu’elle le soit ? Tandis que le mari est chargé du gain et de la recette, ne faut-il pas que la femme préside à la dépense ? Est-ce là une fonction qui n’ait pas, comme l’autre, son utilité, ou qui puisse sans grand dommage pour les familles et pour la société se passer de noviciat ? L’éducation d’ailleurs n’est pas seulement une affaire. Avant tout, ce que l’on doit vouloir faire par l’éducation, c’est un homme ou une femme, c’est-à-dire une créature raisonnable, soumise au devoir, amante de la vérité, se servant de ses facultés pour se perfectionner soi-même et pour faire du bien aux autres. C’est là notre première carrière à tous, celle que la Providence impose généralement aux hommes et aux femmes, leur créant ainsi, par l’égalité de la destinée, des droits égaux à.une bonne et solide éducation.

Le plus grand besoin de la société en tout temps, et aujourd’hui plus que jamais, est de fortifier les mœurs, et le moyen le plus efficace d’y parvenir est de donner une bonne éducation aux femmes, pour que le mari puisse aimer son intérieur, et que l’enfant trouve auprès de sa mère, avec les soins du corps, la nourriture de l’âme. En bonne logique, on devrait pourvoir d’abord aux nécessités de l’instruction primaire ; on ne réglerait qu’ensuite le reste du budget. Il faut bien comprendre qu’il s’agit pour le pays de grands sacrifices d’argent. Ce serait une faute de le dissimuler, parce que c’est une honte d’en avoir peur. On n’économise pas sur les besoins intellectuels du peuple[20] ; on n’économise pas sur la morale. Quelques centaines de mille francs votés par pudeur ou épargnés par industrie ne sont qu’une aumône avec tous les inconvéniens de l’aumône. Par de pareils moyens, on soulage quelques misères, on ne transforme pas une situation. Il est plus que temps de prendre un grand parti. L’enseignement primaire des filles n’est pas à améliorer, il est à créer.


JULES SIMON.

  1. Les statistiques ne donnent que 13, 766 ; nous avons conclu le chiffre de 13,991 des termes de l’Exposé de la situation de l’Empire, qui déclare, p. 70, que, les émolumens des institutrices publiques s’élevant à 9,169,020 fr. 59 c, la moyenne est de 665 fr. 33 c.
  2. « Lorsque nos sages et bonnes lois auront ramené nos mœurs à leur ancienne simplicité, à leur pureté originaire, enfin lorsque nous verrons revivre l’âge d’or parmi nous, peut-être verrons-nous aussi, comme nos fortunés aïeux, le tendre agneau bondir et se jouer au milieu des loups, qui auront oublié leur ancienne voracité ; nous serons alors sans inquiétude, comme M. de Talleyrand, sur le mélange des sexes. » — Observations sur le rapport que M. de Talleyrand-Périgord, ancien évêque d’Autun, a fait à l’assemblée nationale les 10, 11 et 17 septembre 1791, suivies, d’un Plan d’instruction primaire nationale, présentées à l’assemblée nationale par les maîtres de pension de Paris, 1791.
  3. Voyez l’article 32 de l’ordonnance du 29 février 1816. Dans une instruction, en date du 20 mai 1816, relative à l’exécution de cette ordonnance, M. Laisné, ministre de l’intérieur, s’exprime ainsi sur le même sujet : « Aux termes de l’article 32, les garçons et les filles ne doivent pas être réunis pour l’enseignement. Quoique cette disposition soit dans l’ordre des convenances et dans l’intérêt des mœurs, il est possible que faute de local, et dans les campagnes où il n’existe qu’un seul instituteur pour les deux sexes, elle soit d’une exécution difficile : dans ce cas, il paraîtrait convenable de fixer deux séances dans ces écoles, une le matin pour les garçons, et l’autre le soir pour les filles ; mais on ne doit prendre ce parti que quand il n’y aura pas moyen de faire autrement. » Comparez la circulaire du comte Decazes, ministre de l’intérieur, du 3 juin 1819.
  4. Tableau de l’instruction primaire en France, par P. Lorain, chef du bureau de l’instruction primaire au ministère de l’instruction publique, p. 320.
  5. Ib., p. 328. École de Perthes, arrondissement de Rethel. Ce sont les termes mêmes du rapport. Le fait parait incompréhensible. Dans la commune de La Paix (Ardennes), où il y avait deux écoles, l’école des filles était tenue par un homme.
  6. Ib., p. 328. École de C…, arrondissement de Sancerre (Cher).
  7. Ib. Commune de R… S… F…, canton de Vanves, arrondissement de Chartres (Eure-et-Loir).
  8. Ib., p. 330. Commune de B…, canton d’Auros, arrondissement de Bazas (Gironde).
  9. Ib., p. 330.
  10. Voyez l’article 48 de la loi de 1850.
  11. Règlement du 31 décembre 1853, art. 9.
  12. Statistique de l’industrie à Paris. 1851, p. 153.
  13. 23,359 religieuses vouées exclusivement à l’enseignement, 10,187 à la fois à l’enseignement et au service hospitalier, et enfin 6,845 vivant de la vie contemplative. — Recensement de 1856.
  14. En voici la nomenclature : Dames du Refuge, à Caen ; Sœurs du Refuge, à La Rochelle ; Sœurs de Charité, à Bourges ; idem, à Besançon ; Sœurs hospitalières de Saint-Maurice, à Chartres ; Sœurs du Refuge, à Rennes ; Sœurs de Charité, à Tours ; Sœurs de la Miséricorde, à Saint-Sauveur-le-Vicomte (Manche) ; Sœurs de la Doctrine chrétienne et Sœurs de Saint-Charles, à Nancy ; Sœurs de Charité, à Nevers ; Sœurs du Sacré-Cœur, à Beauvais ; Sœurs de la Miséricorde, à Sées ; Sœurs de Saint-Charles, à Lyon ; cinq communautés de Paris : les Dames augustines, les Sœurs de Saint-Vincent de Paul, les Sœurs de Saint-Maur, les Sœurs du Refuge de Saint-Michel et les Sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve ; Sœurs du Refuge, à Versailles ; Sœurs de la Sagesse, à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée) ; Sœurs de Saint-Alexis, à Limoges. — Deux congrégations d’hommes seulement participent à cette libéralité de l’état : ce sont les Lazaristes et les Missions étrangères.
  15. Sur 13,766 écoles publiques de filles, il y a 7,861 écoles congréganistes et 5,905 écoles laïques. La proportion est toute différente pour les garçons. Sur 37,874 écoles publiques, 34,873 sont tenues par des laïques, et 3,001 par des religieux. Si maintenant nous comptons les écoles privées, nous trouvons qu’il n’y a dans toute la France que 3,553 écoles privées pour les garçons, savoir 3,023 laïques et 530 congréganistes, tandis qu’il y a 12,826 écoles privées pour les filles, dont 5,630 sont dirigées par des religieuses.

    On se trompe assez généralement sur la proportion des écoles laïques et des écoles religieuses pour les garçons. Sur 41,426 écoles, publiques et libres, de garçons, 37,806 Bout dirigées par des laïques, et 3,531 par des frères. Ce n’est pas tout à fait un dixième. Les frères reprennent un peu l’avantage quand on compte le nombre des élèves au lieu de compter les écoles. Cela tient à ce que la plupart des frères, ne marchant que trois à la fois, et jamais isolément, ne peuvent être appelés dans de petites communes. En somme, les écoles de garçons, publiques ou libres, dans lesquelles sont comprises les écoles mixtes, renferment 1,785,420 garçons et 361,087 filles, soit une population de 2,146,507 élèves. 428,008 garçons reçoivent l’instruction dans les écoles congréganistes. C’est un peu moins du tiers ; mais, comme les pensionnats supérieurs de filles sont classés dans l’enseignement primaire, il y a lieu de tenir compte ici de 180,000 garçons élevés dans les lycées, les collèges, les petits séminaires, les institutions diverses, et dont 120,000 au moins sont élevés par des laïques. Cela fait à peu près, pour les laïques, les trois quarts des garçons. Au contraire, sur les 1,669,213 filles qui fréquentent les écoles de filles, il y en a 609,247, c’est-à dire un peu plus du tiers dans les écoles laïques, et 1,059,966 dans les écoles congréganistes.

  16. Loi du 15 mars 1850, art. 49. « Les lettres d’obédience tiendront lieu de brevet de capacité aux institutrices appartenant à des congrégations religieuses vouées à renseignement et reconnues par l’état. »
  17. Loi du 15 mars, art. 40, § 2. « L’examen des institutrices n’aura pas lieu publiquement. »
  18. M. Charles Jourdain (le Budget des cultes en France depuis le concordat de 1801 jusqu’à nos jours, Paris 1859) estime à 70 millions le revenu net des possessions territoriales du clergé au moment de la révolution, et à 80 millions le produit de la dîme : total 150 millions. — Page 2. Ce sont les chiffres présentés par l’évêque d’Autun dans la séance du 10 octobre 1789. En 1790, dans son rapport au comité des finances, Chasset évalue à 200 millions les revenus des biens du clergé.
  19. M. Michel Chevalier, Progrès de l’industrie moderne, 1862.
  20. Les dépenses de la guerre représentent les 275 millièmes du budget total, et les dépenses de l’enseignement n’en représentent que les 11 millièmes.